La montée des travailleurs vers le Nord, accélérateur de la croissance et remède douloureux du sous-développement - article ; n°4 ; vol.16, pg 569-580
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La montée des travailleurs vers le Nord, accélérateur de la croissance et remède douloureux du sous-développement - article ; n°4 ; vol.16, pg 569-580

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Description

Revue économique - Année 1965 - Volume 16 - Numéro 4 - Pages 569-580
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Monsieur Jean de Menthon
La montée des travailleurs vers le Nord, accélérateur de la
croissance et remède douloureux du sous-développement
In: Revue économique. Volume 16, n°4, 1965. pp. 569-580.
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de Menthon Jean. La montée des travailleurs vers le Nord, accélérateur de la croissance et remède douloureux du sous-
développement. In: Revue économique. Volume 16, n°4, 1965. pp. 569-580.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1965_num_16_4_407669MONTEE DES TRAVAILLEURS VERS LE NORD LA
accélérateur de la croissance
et remède douloureux du sous-développement
La prospérité des uns suppose-t-elle la servitude des autres ? Les
pays riches, même ceux où la densité est très forte, semblent avoir
besoin pour s'enrichir encore, ou du moins pour s'enrichir plus vite,
d'une main-d'iceuvre nécessiteuse prête à accepter les travaux les
plus rudes ou les plus sales. Des bidonvilles rampent autour des
grandes cités de l'Europe industrielle. Et lorsque ce sont les hommes
de couleur qui montent vers le froid, le spectacle nous trouble part
iculièrement : les voilà maigres, frissonnant l'hiver dans leurs pauvres
vêtements qui balayent nos rues, et les voilà aussi refoulés vers des
logeurs qui les exploitent à volonté. L'esclavage est terminé et les
pays colonisés sont devenus indépendants mais les hommes de couleur,
libérés de leurs chaînes mais non de leur faim, viennent offrir leur
travail aux hommes blancs ; ils veulent recueillir quelques miettes du
grand festin de la productivité.
Certes l'immigration de travailleurs a toujours existé : les tribus
qui, à l'âge de pierre, abandonnaient leurs forêts désertées par le
gibier pour chercher des sols vierges, étaient poussées par les mêmes
besoins que les manœuvres algériens qui viennent s'engager dans les
entreprises françaises. Mais depuis qu'il n'y a plus de terres sans
maître et que les riches sont solidement installés, les ambitions des
immigrants se limitent de plus en plus : on ne quitte plus son village
pour faire fortune ou même pour affirmer sa liberté ailleurs mais on
part pour obéir, pour solliciter des tâches subordonnées dont les peu
ples privilégiés ne veulent plus.
D'autre part, les mouvements actuels s'orientent essentiellement
du Sud vers le Nord ; du Sud de l'Italie vers le Nord de cet Etat ;
de Turquie, du Portugal, de Grèce, d'Espagne, d'Italie vers l'All
emagne, la Suisse, le Bénélux, la Suède, la France ; d'Afrique du
Nord surtout vers la France et la Belgique ; de la vallée du Sénégal,
des Antilles vers la France, des pays du Commonwealth (Indes et
Pakistan, notamment) vers la Grande-Bretagne. Et des noirs du Sud 570 REVUE ECONOMIQUE
des Etats-Unis montent vers le Nord, des Porto-Ricains vers New
York, des Mexicains vers la Californie. Certains pays accueillant
eux-mêmes des travailleurs venus du Sud en fournissent d'autres à
leurs voisins du Nord : ainsi des Allemands vont travailler en Suède
tandis que des Italiens du Nord gagnent la Ruhr et des Siciliens la
vallée du Pô.
Au contraire, jusqu'à la dernière guerre, l'immigration, reprenant
la vieille route des invasions, s'orientait principalement d'Est en Ouest
à l'intérieur des Etats-Unis, du Japon vers la Mandchourie et surtout
d'Europe vers les Amériques. Accessoirement, des habitants d'Europe
occidentale la quittaient pour des pays qu'elle avait colonisés au Sud.
Le plus souvent alors les contrées choisies bénéficiaient d'un climat
assez proche de celui auquel on était habitué : départs par exemple
d'Angleterre vers l'Australie, l'Afrique du Sud, de France, d'Espagne,
d'Italie, vers l'Afrique du Nord. Lorsque par contre les Européens
gagnaient les pays tropicaux, c'était plutôt pour diriger le labeur des
autres, pour commander.
Les mouvements d'Est en Ouest, ceux du Nord vers le Sud, sans
disparaître sont devenus bien plus rares avec la fin des espaces libres,
la fin des colonies. Et ce sont donc les hommes des pays chauds,
défavorisés par le climat — pour ce qui est du moins du développe
ment économique — qui se déplacent maintenant ; ils se dirigent vers
les pays industriels. Chez ceux-ci, à la surprise générale, les machines
réclament des bras, les attirant depuis les tropiques jusqu'aux brumes
du Nord. Tandis que les touristes des nations riches descendent de
plus en plus vers le soleil, les pauvres montent de plus en plus vers
le froid.
Quelle est l'ampleur de ces mouvements de travailleurs ? Com
ment s'expliquent-ils ? Faut-il les encourager ? Telles sont les ques
tions auxquelles vont être proposées des réponses bien fragiles et bien
provisoires.
I. Importance des mouvements actuels
de travailleurs du Sud vers le Nord
Presque tous les pays à niveau de vie élevé bénéficient d'impor
tants apports de travailleurs venus du Sud. Il en est ainsi notamment
aux Etats-Unis et en France, nations industrielles à densité assez
faible mais aussi en Allemagne occidentale, en Grande-Bretagne, au
Bénélux, nations à très forte densité et, pour ce qui est surtout de
l'Angleterre, pays traditionnels d'immigrants. Il en est encore ainsi DES TRAVAILLEURS VERS LE NORD 571 MONTEE
en Suisse et même, à une échelle réduite, en Suède, nations qui, épar
gnées par la guerre, ont atteint le plus haut niveau de vie en Europe
et qui longtemps avaient cherché à s'isoler (sauf pour les touristes et
les capitaux) dans leur confort, leur propreté, leur contrôle des nais
sances. Les besoins de main-d'iceuvre bousculèrent les habitudes.
Mais des renseignements précis sur l'ampleur de ces mouvements
sont difficiles à réunir : les travailleurs passent assez souvent à travers
champs, à travers montagnes ou franchissent un poste de douane
comme touristes. De plus, des hommes quittent un pays industriel
pour un autre sans que leurs sorties soient enregistrées : ainsi par
exemple des mineurs marocains quittent le Nord de la France pour
la Belgique. Enfin et surtout échappent aux statistiques des nationaux
(Antillais venant en France, Porto-Ricains aux Etats-Unis) et même,
au moins jusqu'à ces derniers temps, les habitants de territoires dépen
dant d'une métropole ou unis à elle par des liens particuliers (Afri
cains du Nord et noirs de l'ancienne Union française pour la France,
sujets de la couronne et citoyens du Commonwealth la Grande-
Bretagne). Finalement presque tous les chiffres que l'on peut collecter
sont très approximatifs et en général minimisent le phénomène.
Proportionnellement à la population, c'est la Suisse qui a de beau
coup recueilli le plus de travailleurs. En février 1964, un recense
ment a enregistré 546 244 travailleurs étrangers non privilégiés,
c'est-à-dire résidant depuis moins de dix ans. Et ce chiffre ne com
prend pas les travailleurs saisonniers. Au mois d'août 1964, les tra
vailleurs étrangers étaient évalués à 720 000, toujours sans com
prendre ceux installés depuis dix ans. Or, la population active suisse
n'est que de l'ordre de 2,5 millions. Les étrangers, presque tous venus
du Sud, sont plus nombreux que les nationaux dans le bâtiment et
aussi dans l'habillement ; ils représentent plus du tiers de la main-
d'œuvre dans les industries mécaniques. Encore le mouvement naturel
est-il freiné de plus en plus. La situation paraît économiquement
absurde ; c'est en effet le capital financier, normalement le plus mobile
des moyens de production, qui ici a déterminé la fixation des indust
ries : les matières premières, les machines et même les sources
d'énergie (les barrages ne suffisant plus) et des hommes sont venus
rejoindre le capital financier qui lui peut se déplacer sur simple tél
égramme, mais qui n'en a aucune envie, se sentant si bien en sécurité
à Genève, Zurich ou Bâle.
En France, le recensement de 1962 a permis d'enregistrer près de
deux millions d'étrangers résidents sans compter les Algériens. Tou- 572 REVUE ECONOMIQUE
jours sans comprendre les Algériens ni non plus les noirs de l'a
ncienne Afrique française ni, bien entendu, les Antillais, les entrées
brutes de travailleurs en France ont été de l'ordre de 100 000 par an
ces dernières années, les

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