L utilisation sociale du risque technologique - article ; n°1 ; vol.4, pg 65-87
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L'utilisation sociale du risque technologique - article ; n°1 ; vol.4, pg 65-87

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Description

Sociétés contemporaines - Année 1990 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 65-87
Résumé : Avec l'étude du risque technologique, le sociologue trouve l'occasion - dans une compétition fructueuse avec la psycho-sociologie et l'ergonomie - de préciser sa position de discipline. L auteur montre, en prenant /' exempte ď une recherche sur le risque nucléaire - menée conjointement avec une intervention psychopathologique - comment la sociologie peut expliquer les apparentes incohérences entre les situations de travail et les cultures du risque, sans faire appel à l'hypothèse de dissonances psychologiques ou cognitives, mais par la construction institutionnelle des personnalités au travail. Ainsi dans un organisme qui valorise la compétition pour la promotion au choix sur critères standardisés, la prouesse personnelle face au péril ne peut pas être reconnue. La peur et le courage - nécessaires pour percevoir les dangers et y faire face - doivent donc être inventés dans des cultures officieuses, contredisant le système officiel. L' approche sociologique fait apparaître le caractère inter -culturel de ces contradictions, ce qui relativise les interpretations (psycho- ergonomiques). Celles-ci restent souvent prises dans la représentation d'une opposition entre le facteur humain et le contexte technique, alors que ce dernier est lui-même un tissu - paradoxal- ď injonctions culturelles différentes.
DENIS DUCLOS In studying technological risks, the sociologist can have an opportunity to challenge Ergonomy and Social Psychology, and -therefore - to precise his (her) own disciplinary position. The author takes the example of a research - conducted jointly with a psychopathologist approach - on the nuclear risk issue. He states that sociology can explain the apparent inconsistences between working situations and risk cultures, in using no cognitive or psychological concepts. One can only resort to a hypothesis regarding the social construction of personnality at work. Thus, in a company which valorizes a globally standardized competition among employees, personnal achievements in dangerous situations cannot be recognized. Fear and courage - highly necessary to face hazards - must be created by underground cultures, standing against the official system. The sociological approach displays the inter-cultural aspect of these contradictions, which the psychological and ergonomie frameworks are less fit to explain. Those approaches often stick to a human factor/versus/technology model, and don't perceive well that the technological context is itself a - paradoxical - fabric of various cultural references.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Denis Duclos
L'utilisation sociale du risque technologique
In: Sociétés contemporaines N°4, Décembre 1990. pp. 65-87.
Citer ce document / Cite this document :
Duclos Denis. L'utilisation sociale du risque technologique. In: Sociétés contemporaines N°4, Décembre 1990. pp. 65-87.
doi : 10.3406/socco.1990.976
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/socco_1150-1944_1990_num_4_1_976Résumé
Résumé : Avec l'étude du risque technologique, le sociologue trouve l'occasion - dans une compétition
fructueuse avec la psycho-sociologie et l'ergonomie - de préciser sa position de discipline. L auteur
montre, en prenant /' exempte ď une recherche sur le risque nucléaire - menée conjointement avec une
intervention psychopathologique - comment la sociologie peut expliquer les apparentes incohérences
entre les situations de travail et les cultures du risque, sans faire appel à l'hypothèse de dissonances
psychologiques ou cognitives, mais par la construction institutionnelle des personnalités au travail. Ainsi
dans un organisme qui valorise la compétition pour la promotion au choix sur critères standardisés, la
prouesse personnelle face au péril ne peut pas être reconnue. La peur et le courage - nécessaires pour
percevoir les dangers et y faire face - doivent donc être "inventés" dans des cultures officieuses,
contredisant le système officiel. L' approche sociologique fait apparaître le caractère inter -culturel de
ces contradictions, ce qui relativise les interpretations (psycho- ergonomiques). Celles-ci restent
souvent prises dans la représentation d'une opposition entre le facteur humain et le contexte technique,
alors que ce dernier est lui-même un tissu - paradoxal- ď injonctions culturelles différentes.
Abstract
DENIS DUCLOS In studying technological risks, the sociologist can have an opportunity to challenge
Ergonomy and Social Psychology, and -therefore - to precise his (her) own disciplinary position. The
author takes the example of a research - conducted jointly with a psychopathologist approach - on the
nuclear risk issue. He states that sociology can explain the apparent inconsistences between working
situations and risk cultures, in using no cognitive or psychological concepts. One can only resort to a
hypothesis regarding the social construction of "personnality at work". Thus, in a company which
valorizes a globally standardized competition among employees, personnal achievements in dangerous
situations cannot be recognized. Fear and courage - highly necessary to face hazards - must be
"created" by underground cultures, standing against the official system. The sociological approach
displays the inter-cultural aspect of these contradictions, which the psychological and ergonomie
frameworks are less fit to explain. Those approaches often stick to a human factor/versus/technology
model, and don't perceive well that the technological context is itself a - paradoxical - fabric of various
cultural references.♦ ♦♦♦♦♦♦ DENIS DUCLOS ♦♦♦♦♦♦♦
L'UTILISATION SOCIALE
DU RISQUE TECHNOLOGIQUE
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1 . LA GENESE DU RAPPORT AU RISQUE DANS L'INSTITUTION PRODUCTIVE
Dans une étude sur les dirigeants d'entreprises confrontés au risque l, j'ai pu
constater combien leur rapport à la matérialité des dangers et des nuisances était
influencé par leurs cadres de référence symboliques : des jugements portés sur autrui
(le public, les journalistes, etc.), des motifs de prestance (comparaisons entre pays,
secteurs et métiers), ou des valeurs d'identité professionnelle, de corps ou de classe,
semblent jouer un rôle prépondérant dans leur définition même de ce qui constitue une
nuisance ou un péril, ou de ce qui forme un risque acceptable ou non, l'emportant
souvent sur des considérations plus objectives. Même la raison économique du gain et
de la perte calculables est apparue relativement secondaire chez ces acteurs (en dépit
de l'affirmation d'une "logique industrielle") par rapport à leur philosophie du monde
social.
Je me suis demandé dans quelle mesure ces mises en forme du danger matériel par
des catégories symboliques ne trouvaient pas leur genèse dans l'institution et les
relations que celle-ci instaure nécessairement entre les êtres humains et les objets de
1. La Civilité Industrielle, Paris, L'Harmattan, 1991.
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Sociétés Contemporaines (1990) n°4 DENIS DUCLOS ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
leurs pratiques communes, réalisant ainsi les symboles de la culture qui les enveloppe
et les traverse.
J'ai en effet observé que ce sont bien dans les institutions (les entreprises, par
exemple), et tout particulièrement dans les faisceaux de relations tissées autour du
travail et de la production, que le risque se charge de signification sociale, à tel point
qu'il se met à exister comme tel, et qu'en dehors de cette symbolisation, tout semble
devenir possible et donc... également insignifiant pour les acteurs.
C'est cette véritable invention sociale du risque, aussi bien que sa modération ou
sa disparition que je propose au lecteur d'évoquer ici. Pour ce faire, je m'appuierai sur
une expérience d'enquêtes menées auprès des agents les plus directs du péril
technologique - opérateurs, techniciens et ouvriers - dans quelques industries de process
dangereux (chimie, nucléaire) en France et aux Etats-Unis 2, et j'utiliserai tout
particulièrement dans cet article l'exemple d'une étude menée en commun avec
С Dejours auprès des collectifs de maintenance d'une grande centrale nucléaire en
France 3.
Pour mettre en place les bases de l'analyse, soulignons rapidement ce qui distingue
la sociologie dans l'étude de la perception des risques, des approches de
psycho-sociologie, de psycho-pathologie du travail ou d'ergonomie cognitive 4.
Disons, pour esquisser un cadre problématique, que les approches psychologiques
mettent l'accent sur la différence entre la logique de l'individu et celle du contexte
social, que l'ergonomie fait de l'être humain le facteur d'un système technique (ou,
pour être moins restrictif, d'un système d'actions coopératives finalisées
rationnellement), tandis que la sociologie prend l'individu, le groupe et l'institution
comme des sources et des réceptacles équivalents des productions de référentiels
symboliques, qui ordonnent ensuite le sens de la vie sociale pour chacun et pour tous,
mais peuvent se révéler contradictoires.
SITUER L'APPORT DE PLUSIEURS SCIENCES HUMAINES FACE AU RISQUE.
L'approche sociologique éprouve bien des difficultés à se situer face à ces deux
grands attracteurs de la manne des entreprises que sont l'adaptation corporelle et
cognitive et l'adaptation psychologique des individus et des groupes à des objectifs de
gestion des ressources humaines. Dès lors, par exemple, que la sociologie accepte le
paradigme de la production comme action coopérative rationnelle, elle ne peut plus se
débarrasser d'un fonctionnalisme qui la conduit à rechercher une optimisation des
facteurs humains dans la négociation, la transaction, ou la régulation conjointe, etc. Or,
2. Parmi plusieurs travaux sur ce thème, citons : D. Duclos. La construction sociale du risque :1e cas
des ouvriers de la chimie face aux dangers industriels. Revue Française de Sociologie, XXVIII, 1987,

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