La construction équivoque d une « opinion » mondiale - article ; n°151 ; vol.38, pg 677-693
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Tiers-Monde - Année 1997 - Volume 38 - Numéro 151 - Pages 677-693
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie-Claude Smouts
La construction équivoque d'une « opinion » mondiale
In: Tiers-Monde. 1997, tome 38 n°151. Coopération internationale : le temps des incertitudes ( sous la direction
d'André Guichaoua ). pp. 677-693.
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Smouts Marie-Claude. La construction équivoque d'une « opinion » mondiale. In: Tiers-Monde. 1997, tome 38 n°151.
Coopération internationale : le temps des incertitudes ( sous la direction d'André Guichaoua ). pp. 677-693.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1997_num_38_151_5156LA CONSTRUCTION ÉQUIVOQUE
D'UNE «OPINION» MONDIALE
par Marie-Claude Smouts1
Pour redonner un sens à l'action publique internationale et la rendre
intelligible à tous, la coopération ne peut plus se limiter à la seule coordi
nation des politiques étatiques. Elle implique un échange global entre
toutes les composantes de la société mondiale et la participation de tous les
acteurs concernés. Par leur engagement auprès des Nations Unies et
notamment leur présence massive dans les grandes Conférences, les
«forces vives de la société civile » sont parvenues à se faire reconnaître
comme partenaires à chaque étape de l'action diplomatique. Des réseaux
de solidarité se sont tissés à l'échelle planétaire et tendent à remettre en
cause les catégories traditionnelles en imposant des priorités nouvelles.
Mais l'insertion dans ces réseaux informels est inégale et l'émergence d'un
référentiel commun traduit les hiérarchies classiques de la puissance. Les
thèmes qui réussissent à s'imposer à l'attention mondiale sont ceux qui
mobilisent les grandes associations du Nord et touchent l'opinion dans les
pays les plus avancés.
Le temps où la coopération internationale se faisait d'États à États,
où l'expression vague de coopération pour le développement dissimulait
en réalité des objectifs précis de compétition commerciale et géostraté
gique selon des lignes clairement balisées Nord-Sud/Est-Ouest, ce
temps-là est révolu. Certes, les objectifs classiques de la politique étran
gère n'ont pas disparu et la compétition demeure. Certes, les organisat
ions internationales restent des instances où les États cherchent les
règles du jeu permettant d'ordonner cette compétition et de gérer les
crises nées de leurs rivalités et de leurs inégalités. Mais les mutations
1 . Directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CNRS/FNSP) et profes
seur à l'Institut d'études politiques de Paris.
Revue Tiers Monde, t. XXXVIII, n° 151, juillet-septembre 1997 678 Marie-Claude Smouts
accélérées de la société internationale sont en train de transformer rad
icalement la problématique de la coopération en élargissant tout à la fois
ses enjeux, ses acteurs et ses instruments.
UNE COOPÉRATION MONDIALE EN RESTRUCTURATION
De nouveaux défis sont apparus qui ont modifié Г « offre » de coopé
ration internationale. La redistribution du pouvoir dans le monde e
xcommuniste et les perturbations qui l'accompagnent, la crise généralisée
de la représentation politique et la décomposition d'un grand nombre
d'États « faillis », le fossé grandissant entre les riches et les pauvres et les
mouvements de population qui s'ensuivent, les trafics illicites, la diss
émination de technologies militaires, la diffusion de la violence privée,
toutes ces différentes sources de désordre ont mis au premier plan les
préoccupations de sécurité «sociétale». Défense extérieure et sécurité
intérieure tendent à se rejoindre. Le principe de souveraineté territoriale
s'érode. La question de l'intervention extérieure est posée sous une
forme nouvelle1. Au sein des pays développés, le problème du devoir
d'intervention humanitaire fait l'objet de débats quotidiens. Dans le
même temps, l'aide publique au développement stagne sinon régresse et
la notion même de développement se trouve contestée.
La « demande » de coopération, elle aussi, a évolué, du moins dans
ses modes d'expression. Elle s'adresse en priorité aux grandes organisat
ions, censées déterminer les règles du jeu économique et financier (fmi,
Banque mondiale). Elle se structure de plus en plus dans un cadre régio
nal : essor nouveau du multilatéralisme en Asie, progrès de l'intégration
économique dans les Amériques, succès relatif de la sadc (Conférence
pour la coordination du développement de l'Afrique australe) en
Afrique. Elle a tendance à se polariser fréquemment autour de deux
grands acteurs - États-Unis, Union européenne - à qui reviendrait la
responsabilité de prendre en charge la reconstruction de pays ravagés
par les conflits internes (Bosnie), voire le retour à l'équilibre de régions
entières (Balkans, Proche-Orient, Grands Lacs).
Les modalités et les lieux principaux de la coopération ont également
changé. Dans le domaine économique, les grands schémas Nord-Sud
ont volé en éclats qui avaient fait du système des Nations Unies l'épi-
centre de la transformation concertée pendant plus de quinze ans (1964-
1980). A la recherche laborieuse d'une redéfinition globale des règles du
1 . Voir Gene Lyons et Michael Mastanduno, Beyond Westphalia ? State Sovereignty and International
Intervention, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1995. La construction équivoque d'une « opinion » mondiale 679
jeu international par la négociation mondiale (le Nouvel Ordre écono
mique international, noei) a succédé une prolifération de plans hâtifs et
de mesures ponctuelles visant, non sans quelques succès, à circonscrire
les événements les plus gravement perturbateurs de l'échange internatio
nal : crise de la dette, chute du dollar, passage des pays ex-communistes
à l'économie de marché, «effet tequila», etc. Le système des Nations
Unies s'est trouvé déclassé. Les choses importantes ne se passent pas à
la cnuced (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le déve
loppement), encore moins à I'ecosoc (Conseil économique et social des
Nations Unies). Elles se passent entre un nombre restreint d'acteurs
dans les institutions de Bretton Woods, au Club de Paris, à Гомс
(Organisation mondiale du commerce, qui n'est pas une institution spé
cialisée du système des Nations Unies) et dans le maillage de concerta
tion permanente tissé par le G7 entre les principaux ministres, hauts
fonctionnaires, responsables d'institutions économiques et financières,
publiques et privées, à l'échelle mondiale. Dans le domaine de la paix et
de la sécurité internationales, après une embellie de quatre ans (1988-
1992), I'onu montre également ses limites, et de façon tragique, qu'il
s'agisse de la Somalie, de la Bosnie, du Rwanda, du Zaïre... La coopérat
ion internationale intervient pour parer au plus pressé. Elle se construit
dans l'urgence, au coup par coup, sans schéma préétabli. Dans le meil
leur des cas, elle traite les symptômes des crises, en ralentit la propagat
ion. Elle ne permet ni de les prévenir ni d'en éliminer les causes.
Dans ce monde en mutation rapide, à la fois de plus en plus interd
épendant et de plus en plus fragmenté, le bon fonctionnement de la société
mondiale ne dépend plus seulement de la coordination des politiques étati
ques selon des principes de conduite généralement admis, définition clas
sique de la coopération multilatérale. Il ne saurait non plus être assuré par
la simple juxtaposition d'arrangements fonctionnels (les fameux
« régimes ») permettant au cas par cas de gérer des domaines particuliers
avec comme seule finalité commune la bonne marche des affaires dans le
jeu mondial de la concurrence. Entre l'État et le marché s'affirme une
société civile de plus en plus remuante, de plus en plus autonome, capable
de résister aux injonctions gouvernementales et d'utiliser des ressources
spécifiques pour agir en propre sur la scène internationale : de Greenpeace
aux réseaux Act Up, des églises pentecôtistes

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