La Lance et les guenilles - article ; n°3 ; vol.13, pg 139-149
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La Lance et les guenilles - article ; n°3 ; vol.13, pg 139-149

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1973 - Volume 13 - Numéro 3 - Pages 139-149
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Izard
La Lance et les guenilles
In: L'Homme, 1973, tome 13 n°3. pp. 139-149.
Citer ce document / Cite this document :
Izard Michel. La Lance et les guenilles. In: L'Homme, 1973, tome 13 n°3. pp. 139-149.
doi : 10.3406/hom.1973.367368
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1973_num_13_3_367368-723
LA LANCE ET LES GUENILLES
par
MICHEL IZARD
L'histoire mossi, telle qu'elle est pensée par ses acteurs, est celle du déve
loppement, génération après génération, d'un seul groupe de descendance issu
d'un ancêtre unique, Naaba Wedraogo, dont le père était un chasseur venu de
l'ouest et la mère un garçon manqué, héritière d'une lignée de chasseurs-chefs
venus de l'est. En moore, wed-raogo signifie « étalon » ; ainsi, au premier des chefs
mossi est associé l'animal de la conquête militaire.
A cette histoire généalogique est coextensive une histoire territoriale. Naaba
Wedraogo vit à Bitu, sur la frontière séparant actuellement le Ghana de la Haute-
Volta. De ce village, ses successeurs partent en direction du nord-ouest et éten
dent progressivement leur domination sur la totalité du bassin de la Volta
Blanche, sans doute à partir du xve siècle. Mais le développement parallèle de
ces deux processus rencontre une limite. A la fin du xvie siècle, le territoire mossi
a atteint son extension optimale (non maximale, car une partie importante des
conquêtes occidentales ont été alors abandonnées) et ses frontières extérieures
resteront désormais inchangées. De génération en génération, l'assise démogra
phique de la descendance de Naaba Wedraogo s'est considérablement élargie.
Dans un premier temps, segmentation et mainmise territoriale vont de pair ;
naissent ainsi les premiers commandements locaux ou régionaux, les premiers
royaumes, puis, tandis que les dynasties se multiplient aux divers niveaux d'im
plantation du pouvoir politique nouveau, les frontières du territoire mossi devien
nent définitivement stables, et sur les mêmes villages, les mêmes régions, les
mêmes royaumes, les segments dynastiques se succèdent.
Ainsi le territoire du Yatënga actuel voit-il arriver successivement plusieurs
groupes de conquérants à partir de la fin du xve siècle, époque où apparaît Naaba
Rawa, « fils » de Naaba Wedraogo. Des formations étatiques embryonnaires
naissent et disparaissent, se juxtaposent ou se superposent les unes aux autres.
Le pays est habité de longue date par des agriculteurs sédentaires vivant en
communautés villageoises organisées sur une base segmentaire. Arrivent des
cavaliers venus du sud, fils ou frères de chefs déjà en place ou, au contraire, 140 MICHEL IZARD
conquérants peu soucieux de s'arrêter en chemin, accompagnés de leurs cadets,
de quelques compagnons d'arme, éventuellement de forgerons et de techniciens
du sacré. Un jour, les cavaliers mettent pied à terre, attachent leurs chevaux et
posent leur lance. Autour de la résidence choisie par le chef, dont l'installation
suppose l'accord préalable, obtenu de gré ou de force, du maître de la terre de
l'endroit, un nouveau territoire politique se constitue, défini par un réseau de
commandements villageois, projection territoriale de la dynastie naissante. Point
de guerres de conquête à proprement parler, point de combats, si, du moins, nous
nous en tenons à la lettre de la tradition orale. Une partie des autochtones (Kibse)
quitte le pays, la plus grande partie (Fulse) reste, et l'association est scellée entre
les gens du pouvoir (naam) et les gens de la terre (tënga).
Vient l'unificateur, vers la fin du XVIe siècle : Naaba Yadega, prince évincé du
trône au royaume de son père (le royaume de Wogdogo ou Ouagadougou), null
ement une belle âme que séduirait la délectation morose du renoncement. Naaba
Yadega part vers le nord accompagné par sa sœur aînée qui a dérobé pour lui les
regalia dont elle avait la charge1, se fixe à Gursi, village dont l'importance écono
mique est déjà grande, et fonde sa fortune politique sur le meurtre de son père
adoptif, Naaba Swida, qui réside non loin de Gursi, à Minima, et dont l'autorité
s'étend sur toute la région. Double rupture, puisque le vol des regalia est un crime
irréparable (mais qui paie : Naaba Yadega est roi avant même d'avoir un
royaume), et que Naaba Swida est un chef de guerre du royaume du Sud.
Progressivement, les successeurs de Naaba Yadega vont prendre le contrôle
politique du pays mossi septentrional et, à la fin du xvne siècle, leur œuvre sera
achevée, la dynastie issue de Naaba Yadega aura supplanté les anciennes dynast
ies qui ne conserveront plus que quelques commandements villageois, dont les
titulaires seront des chefs de guerre du nouveau royaume, le Yatënga, le pays
(tënga) de Naaba Yadega.
Les conquérants mossi ne créent pas de nouveaux villages. Le roi place des
chefs à la tête de certains villages ; les descendants de ces chefs y font souche ou
vont ailleurs. Depuis l'installation de Naaba Yadega à Gursi, le nombre de villages
commandés par des chefs mossi n'a certes pas cessé d'augmenter, mais très vite
cependant cette croissance s'est ralentie, comme si de puissants freins contra
riaient la mise en place d'autant de chefs mossi que le royaume compte de villages.
Les raisons pour lesquelles le pouvoir mossi n'a pas étendu, en quelques générat
ions, son emprise directe sur la totalité des villages du royaume nous restent
obscures — problème qui, seulement posé, renvoie à l'ambivalence des relations
que nouent entre eux gens du pouvoir et gens de la terre. Les maîtres de la terre
acceptent le pouvoir étranger, le du pouvoir, ils acceptent de lui donner
1. A la mort du souverain, l'intérim du pouvoir, jusqu'à la nomination du nouveau roi,
est assuré par la fille aînée du Yatënga naaba défunt, qui porte le titre de na-poko « femme-
chef ». En sa qualité de na-poko, la sœur aînée de Naaba Yadega avait la garde des regalia. LA LANCE ET LES GUENILLES I4I
le sacrement de la terre mais ils mettent dans le même temps à sa manifestation
une double limitation. Le pouvoir mossi n'a pas prise sur le sacré de la terre et
cette limitation idéologique a sa traduction territoriale. Le pouvoir mossi pèse
sur tout le royaume mais ne pèse pas également sur tous les villages du royaume.
De même que plusieurs dynasties royales peuvent se succéder sur un même
territoire, la succession des générations entraîne, au sein d'une dynastie royale
donnée, un renouvellement des chefs locaux, les branches les plus récentes rem
plaçant régulièrement les branches les plus anciennes. Il n'y a d'ailleurs pas,
entre les deux processus, une différence de nature, et si la distinction faite ici
entre dynasties et branches dynastiques a un sens par référence à des coupures
historiques précises, on ne doit pas oublier pour autant que les diverses lignées
en cause appartiennent toutes à un seul et unique groupe de descendance. Sous
la couche la plus récente, celle à laquelle appartient le chef de village en place,
l'histoire des villages révèle ainsi des stratigraphies de couches dynastiques fos
siles dont les plus anciennes peuvent remonter aux premières formations étatiques
nées sur le territoire du Yatënga actuel.
Tous les membres de la société mossi descendent, comme on l'a vu, d'un même
ancêtre commun ; ils forment un seul groupe de descendance patrilinéaire ou
buudu. Cet immense lignage s'est progressivement subdivisé en unités plus petites
appelées également buudu, qui sont les unités exogamiques mossi. Un buudu est
défini par l'identité de son ancêtre fondateur, par le nom collectif (sondre) que
portent tous ses membres, par la localisation de son segment-souche, quartier de
village où se trouve le sanctuaire des ancêtres du lignage (kiims roogo) et où
réside le doyen du lignage (bud kasma), enfin par tous les autres segments local
isés, tous quartiers de village, qui le constituent. Territorialement, le buudu est
donc un ensemble de quartiers de village dispersés dans plusieurs villages, schéma
qui est valable pour la société du Yatënga en son entier, c'est-à-dire hors de toute
distinction d'appartenance ethnique. A l'inverse, les villages du Yatënga sont
des ensembles de segm

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents