La loi dans la langue, loi de langue - article ; n°1 ; vol.60, pg 17-48
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Langage et société - Année 1992 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 17-48
La science étymologique est la proie d'une contradiction : d'une part elle occulte l'histoire et la société, de l'autre elle leur donne trop d'importance. La moralité dominante, à chaque pas de l'histoire, consciemment ou non, persévère ou renonce à l'emploi d'un terme, accepte ou non les intrus, modélise ou stigmatise, selon les règles d'un bon français qui séparent de la langue acceptable ces déchets de parlure repoussés vers les mots populaires ou vulgaires, dans les jargons ou les argots, et qui régentent la circulation du lexique à coups de sens permis et interdits. L'historien de la langue se trouve donc pris dans une contradiction puisqu'il lui faut à la fois refuser la hiérarchisation sociale dans la prise en compte de ses objets et l'intégrer à titre explicatif dans leur analyse sociolinguistique ; le Code des codes, la Loi, en fournit un excellent exemple.
Tournier, Maurice - « Law in language, language law : a chronical of strikes from the beginings to 1848 ».
Etymological science is prey to a contradiction : on one hand, it hides history and society, on the other, it gives them too much importance. At every phase of history, the dominant ethic, consciously or not, gives up ; their keeps on using certain terms, accepts or rejects intruders which become models or pariahs according to the rules of good French, which weed out from acceptable language the left-overs, written off as common or vulgar, or jargon, or argot, and decree what parts of the vocabulary are forbidden or allowed. Language historians are thus caught up in a contradiction since they must both refuse the social hierarchy of words when accounting for them and include it in they socio-linguistic analysis ; the Code of codes, the Law, is an excellent example.
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maurice Tournier
La loi dans la langue, loi de langue
In: Langage et société, n°60, 1992. D'où parlent les mots ? Le terrain de l'étymologie. pp. 17-48.
Résumé
La science étymologique est la proie d'une contradiction : d'une part elle occulte l'histoire et la société, de l'autre elle leur donne
trop d'importance. La moralité dominante, à chaque pas de l'histoire, consciemment ou non, persévère ou renonce à l'emploi d'un
terme, accepte ou non les intrus, modélise ou stigmatise, selon les règles d'un "bon français" qui séparent de la langue
acceptable ces déchets de parlure repoussés vers les mots populaires ou vulgaires, dans les jargons ou les argots, et qui
régentent la circulation du lexique à coups de sens permis et interdits. L'historien de la langue se trouve donc pris dans une
contradiction puisqu'il lui faut à la fois refuser la hiérarchisation sociale dans la prise en compte de ses objets et l'intégrer à titre
explicatif dans leur analyse sociolinguistique ; le Code des codes, la Loi, en fournit un excellent exemple.
Abstract
Tournier, Maurice - « Law in language, language law : a chronical of strikes from the beginings to 1848 ».
Etymological science is prey to a contradiction : on one hand, it hides history and society, on the other, it gives them too much
importance. At every phase of history, the dominant ethic, consciously or not, gives up ; their keeps on using certain terms,
accepts or rejects intruders which become models or pariahs according to the rules of "good French", which weed out from
acceptable language the left-overs, written off as common or vulgar, or jargon, or argot, and decree what parts of the vocabulary
are forbidden or allowed. Language historians are thus caught up in a contradiction since they must both refuse the social
hierarchy of words when accounting for them and include it in they socio-linguistic analysis ; the Code of codes, the Law, is an
excellent example.
Citer ce document / Cite this document :
Tournier Maurice. La loi dans la langue, loi de langue. In: Langage et société, n°60, 1992. D'où parlent les mots ? Le terrain de
l'étymologie. pp. 17-48.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1992_num_60_1_2567LA LOI DANS LA LANGUE, LOI DE LANGUE
A TRAVERS UNE CHRONIQUE DE LA GRÈVE
DES ORIGINES À 1848*
Maurice TOURNffiR
Laboratoire de lexicométrie politique
INaLF, CNRS, Saint-Cloud
C'est dans les édits qu'il faut chercher
le passé des pauvres Qjjuis Blanc, 1847)
La science étymologique est la proie d'une contradiction : d'une
part elle occulte l'histoire et la société, de l'autre elle leur donne
trop d'importance. L'oubli concerne l'origine et le changement
des formes et des sens, qui naitraient, mourraient ou se transfor
meraient au cours des siècles comme s'ils étaient pourvus d'une
"vie" autonome, voire doués d'une logique d'évolution sans lien
avec les rapports de force qui tendent le tissu social. A l'inverse,
règne jusque dans les descriptions morphologiques un impéria
lisme de valorisations et de dévalorisations dont s'inspire le tri
effectué entre des mots de bonne venue et des "monstres de
langue" désobéissant aux lois de l'idiome.
La philologie sociale ne mérite ni cette indignité ni cet excès
d'honneur. Du point de vue de l'objectivité scientifique, il n'existe
pas de départ entre un sens "normal" et des sens déviants, impropres
ou fautifs, ni davantage entre une formation "correcte" et des
procédés moins nobles comme l'onomatopée, la dérivation sur
sigle, les mots-valises, la verlanisation, etc. Prenons l'événement
langagier tel qu'il se produit, d'où qu'il vienne, sans grille préconçue,
* L'auteur, estimant que l'accent circonflexe fait, dans presque tous les cas, double
emploi avec l'accent grave, a remplacé dans son texte les circonflexes par des graves
sur a, e et w, lorsque cela s'avérait nécessaire pour le sens ou la prononciation. Les
circonflexes sur jet o ont été, eux totalement supprimés, sans dommage pour lalecture.
langage et société n* 60 - juin 1992 MAURICE TOURNIER 18
en accordant un statut égal aux avatars séculaires du latin et aux
nouveautés dites choquantes. Tout est langue, et bonne langue, dès
lors qu'une communication passe... Le reste est affaire de moralité.
Il n'en reste pas moins que c'est toujours la société qui décide
de ses mots. La moralité dominante, à chaque pas de l'histoire,
consciemment ou non, persévère ou renonce à l'emploi d'un terme,
accepte ou non les intrus, modélise ou stigmatise, selon les règles
d'un "bon français" qui séparent de la langue acceptable ces déchets
de parlure repoussés vers les mots populaires ou vulgaires, dans les
jargons ou les argots, et qui régentent la circulation du lexique à
coups de sens permis et interdits. L'historien de la langue se trouve
donc pris dans la contradiction qu'il dénonçait, puisqu'il lui faut à
la fois refuser la hiérarchisation sociale dans la prise en compte de ses
objets et l'intégrer à titre explicatif dans leur analyse sociolinguistique.
Pour le montrer, quel meilleur exemple que le Code des codes, la Loi ?
Reflet systématique des décisions d'en haut, le texte de "police"
exprime par excellence une prise de domination sur la langue.
Mieux que le dictionnaire ou la grammaire, puisqu'en branche
ment immédiat avec les pouvoirs en place, il instaure ou descelle
les mots par les désignations et les valeurs morales qu'il institue.
Les textes de condamnation, en particulier, contraignent et surtout
s'opposent à certains usages et créent à la suite de leur application
des vides dans le discours. C'est défendu ; on n'en parle plus ; on
en parle autrement. Je prendrai, pour montrer cette intrusion de la
Loi dans le jeu de la langue, l'exemple d'un des interdits majeurs,
qui a accompagné le règne de l'inégalité tout au long des siècles :
la cessation volontaire et collective du travail.
Un délit, sévèrement sanctionné jusqu'à la pendaison et aux
galères : une succession de désignations, tabouisées les unes après
les autres. La vie des mots qui l'ont dite, cette grève, a dépendu
de la Loi. Suivons donc jusqu'au milieu du siècle dernier, à travers
les textes prohibitifs, la chronique des termes qui ont pu porter,
au fil des siècles, l'un ou l'autre des traits de la grève, ensemble
très complexe où l'on distingue entremêlés des sèmes de violence,
de secret et de sacralité, de rassemblement, de complot de clan
et d'organisation de métier, de cessation de travail à des fins de
sanction ou de chantage vis-à-vis du patron, de révolte populaire
plus ou moins politisée, de défense de classe. La Loi dans la langue, loi de langue 1 9
Le "taquehan", violence spontanée
Quelle était l'activité fondamentale des guildes condamnées au
concile "fraternitates" de Nantes et (658 autres après "caritates" J.-C.) ou des mentionnées "geldoniae", dans "confratriae", certains
Capitulaires aux Vin et LXe siècles : religieuse, solidariste, caritative,
déjà professionnelle ? Nous l'ignorons. Mais celle des "gildae" et des
"collegia illicita" excommuniés au synode de Cognac (1138) ou
condamnés au concile de Rouen (1 189) était, elle, clairement artisanale.
Outre la fuite individuelle de l'apprenti ou du "vallet" (qui s'appellera
"compagnon" à partir du XIVe siècle), les premiers textes en langue
vulgaire parlent de la désertion concertée du travail en utilisant les
"taquehain" ou "caquehan". termes de "harelle" et surtout "taquehan",
Les dictionnaires nous renseignent sur certains usages du premier
terme, car il est rattaché à la série des verbes "harer", "harier",
"hare 1er", "harasser" (rameuter les chiens), ainsi qu'à "haro", dont
l'emploi juridique en "appel" est très attesté en droit médiéval. Selon
Grandseignes d'Hauterive (1947), avant de signifier la traque, "Haro ! "
fut d'abord un cri de détresse et "Hare !" un cri pour capter l'attention
dans les foires. "Crier harele" voulait dire appeler (au secours) à
voix tr&#

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