La crise de l État-providence au Kérala (Inde) - article ; n°148 ; vol.37, pg 897-918
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La crise de l'État-providence au Kérala (Inde) - article ; n°148 ; vol.37, pg 897-918

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Tiers-Monde - Année 1996 - Volume 37 - Numéro 148 - Pages 897-918
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Loraine Kennedy
La crise de l'État-providence au Kérala (Inde)
In: Tiers-Monde. 1996, tome 37 n°148. pp. 897-918.
Citer ce document / Cite this document :
Kennedy Loraine. La crise de l'État-providence au Kérala (Inde). In: Tiers-Monde. 1996, tome 37 n°148. pp. 897-918.
doi : 10.3406/tiers.1996.5083
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1996_num_37_148_5083CRISE DE L' « ÉTAT-PROVIDENCE » LA
AU KÉRALA (INDE)
par Loraine Kennedy1
L'expérience de développement du Kérala, un petit État du sud de
l'Inde, est unique : en l'absence d'une croissance économique soutenue,
il a réussi à atteindre un niveau de développement, mesuré par une série
d'indicateurs sociaux, qui s'approche à certains égards de celui des pays
développés. Une combinaison de facteurs a favorisé à partir du siècle
dernier l'instauration d'institutions scolaires et médicales dans cette
région, évolution qui, avec les réformes institutionnelles entreprises par
les États, a jeté les bases d'une baisse de la fécondité et d'une améliorat
ion généralisée de la qualité de la vie, aujourd'hui sans égale en Inde.
La forte mobilisation politique de la population dans la période post
indépendance a maintenu la pression sur les pouvoirs politiques, et les
services publics ont été multipliés.
Pourtant, à l'aune du revenu par habitant, le Kérala reste une
région pauvre et son économie manifeste certaines des caractéristiques
classiques du « sous-développement », notamment la prédominance de
l'agriculture et des ressources naturelles, dont la meilleure part est
exportée, et un taux d'industrialisation faible. Aujourd'hui, et sans
qu'elle n'ait jamais été très dynamique, l'économie kéralaise subit une
crise profonde caractérisée par un chômage massif et une stagnation
des principaux secteurs productifs. Seul le secteur tertiaire croît, ce qui
est attribué à la forte émigration des Kéralais au cours des vingt der
nières années, notamment vers les pays du golfe Persique.
Cette crise économique met à rude épreuve le « modèle » kéralais :
fondé sur une logique sociale, il bute sur des contraintes économiques.
En effet, le risque est que la très faible croissance des dernières décenn
ies - inférieure à la moyenne nationale - finisse par compromettre les
1 . Chercheur associé au Centre d'études de l'Inde et de l'Asie du Sud (EHESS-CNRS), Paris.
Revue Tiers Monde, t. XXXVII, n° 148, octobre-décembre 1996 898 Loraine Kennedy
acquis sociaux, et mette ainsi en cause la viabilité de cet exemple
unique en Inde ď « État-providence ». Le niveau des salaires en parti
culier, plus élevé que dans les régions avoisinantes, semble être un fac
teur important de la stagnation, même si d'autres facteurs structurels
ont également contribué à inhiber le développement économique.
Cette situation, à laquelle il faut ajouter une crise fiscale profonde,
rend de plus en plus difficile le maintien par l'État du même niveau de
prestations. De plus, l'ampleur du chômage fait craindre une sur
chauffe sociale et le creusement de tensions intercommunautaires,
presque inconnues jusqu'ici.
Depuis quelques années, les principales formations politiques du
Kérala, toutes tendances confondues, ainsi que les puissantes organisa
tions syndicales, commencent à reconnaître la nécessité de trouver un
modus operandi qui permettra à cette région d'accéder à la croissance.
Or, le défi est considérable : il s'agit de surmonter les contradictions du
modèle sans en sacrifier l'essentiel. La libéralisation économique qu'en
treprend à l'heure actuelle le gouvernement indien rend d'autant plus
urgente la mise en place de conditions susceptibles de favoriser une
dynamique économique qu'elle se traduit par un retrait de l'État central
et par une montée de la concurrence entre les différents États de l'Union
indienne pour attirer les investissements.
Le but de cet article est en partie de faire connaître le cas insolite
du Kérala, mais surtout d'examiner quelques-unes des questions théo
riques qu'il soulève et d'explorer les enjeux pour l'avenir. La première
partie est consacrée aux fondements sociaux et politiques du modèle
du Kérala. Ensuite la question de la correspondance entre développe
ment social et économique se pose lorsque est abordée la crise écono
mique de cet État, à travers ses manifestations et ses causes. L'analyse
porte sur les salaires, sur le rôle central des syndicats dans les rapports
sociaux ainsi que sur l'impact de l'émigration massive des dernières
années. Enfin, quelques hypothèses sont avancées quant aux perspect
ives pour le Kérala au moment où l'Inde entame des réformes écono
miques majeures.
I. GENÈSE D'UN QUASI-« ÉTAT-PROVIDENCE »
L'origine de la performance extraordinaire du Kérala en matière de
développement social fait l'objet de débats : alors que certains mettent
l'accent sur l'influence des missionnaires chrétiens, assez nombreux dans
cette région au XIXe siècle, d'autres font valoir le rôle des idées commu- crise de V « État-Providence » au Kérala 899 La
nistes et la mobilisation de la population par les partis politiques radi
caux. La réponse n'est pas simple, ni sans doute unique : alors que la
configuration sociale et géographique du Kérala comporte des éléments
explicatifs indiscutables, le rôle joué par les interventions politiques se
situe également au premier plan.
Le territoire du Kérala couvre 38 654 km2, soit 1,2% de la superficie
totale de l'Inde, et s'étend dans la direction nord-sud sur une bande
étroite le long de l'océan Indien (voir carte). En 1991, il comptait
29 millions d'habitants, soit 3,4% de la population indienne totale.
C'est une des régions les plus densément peuplées du monde avec
750 hab./km2 (pour une moyenne nationale de 267 hab./km2), mais cette
moyenne pour le territoire cache le fait que la bande côtière compte plus
de 1 000 hab./km2. Or le Kérala n'est pas un État urbanisé, la majeure
partie de sa population habite dans des villages ou de gros bourgs semi-
urbains.
Bangalore
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/ г* И"Яап/к&ту, Paris-*
Le Kérala : carte de situation 900 Loraine Kennedy
Le tableau ci-dessous indique clairement l'avance du Kérala par rap
port à la moyenne indienne pour certains indicateurs démographiques et
sociaux.
Taux de
Taux de Taux Espérance croissance
Population de la Taux de mortalité bétisation de vie à la
lation fécondité infantile (%o) naissance (millions) (hom./fem.) Illustration non autorisée à la diffusion 1991 1981-1991 1992 1992 1991 1992
Kérala 29 1,3 1,8 17 94/86 72
Inde 846 2,1 3,7 79 64/39 59
Source : J. Drèze et A. Sen, India. Economie Development and Social Opportunity,
Oxford University Press, 1995, passim.
La diversité de la société
La composition religieuse de la population constitue une particular
ité dans le contexte indien: avec 58% d'hindous, 21 % de musulmans
et 21 % de chrétiens, la population kéralaise est la plus hétérogène de
l'Inde. Cette configuration sociologique contraste fortement avec la
moyenne nationale (83 % d'hindous, 1 1 % de musulmans, 2 % de chré
tiens et 4% d'autres religions), et surtout avec celles des États avoisi-
nants, le Tamil Nadu et le Karnataka, à forte majorité hindoue (89% et
86% respectivement) (cmie, 19916). De manière générale au Kérala, ces
différentes communautés vivent dans une ambiance de respect mutuel,
sans conflits majeurs, ce qui constitue pour beaucoup de Kéralais une
source de fierté. A la différence de la plupart des autres parties du pays,
la cohabitation des communautés remonte très loin dans l'histoire. Cela
est une conséquence de son empla

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