L'impossible objet de la raciologie. Prologue à une anthropologie physique du Nord de l'Afrique - article ; n°129 ; vol.33, pg 5-18

Jean-Noël Ferrié, Gilles Boëtsch

Description

Cahiers d'études africaines - Année 1993 - Volume 33 - Numéro 129 - Pages 5-18
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: CAHIERS_D-ETUDES_AFRICAINES
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 12
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur Gilles Boëtsch
Monsieur Jean-Noël Ferrié
L'impossible objet de la raciologie. Prologue à une anthropologie
physique du Nord de l'Afrique
In: Cahiers d'études africaines. Vol. 33 N°129. 1993. pp. 5-18.
Abstract
G. Boetsch & J.-N. Ferrie — The Impossible Subject Matter of Raciology: Introduction to a Physical Anthropology of Northern
Africa.
Physical anthropology is placed in its 19th century context; and its application to Northern African populations, critically assessed.
Rather than being considered to be a mere discourse linked to colonial ideology, this branch of anthropology is dealt with it in
terms not of its subject matter—racial taxinomy—but of its field work. It is taken to be an inquiry, based on contemporaneous
conceptions, into the nature of mankind and of culture.
Citer ce document / Cite this document :
Boëtsch Gilles, Ferrié Jean-Noël. L'impossible objet de la raciologie. Prologue à une anthropologie physique du Nord de
l'Afrique. In: Cahiers d'études africaines. Vol. 33 N°129. 1993. pp. 5-18.
doi : 10.3406/cea.1993.2070
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1993_num_33_129_2070SAVANT ET LE BERB RE LE
Gilles Boëtsch Jean-Noël Ferrie
impossible objet de la raciologie
Prologue une anthropologie du Nord de physique Afrique
Les savants du xixe siècle donnaient anthropologie un contenu dis
ciplinaire assez différent de ce que nous avons hui habitude
mettre Ainsi Armand de Quatrefages professeur anthropologie au
Muséum histoire naturelle définissait-il en 1862 sa discipline comme
histoire naturelle de homme faite monographiquement
entendrait un zoologiste étudiant un animal Quatrefages 1865 ni
est peut-être là une définition un peu maximaliste mais qui offre une
assez juste idée du paradigme dans lequel inscrivait anthropologie
savoir un paradigme dominé par la biologie Broca 1863 ix donna tou
tefois une définition moins restrictive de la discipline qui se proposait
non seulement de classer et de décrire les races humaines mais de cher
cher origine des variétés permanentes des types héréditaires des carac
tères si divers et en même temps si gradués qui constituent les races ...
de déterminer les filiations des peuples de retrouver les traces de leurs
migrations et de leurs mélanges jinterroger leurs monuments leur his
toire leurs traditions leurs religions et de les suivre même au-delà de la
période historique pour remonter leurs berceaux Topinard
dans son Anthropologie 1877 2-5) en donnait une définition encore plus
large
anthropologie est la branche de histoire naturelle qui traite de homme et
des races humaines et dont étude porte sur les caractères suivants Les carac
tères ordre physique étudiant les uns sur le cadavre les autres sur le vivant
les caractères ordre physiologique lesquels prennent un nom particulier
il agit du cerveau les facultés et phénomènes intellectuels les carac
tères engendrés par état social les caractères ou mieux les renseignements
historiques archéologiques linguistiques ... anthropologie donc un champ
démesurément vaste et pourrait encore se définir la science de homme et de
humanité après James Hunt ou la biologie du genre humain après Broca
est dire le nombre et la variété des connaissances elle met contribution
Cette conception de anthropologie est plus présente notre esprit
quand nous relisons un il critique la production des auteurs du siècle
Cahiers tudes africaines 129 XXXIII-l 1993 pp 5-18 GILLES BO TSCH JEAN-NO FERRIE
dernier hui nous considérons comme marginale la partie de
leurs uvres qui traitait des races et de leurs caractères morphologiques
Même les critiques les plus sévères de anthropologie coloniale ont
tendance tenir la question raciale pour simplement folklorique et
ne pas la traiter Ainsi Lucas et Vatin dans leur ouvrage polémique
Algérie des anthropologues 1975) ne font-ils nulle référence Bertho-
lon Collignon Faidherbe Hämy Périer ou Topinard savants tout la
fois prolifiques et institutionnels qui se livraient académiquement
anthropologie et leur préfèrent-ils des auteurs rapidement qualifiés
anthropologues et qui en étaient pas tels Neveu Raynal Daumas
Masqueray Rinn Doutté ou Gautier Cette confusion montre bien la
méconnaissance de la problématique posée par anthropologie
Les bases conceptuelles de la raciologie
Le développement de la raciologie est inséparable de la dynamique de
Aufklärung il convient de replacer dans la perspective de la révolu
tion galiléenne Gusdorf 1969 178-180 1972 355 est la modification
de la place de homme dans univers modification touchant aussi bien la
cosmologie que esthétique Panofsky 1975) qui favorisa essor des
études sur homme dans sa dimension naturelle cet essor se fondait sur
deux démarches cognitives indépendantes anatomie et la relation de
voyage qui convergèrent pour donner lentement naissance une his
toire naturelle de homme et de sa diversité De ce point de vue Hundt
1501) le médecin et Las Casas 1552) le médecin et le défenseur des
Indiens enclenchèrent un processus de rupture qui sortit la probléma
tique de homme des cadres mentaux structurés par la théologie chré
tienne et inscrivit dans la positivité Hodgen 1964 418 Ce processus se
caractérise par le développement de empirisme et du comparatisme dont
étude de Tyson Orang Outang sive homo sylvestris or The Anatomy of
Pygmie compared with that of Monkey an Ape and Man 1699)
offre un parfait exemple elle vise partir de la découverte
espèces exotiques que nous nommerions hui missing links
et appuyant sur des critères anatomiques définir le domaine de
humain
Tout ceci représente une mise en cause du monogénisme création-
niste dont autorité remonte saint Augustin Pour les savants du xvi et
du xvn siècle fussent-ils attachés la religion la découverte de nou
veaux peuples et espèces animales morphologiquement voisines de
homme assura le fondement empirique de anthropologie Cependant
acceptation de cette nouvelle vision du monde rendait inévitable le
débat phylogénique Aussi quand La Peyrère publia son ouvrage Praea-
damitae. 1655) dans lequel il prétendait démontrer Adam et Eve
étaient seulement les ancêtres du peuple juif lequel coexistait avec IMPOSSIBLE OBJET DE LA RACIOLOGIE
autres peuples1 ne faisait-il que développer dans ses conséquences
ultimes une lecture possible de la Genèse concordant avec cette nouvelle
perception du monde Remarquons en passant que ce premier discours
polygéniste progressiste dans le contexte philosophique de époque2
avéra finalement le fondement du racisme positiviste3
Ce nouveau sens de la nature dans lequel homme inscrit son histoire
Cassirer 1966 69-113 Gusdorf 1969 259-278) traduit en effet un
souci intelligibilité impliquant la fois la décomposition un tout en
une série éléments et la réorganisation de ces éléments en faisceau
de relations stables formant système Dans son Systema naturae 1793)
Linné utilisant la nomenclature binaire dans laquelle chaque espèce est
désignée par deux termes en donne un exemple achevé le premier est
commun toute les espèces voisines i.e le genre et le second est propre
chaque variété et ne possède aucune signification particulière Le terme
espèce désigne sans caractériser et nomme sans conférer attributs
LA PEYR RE réfuta néanmoins cette théorie trois ans plus tard après une période
emprisonnement au terme de laquelle il rédige la Lettre de La Peyrère Philo-
time dans laquelle il expose les raisons qui ont obligé abjurer la secte de Calvin
il professait et le livre des Pré-adamites il avait mis jour 1658 Il semble
que GUSDORF 1969 II 201 méconnaisse existence de cet ouvrage il
affirme La Peyrère meurt seul sans avoir renoncé ses hérésies
DELISLE 1889 761) dans la perspective de historiographie positiviste des
idées pensait il agissait un problème concernant plus la question reli
gieuse que la question scientifique VERNEAU 1890:14 avait déjà senti que
plus les philosophes que La Peyrère qui se déclarèrent des considérations polygénistes scientifiques au xvine siècle Cette obéirent interprétation pas
est toutefois partiellement discutable dans la mesure où elle suggère il
agissait un jeu oppositions politiques légitimé par une argumentation scien
tifique en fait un combat contre glise On pourrait cependant inverser
ordre causal et considérer que le débat politique la lutte contre le dogma
tisme ecclé