Jacques Jubé et l union des Églises - article ; n°2 ; vol.70, pg 377-398
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Description

Revue des études slaves - Année 1998 - Volume 70 - Numéro 2 - Pages 377-398
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Michel Mervaud
Jacques Jubé et l'union des Églises
In: Revue des études slaves, Tome 70, fascicule 2, 1998. pp. 377-398.
Citer ce document / Cite this document :
Mervaud Michel. Jacques Jubé et l'union des Églises. In: Revue des études slaves, Tome 70, fascicule 2, 1998. pp. 377-398.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1998_num_70_2_6510JUBE ET L'UNION DES EGLISES JACQUES
PAR
MICHEL MERVAUD
Depuis le concile de Florence de 1439, l'Église catholique n'a jamais perdu
l'espoir de rapprocher, voire d'unir les Églises latine et russe. On connaît les
tentatives de Possevino, de Križanić et de bien d'autres. La mission de l'abbé
janséniste Jacques Jubé en Russie, de 1728 à 1732, s'inscrit dans cette perspect
ive, à la suite d'une série d'échecs. Étudiée par le père Pierling1 après une
longue éclipse, presque oubliée de nouveau avant d'être redécouverte à partir
des années 19802, la tentative de Jubé aurait pu connaître un regain d'intérêt
après la publication de son récit de voyage en 19923. Il n'en est rien : évoquée
tout récemment dans notre revue4, elle fait encore l'objet d'une analyse som
maire, qui laisse supposer un bilan totalement négatif.
JUBÉ AVANT LA MISSION EN « MOSCOVIE »
Jacques Jubé (1674-1745) est né à Vanves. D'origine modeste, il put faire
des études grâce à un ecclésiastique qui avait remarqué ses dons. Il suivit les
cours du père Joseph Jouvency, professeur de rhétorique au collège des jésuites,
1. Paul Pierling, la Russie et le Saint-Siège, Paris, 1907, t. IV, p. 306-387. Point de
vue d'un érudit jésuite, historien et slavisant.
2. Entre autres par A. B. Šiškin et B. A. Uspenskij, « L'influence du jansénisme en
Russie au XVIIIe siècle : deux épisodes », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XXIX/3-
4, juil.-déc. 1988, p. 339-341, et par les mêmes, « Тредиаковский и янсенисты », Символ,
1990, p. 105-262 (sur Jubé, voir surtout p. 1 12-125, 134-149, notes p. 185-199, 205-220).
3. Jacques Jubé, la Religion, les Mœurs et les Usages des Moscovites, avec quelques
particularités par rapport à leur schisme, dans la vue de les réunir à l'Église latine, texte pré
senté et annoté par Michel Mervaud, Oxford, The Voltaire Foundation (Studies on Voltaire
and the eighteenth century, vol. 294), 1992, 252 p., 49 ill. (dessins à la plume de l'auteur),
bibliogr., index. Cette édition est signalée dans le Dictionnaire des lettres françaises (le
XVIIIe siècle) de Grente, 1995, p. 637, mais est ignorée du de biographie fran
çaise (1994), dont la notice sur Jubé n'apporte rien par rapport à celles du XIXe siècle.
4. Katia Dmitrieva, « Les conversions au catholicisme en Russie au XIXe siècle : rup
tures historiques et culturelles », Revue des études slaves, t. LXVII, 1995, fasc. 2-3, p. 314-
315. L'auteur ignore la publication de la Religion, les Mœurs et les Usages des Moscovites et
les comptes rendus qui en ont été faits, entre autres celui de Jean Breuillard dans la Revue des
études slaves, t. LXV, 1993, fasc. 1, p. 201-207. Par ailleurs, l'article est intéressant, mais il
est dommage qu'il soit truffé de fautes d'orthographe et d'erreurs de dates.
Rev. Étud. slaves, Paris, LXX/2, 1998, p. 377-398. 378 MICHEL MERVAUD
auteur d'ouvrages pédagogiques et de tragédies, celui-là même qui sera l'un des
maîtres de Voltaire. Il eut comme professeur de philosophie Guillaume Dagou-
mer, enseignant puis principal du collège d'Harcourt, et qui deviendra recteur de
l'université de Paris. Grâce à la protection de Mme de Lamoignon, supérieure de
la Visitation du faubourg Saint- Jacques qui parle de lui à Nicolas Petitpied5, il
obtient une bourse pour le séminaire Saint-Magloire, foyer de jansénisme. Il
étudie ensuite la théologie à la Sorbonně et les langues orientales au Collège
royal (le futur Collège de France). Ordonné prêtre, il exerce d'abord près de
Chartres. En 1701, grâce au cardinal de Noailles, il obtient la cure d'Asnières,
près de Paris.
Il est vite réputé pour sa rigueur morale, l'austérité de ses mœurs, et son
extrême sévérité à l'égard des fidèles. Il ose faire sortir de son église la comtesse
de Parabère, maîtresse du Régent ! Il fait construire à Asnières une nouvelle
église, dépouillée comme un temple protestant : au moment des offices, l'autel
est recouvert d'une simple nappe, sans crucifix ni chandeliers ; le Saint-Sacre
ment n'y est jamais exposé, mais conservé dans une colombe de vermeil suspen
due au-dessus de l'autel. Jubé célèbre la liturgie dans un esprit ultra-gallican. Le
diacre et le sous-diacre chantent l'Épître et l'Évangile en latin, mais le prêtre, se
tournant vers les fidèles, les lit ensuite en français et les explique. Le pain, l'eau
et le vin destinés au sacrifice sont apportés à l'autel parmi les offrandes du
peuple. Jubé veut retrouver les rites de l'Église primitive et donner une valeur
symbolique aux produits de la nature. Les bénédictions s'étendent aux fruits et
légumes placés sur l'autel. Malgré la discipline qu'il exige de ses paroissiens,
Jubé acquiert auprès d'eux une grande popularité : il les fait participer activ
ement aux cérémonies, leur met entre les mains les livres de l'Ecriture sainte en
français, obtient pour eux des diminutions ou des remises d'impôts. En 1703, il
publie anonymement la brochure Pour et contre Jansenius touchant les matières
de la grâce, qui sera saisie par la police. Éloquent, esprit entreprenant, il a l'âme
d'un chef de parti : la cure d'Asnières devient bientôt l'asile de plusieurs jansé
nistes, dont le célèbre diacre Paris.
Lorsqu'en 1713 le pape Clément XI promulgue la bulle Unigenitus, qui
condamne cent une propositions de l'oratorien janséniste Pasquier Quesnel, Jubé
parcourt le diocèse de Paris en compagnie de son diacre Tissart : il incite le
clergé à la résistance et organise l'armée des appelants. En janvier 1717, les
trois cents curés du diocèse de Paris signent et font imprimer une lettre au
cardinal de Noailles, où ils déclarent qu'ils ont résolu de ne pas accepter
V Unigenitus6. Jubé en est-il l'instigateur ? Quoi qu'il en soit, il représente un
réel danger pour les autorités, et les plaintes s'accumulent contre lui. Mais le
Régent laisse faire, et Jubé bénéficie de l'appui de personnages importants, dont
le cardinal de Noailles, archevêque de Paris.
5. Nicolas Petitpied (1665-1747), théologien « appelant », l'un des adversaires les
plus ardents de la bulle Unigenitus. Arrêté en juin 1719 en vertu d'une nouvelle lettre de
cachet, et relégué à Issoudun, il ne sera autorisé à revenir à Paris qu'en octobre (Jean Buvat,
Gazette de la Régence, janv. 1715 -juin 1719, Paris, 1887, p. 337).
6. Jean Buvat, Journal de la Régence (1715-1723), Paris, 1865, 1. 1, p. 241. Entre
1715 et 1718, plus de trois mille ecclésiastiques français ont manifesté leur opposition à la
Bulle. Dans ľ Encyclopédie, à l'article « Unigenitus », Jaucourt prétend même que la Bulle
souleva contre elle presque toute la France. JACQUES JUBÉ ET L'UNION DES ÉGLISES 379
À la mort du Régent, en 1723, il semble que Jubé ait été inquiété. Il effec
tue un mystérieux voyage de deux mois et ne retourne dans sa cure que le
28 septembre. L'année suivante paraît un pamphlet anonyme, Réflexions sur la
nouvelle liturgie d'Asnières, dirigé à la fois contre Petitpied et contre Jubé,
nommé « le curé du lieu ». L'auteur reproche à « ces Messieurs d'Asnières » de
confondre le prêtre avec l'évêque et le peuple avec le prêtre. Il s'indigne qu'ils
mettent les mystères à la portée du « simple peuple ». Il les assimile aux protes
tants, les accuse d'anarchie, d'esprit républicain et de subversion. Quoi qu'on
pense de ces griefs, il est sûr que l'Église égalitaire préconisée par Jubé, à la
suite d'Edmond Richer et de Quesnel, conduisait à la démocratie cléricale. Elle <

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