L églogue et l apocalypse : Virgile, Novalis et l âge d or - article ; n°58 ; vol.17, pg 3-22
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L'églogue et l'apocalypse : Virgile, Novalis et l'âge d'or - article ; n°58 ; vol.17, pg 3-22

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Description

Romantisme - Année 1987 - Volume 17 - Numéro 58 - Pages 3-22
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Richard Faber
L'églogue et l'apocalypse : Virgile, Novalis et l'âge d'or
In: Romantisme, 1987, n°58. pp. 3-22.
Citer ce document / Cite this document :
Faber Richard. L'églogue et l'apocalypse : Virgile, Novalis et l'âge d'or. In: Romantisme, 1987, n°58. pp. 3-22.
doi : 10.3406/roman.1987.4898
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1987_num_17_58_4898Richard F A BER
L'églogue et l'apocalypse :
Virgile, Novalis et l'âge d'or
Les apocalypses anti-romaines et leurs restructurations pro-romaines
Le syncrétisme apocalyptique dans l'Antiquité commence avec la pénét
ration hellénistique de l'Orient ; il s'installe comme une résistance intellec
tuelle à Rome 2, liée à la résistance physique, qui culmine, du côté juif,
dans les révoltes des Zélotes et de Bar Kochba. La croyance, propre surtout
« au peuple de la promesse » depuis ses origines mythiques, que l'avenir
apporte la délivrance (Baruch, 44, II), et Vespoir, se nourrissant de « ce qui
vient après » (Esra, 7, 112), furent mis le plus durement à l'épreuve dans
la période d'oppression qu'entraîne la conquête séleucide et plus tard
romaine. Il s'en fallut de peu que les coups répétés, toujours plus violents,
dirigés contre Jérusalem, et la croissance toujours plus retentissante des puis
sances du paganisme ne brisent la force de résistance de la croyance en
l'avenir 3. Esra et Baruch, que nous venons de citer, en témoignent ; ils nous
apprennent aussi, qu'en se crispant parfois, elle se fit plus dure, et l'espoir
plus ardent.
Ce qui devait venir après et qui entretenait l'espoir, c'était un monde
nouveau, dont la perfection dépasserait encore les débuts mythiques du
paradis. Et l'on n'y peignait pas seulement les images des apocalypses
juives. Leur riche illustration appartenait plutôt, comme l'eschatologie, au
trésor commun de l'Orient se dressant contre Rome. Nous renvoyons à un
arrangement tardif et supra-national de variantes liées à des différences
culturelles et religieuses, dans la description de l'âge d'or final, transmis
par Lactance sous le règne de Constantin. Dans ce texte s'affirme définitiv
ement 4, grâce à une compilation réussie, la cohérence profonde de traits en
apparence hétéroclites — empruntés aussi à l'anti-apocalypse de Virgile
(Epitomé, 67, 3/4, et Institutions, VII, 24, 7-9) 5.
Déjà les Livres sibyllins — qui permettent de suivre la lutte des juifs
et de la chrétienté contre l'Etat hellénistique et romain depuis les Macchab
ées jusqu'aux sources de l'antiquité tardive — évoquent l'âge d'or. Et non
seulement en tant que nature régénérée, comme chez Lactance, mais comme
utopie sociale :
< [...] La terre est là pour tous, et elle n'est pas divisée par des murs
et des clôtures [...], la vie est commune dans une abondance sans maîtres.
Car il n'y aura plus de mendiants, plus d'injustice, et plus de maîtres
[...] La guerre ne régnera plus, mais une paix profonde parmi les 4 Richard Faber
hommes, qui embrassera également la nature : Les loups et les agneaux
festoient dans les montagnes, intimement associés. Le lion mangeur de
chair broute comme un bœuf la paille de la mangeoire, et de tout petits
garçons le conduisent à la bride. Car il rend les fauves inoffensifs sur
terre. Les enfançons dorment avec les petits des serpents et des cou
leuvres, sans danger ; car Dieu lui-même les protège » e.
C'est ainsi que les sibylles dépeignent le nouvel âge d'or — parce que
justement la sollicitude de Dieu, maître du monde, est à présent cachée,
sinon interrompue 7. Elle ne sera honorée dans sa gloire, à la face du monde
entier, que grâce au salut messianique. Ce salut signifie cependant l'anéan
tissement des pécheurs, qui sont en même temps les ennemis d'Israël. D'après
les livres (3, 653 s.), « Dieu^ au lever du soleil dépêchera le roi qui tuera
les uns, et, des autres, accomplira la foi jurée ».
Ceux qui succomberont à la mort, ce sont tous ceux qui se sont emparés
du pouvoir sur Israël ou l'Orient tout entier. Lactance n'est pas seul à
affirmer « que le nom de Rome, sous le signe duquel le monde est actuel
lement placé, sera balayé de la terre et que le pouvoir reviendra à l'Asie » 8.
Toutes les grandes étapes de l'écrasement de l'Orient par Rome sont accom
pagnées de sentences oraculaires, où la haine des opprimés se donne un
exutoire par la menace d'une compensation future 9. Ainsi dans les Livres
sibyllins (8, 128-130) : « Rome, tu seras détruite de fond en comble et tu
paieras pour tout ce que tu as fait — Tu t'abandonneras dans la désolation
à la peur jusqu'à ce que tout ait été expié. Tu seras pour le monde un
triomphe et pour tous une honte » 10. Et ces phrases ne restent pas toujours
une simple prophétie, dont on attend l'accomplissement sans rien faire.
L'image éloquente que transmet Lactance (Institutions, 2, 37), du lion
rugissant de Juda fondant sur l'aigle (de l'empire du monde), est plus
d'une fois devenue réalité, encore que le succès — promis logiquement au
« lion » par Lactance (Jnst., 12, 33), l'écrasement de l'ennemi, et de ses
armées, ne soit jamais advenu. En particulier, il se déroba à Actium, qui
devait jouer un rôle décisif dans la mythologie historique de Virgile {Enéide,
8, 675-728) ; sans compter qu'Antoine évidemment n'aurait pu représenter
que l'Est, s'il avait vraiment été celui que toute la propagande augustéenne,
Virgile aussi, a fait de lui, un Enée inversé, un contre-Enée, non pas un
déserteur de l'Asie (Enéide, 12, 15) comme lui, mais un « desertor Euro-
pae ». Ce trait décisif justement n'était qu'une fiction — utilisée en vue
d'une fin.
Et pourtant la lutte pour la puissance des deux dynasties romaines prit,
dans ses suites, l'allure digne et pompeuse d'une guerre des idées, une guerre
entre l'Est et l'Ouest n. Qu'elle ait pu le faire a déjà un intérêt en soi (ainsi
le danger parthe, comme l'égyptien, a pu devenir un prétexte dans la poli
tique d'Octave 12).
Le danger oriental subsista pour Rome ; la puissance de Rome était en
effet démesurée autant que terrible : les peuples n'avaient « rien à perdre
que leurs chaînes ». Ils étaient les derniers et « devaient devenir les pre
miers ». Pour y parvenir cependant, il fallait un choc meurtrier. En termes
théologiques : leur guerre devait conduire à un Jahvé eschatologique, leurs
ennemis opérant comme des ennemis de Dieu. Celui qui fait de l'ennemi
un Satan peut bien être aussi faible qu'on veut lui-même — la détermination
de son fanatisme est certaine. On en trouvera l'expression théologique dans
les phrases suivantes : De Virgile à Novalis 5
с Quand la piété se perd tout à fait chez les hommes, / et que la
justice et la foi se cachent dans le monde, / les hommes déchus vivent
alors dans l'impureté, / et ils commettent dans leur orgueil des crimes
et des sacrilèges abominables. / Quand personne ne respecte plus les
hommes pieux, / mais que ces grands enfants les détruisent tous dans
leur folie, / se réjouissant de leur sacrilège, la main prête au meurtre, /
alors on voit bien que Dieu ne sera plus propice, / que, grinçant de
colère, il anéantira toute la race humaine / sur la terre toute entière
dans un énorme incendie » 13.
La propagande religieuse reçoit sa force de cette détermination. Et l'on
ne peut l'affronter, comme on le verra, qu'en renversant contre l'Orient les
armes dont il s'est servi. A la différence des livres sibyllins qui n'empruntent
au pagananisme romain que leur nom 14, pour continuer à vaticiner dans
l'esprit de la tradition des prophètes, les poètes augustéens, avec Virgile à
leur tête, doivent précisément faire à l'Orient des emprunts pour le fond.
La plupart du temps ils ne peuvent que préserver seulement leurs vieux
noms mythologiques, qui désignent alors tout autre chose. Virgile a vis
iblement utilisé des oracles sibyllins, mais il ne s'est pas contenté de trans
férer une prophétie judéo-alexandrine dans la langue latine

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