La place de la Révolution française dans l histoire du monde - article ; n°3 ; vol.3, pg 257-266
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1948 - Volume 3 - Numéro 3 - Pages 257-266
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1948
Nombre de lectures 15
Langue Français

Extrait

Georges Lefebvre
La place de la Révolution française dans l'histoire du monde
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 3e année, N. 3, 1948. pp. 257-266.
Citer ce document / Cite this document :
Lefebvre Georges. La place de la Révolution française dans l'histoire du monde. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 3e année, N. 3, 1948. pp. 257-266.
doi : 10.3406/ahess.1948.1639
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1948_num_3_3_1639ANNALES
ÉCONOMIES - SOCIÉTÉS - CIVILISATIONS
ÉTUDES
PLACE DANS4 DE LA L'HISTOIRE RÉVOLUTION DU- MONDE FRANÇAISE
A la veille de la Révolution française, l'Europe presque entière était
soumise à ce que nous avons appelé depuis : l'Ancien régime. Le prince
s'était attribué un pouvoir absolu. Les Églises le regardaient comme le
lieutenant, de Dieu, et, réciproquement, il maintenait leur autorité en
imposant sa religion à ses sujets. On avait relégué dans l'oubli le droit-
naturel, inauguré dans l'Antiquité par les Stoïciens, développé au moyen
âge par les théologiens, notamment par saint Thomas d'Aquin, et d'après-
lequel la société est fondée sur le libre contrat de ses membres, le gou
vernement par le libre contrat de celui qui en est chargé avec ceux qui
lui obéissent ; de telle sorte que le pouvoir ne peut être conçu qu'au
profit de la communauté, et qu'institué pour garantir les prérogatives
légitimes de la personne il ne doit leur porter aucune atteinte.
Pour se rendre absolu, le prince avait dû miner l'autorité des se
igneurs et l'influence politique du clergé, mais il leur avait conservé la
primauté dans la société : devenant des sujets, nobles et prêtres étaient
demeurés des privilégiés ; le roi, « évêque du dehors » et premier genti
lhomme du royaume, n'entendait pas les confondre avec « ses peuples ».
L'Ancien régime était aristocratique.
Un troisième trait le caractérisait en France et dans quelques ? autres
États. Le prince y avait constitué le cadre territorial et administratif de
la nation, mais sans pousser cette tâche jusqu'au terme : l'unité natio
nale, restait imparfaite. Non seulement subsistaient la diversité des
coutumes juridiques, celle des poids et mesures, les barrières_q
saient les douanes intérieures à la constitution
mais le prince avait laissé ou concédé aux provindk»C4f aux
Annales (3e ann., juillet-septembre i
82. 258 ANNALES
« franchises », des « libertés », c'est-à-dire des privilèges ; il avait attribué
des avantages analogues à des groupes d'hommes organisés, ordinairement
profession,* en « corps » comme la noblesse et le clergé, en sorte selon la
que la société était hiérarchisée et en partie « corporative ». Or, qui dit
« corps », implique « privilèges ». Bref, partout régnait l'inégalité. Le
pouvoir absolu y trouvait son compte : diviser pour régner est sa règle,
— d'un corps à l'autre, c'était une « cascade de mépris », comme a dit
Cournot, — et, d'autre part, chaque corps, uni au maître par le privilège
et jaloux de sa supériorité, assurait la soumission de ses dépendants. Mais
la nation, créée déjà par l'obéissance d'un seul chef, par les liens que le
progrès matériel avait tissés, par la langue et la culture, demeurait
sectionnée territorialement et socialement. Encore n'était-ce là, bien
entendu, que le cas le plus favorable, car l'État, propriété personnelle du
prince, s'était formé sans /souci de ce que nous appelons les « national
ités », et nombre de celles-ci se trouvaient écartelées entre les dominations
politiques rivales ou ennemies.
Dans ce régime, 'deux problèmes, à la fois politiques et sociaux, se
posaient à l'intérieur de l'État. L'aristocratie — c'est-à-dire la Noblesse, car
le Clergé, du point de vue social, n'avait pas d'unité — l'aristocratie ne
pardonnait pas au monarque de l'avoir dépouillée du pouvoir politique ;
elle rêvait d'y être pour -le moins associée ; en attendant, souffrant à
l'occasion du despotisme, Ле noble soupirait après la liberté, comme un
attribut de sa dignité. Ce problème était une survivance du passé.
L'autre intéressait l'avenir. Du sein du Tiers-État était sortie et avait
grandi, depuis le xe siècle, la bourgeoisie, classe nouvelle par le comau* merce, l'industrie, la finance, c'est-à-dire par la richesse mobilière,
d'une société où, primitivement, la terre, seul instrument de prosein
duction, avait conféré à son propriétaire les droits seigneuriaux sur ceux
qui la cultivaient pour vivre. Le roi avait eu recours aux bourgeois pour
en tirer de l'argent et des fonctionnaires ; à la richesse, ils avaient joint
les connaissances et la culture ; depuis la Renaissance, une philosophie
nouvelle, le rationalisme, que la science expérimentale était venue illus
trer, fournissait à la bourgeoisie un cadre où la pensée concordait - avec
ses intérêts. Et le capitalisme, aidé dans sa genèse par le mercantilisme
de l'État, mais longtemps borné au trafic, envahissait l'industrie et, par.'
l'apparition de la machine, ouvrait à l'essor conquérant de cette classe
des perspectives/' illimitées', si bien que des aristocrates, * séduits par l'at
trait du profit, s'associaient à elle pour exploiter le monde.
La bourgeoisie, elle aussi, souhaitait se voir associée au pouvoir.
Contre le monarque, elle pouvait donc lier partie avec l'aristocratie. Mais
elle se trouvait,- en même temps, aux prises avec celle-ci. Durant des
siècles, le bourgeois n'avait songé qu'à "s'anoblir ; il y pensait toujours ;
mais l'aristocratie tendait à se fermer alors que les bourgeois dévenaient
trop nombreux pour qu'ils pussent espérer y être tous admis. Ils ne
réclamaient donc pas seulement comme les nobles le pouvoir et la liberté :
ils voulaient supprimer les privilèges et proclamer l'égalité des droits.
Л
A la fin du xvme siècle, ces problèmes affectaient un aspect différent
dans les diverses parties de l'Europe, et la raison profonde en est qu'elles
avaient pris une part très inégale à l'essor économique.
Déjà arriérés par rapport à l'Occident, le Centre et l'Est du continent,
V »
REVOLUTION FRANÇAISE DANS LE MONDE 259 LA
restés à l'écart des nouvelles routes maritimes, i inaugurées par les grandes
découvertes du xve et du xvie siècle, ainsi que de la conquête du Nouveau
Monde, avaient vu leur infériorité s'accroître. De grands États y venaient
de naître ; ils adoptaient les vues mercantilistes, et recouraient à la bour
geoisie pour s'enrichir et s'organiser : ils pratiquaient ce qu'on appelle
le « despotisme éclairé ». Mais la bourgeoisie y demeurait peu nombreuse,
et la pensée moderne y exerçait surtout son influence sur les hauts fonc
tionnaires, les professeurs et les hommes de lettres. Pour le prince, le
danger venait de l'aristocratie. En Pologne, elle s'était emparée du pou
voir ; en Suède, Gustave III ne l'avait contenue que par un coup d'État ;
en Hongrie et en Belgique, elle tenait en échec Joseph IL En Prusse et
en Russie' la royauté avait composé : les nobles s'étaient soumis et ser
vaient le prince, mais il leur avait laissé une autorité discrétionnaire sur
les paysans, réduits à un servage qui ressemblait, dans l'Est, à l'esclavage.
Dans les pays du Midi, la réaction catholique avait entravé, surtout
dans la" péninsule ibérique, la vie intellectuelle indépendante ; l'Italie
avait souffert' des grandes découvertes maritimes ; l'Espagne s^était ruinée
par la guerre ; d'ailleurs, les ressources naturelles étaient médiocres. L'aris
tocratie sommeillait et la bourgeoisie grandissait lentement. Du moins, le
paysan, comme en France, jouissait de la protection royale.
En contraste éclatant avec, ces États continentaux, se présentaient les
États maritimes, la Hollande

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