Le débat Barth-Ragaz et ses enjeux théologiques - article ; n°1 ; vol.65, pg 53-69
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2000 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 53-69
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Klauspeter Blaser
Le débat Barth-Ragaz et ses enjeux théologiques
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°65, 2000. pp. 53-69.
Citer ce document / Cite this document :
Blaser Klauspeter. Le débat Barth-Ragaz et ses enjeux théologiques. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique.
N°65, 2000. pp. 53-69.
doi : 10.3406/chris.2000.2184
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2000_num_65_1_2184CHRISTIANISME SOCIAL
Le débat Barth -
Ragaz et ses enjeux théologiques
Klauspeter Blaser *
L'image de Karl Barth, dont nous sommes les héritiers, fait de lui un
grand théologien, un père de l'Église, entièrement consacré à la défense
de la doctrine chrétienne, un détracteur des hérésies modernes, mais peut-
être aussi un homme pris dans un monologue parfois désincarné et éloi
gné des préoccupations actuelles. Or, par souci de précision historique et
en opposition à la récupération idéologique et ecclésiastique de ce per
sonnage, il faut le rappeler : le jeune Karl Barth a été socialiste. À côté de
Ragaz, dont l'influence reste considérable, Karl Barth aurait développé
une tendance originale à l'intérieur du mouvement s'inspirant de
Christophe Blumhardt. Si Ragaz et Barth en ont tiré des conclusions
apparemment opposées, ils sont néanmoins partis l'un et l'autre du même
principe : la révolution de Dieu en Jésus-Christ. Nous allons rappeler
quels rapports Barth a entretenus avec le socialisme religieux, examiner
la notion de « de Dieu » et montrer comment la problématique
se poursuit chez le Barth ultérieur avant d'analyser plus spécifiquement
le débat entre les deux protagonistes en question.
1. Karl Barth socialiste religieux
À l'âge de 25 ans, Barth devint pasteur à Safenwil, village argovien de
paysans et d'ouvriers (587 ouvriers sur 780 personnes). Ses débuts furent
* Ce texte est le cinquième d'une série d'articles consacrés à la tradition du socialisme
chrétien, dont la publication a débuté dans Autres Temps n° 61. Klauspeter Blaser est
professeur de théologie systématique à la Faculté de théologie protestante de l'Université de
Lausanne (Suisse).
53 Klauspeter Blaser
encore marqués par le subjectivisme et par l'insistance sur l'intériorité
qu'il tenait de ses maîtres libéraux tels que Harnack, Hermannn,
Trœltsch, Rade et Wernle. Mais, la situation matérielle misérable des tra
vailleurs de son village poussa Barth à s'occuper de socialisme, à contri
buer à la mise en place d'organisations syndicales et à rejoindre le mou
vement de Kutter et Ragaz, dont les idées apportèrent au pasteur libéral
une aide et un soutien pour sa praxis. Barth en vint à étudier la législation
sociale ; il lut les organes de la presse syndicale ; il fit des conférences
dans les « Arbeitervereine » dès 1911 (par exemple : « Jésus-Christ et le
mouvement social » ; « Le socialisme juste et le vrai christianisme dans
notre temps ») ; il écrivit des articles de journaux, luttant contre l'alcoo
lisme et le militarisme ; ses prédications sur Amos s'accompagnèrent de
confrontations avec des propriétaires d'usine à deux reprises.
Mais, l'individualisme religieux de la personne morale est difficilement
conciliable avec la justice sociale. Barth dut le réaliser avec stupéfaction
en automne 1914, lorsque 93 intellectuels allemands déclarèrent leur sou
tien à la politique de guerre de l'empereur Guillaume II. À son désarroi,
Barth trouva parmi les signataires la quasi totalité de ses maîtres. Crépus
cule des dieux. « Confondu par leur ethos, j'ai remarqué que je ne pou
vais plus suivre leur éthique et leur dogmatique, leur exégèse biblique et
leur historiographie et que la théologie du XIXe siècle n'avait en tous cas
pour moi plus aucun avenir », dit Barth rétrospectivement. Avec Ragaz,
le pasteur de Safenwil déclara que la guerre n'était autre qu'un jugement
sur un christianisme embourgeoisé.
À cette déception s'ajouta celle de voir la social-démocratie allemande
(Kutter y compris), approuver, elle aussi, la politique de guerre all
emande. Edouard Thurneysen, l'ami de Barth, précisa : « Ce n'est pas seu
lement des « ismes » de droite (nationalisme et militarisme) qui apparais
saient soumis au jugement, mais aussi les « ismes » de gauche, donc
aussi le socialisme auquel nous avions donné notre soutien ».
Cette désillusion empêcha Barth de voir dans le socialisme le précur
seur du Royaume de Dieu (RdD) ou de tenir Ragaz pour suffisamment
radical : « d'abord la Cause de Dieu, ensuite nos causes » ; « d'abord la
reconnaissance de Dieu», affirma-t-il à partir de 1916. Mais il adhéra
tout de même au parti socialiste suisse en 1915. Le « camarade pasteur »,
le « pasteur rouge de Safenwil » fit dans ce cadre plusieurs conférences
(par exemple : « Guerre-Socialisme-Christianisme » ; « Le Christ et la
social-démocratie »). L'adhésion au PS fut pour Barth une décision
d'ordre pratique et non d'ordre spirituel, le socialisme étant à ses yeux un
symptôme, un écho du RdD plutôt qu'un début de réalisation.
54 débat Barth - Ragaz et ses enjeux théologiques Le
« Maintenant j'ai adhéré au parti social-démocrate », écrit-il à son ami
Thurneysen le 5.2.1915, «Justement parce que je m'efforce, dimanche
après dimanche, de parler des choses dernières, il ne m' apparaissait plus
possible de planer personnellement dans les nuages au-dessus de ce
monde mauvais, mais il fallait que soit maintenant montré que la foi dans
le Très Haut n'exclut pas mais inclut le travail et la souffrance au sein
même de la réalité imparfaite ».
Si Ragaz voyait encore à ce moment-là dans le socialisme une dyna
mique de Dieu et le mettait en relation directe avec la venue du
Royaume, Barth renonça sobrement à toute interprétation religieuse tout
en continuant par ailleurs son combat à côté des travailleurs de Safenwil.
« L'inquiétude socialiste » (Mottu) ne le quitta jamais. Ce rapport au
socialisme apparaît dans une lettre de 1933 à Paul Tillich, où Barth rejette
la ligne du parti ressortissant à un « socialisme intérieur » :
« Appartenir à la SPD ne signifie pas pour moi confesser l'idée et la
Weltanschauung socialiste (...) Cette appartenance signifie pour moi une
décision politique d'ordre pratique. Devant les possibilités que l'homme
a dans ce domaine, je tiens pour juste de prendre le parti : 1. de la classe
ouvrière, 2. de la démocratie, 3. de l'antimilitarisme, 4. d'une affirmation
raisonnable du peuple et de la nation allemande ».
Les études récentes permettent de montrer que le jeune Barth fut préoc
cupé par le problème de l'unité entre théorie et praxis. C'est leur asymét
rie qui provoqua chez lui une réorientation théologique en profondeur.
Au moment de la grève générale en Suisse, Barth fit part de son trouble à
Thurneysen :
« II faudrait maintenant puiser à pleines mains, interpréter, élucider,
ouvrir de nouvelles voies - mais combien basse se présente la rivière de
nos connaissances actuelles (...) Si seulement nous nous étions tournés
plus tôt vers la Bible, quel sol n'aurions-nous pas sous nos pieds ; main
tenant on médite tour à tour le journal et le Nouveau Testament et on ne
voit que fort peu le rapport organique entre ces deux mondes, rapport
dont on voudrait maintenant rendre témoignage clairement et vigoureus
ement» (11. 11. 1918).
Face aux dissensions qui s'installaient au sein du mouvement des
socialistes religieux, en particulier la dissension Ragaz - Kutter, Barth
constata dans une lettre à Thurneysen (1915) : « La cause sociale rel
igieuse est finie ; la prise au sérieux de Dieu commence ». Barth ne tran
chait pas entre Kutter et Ragaz, il visait une position au-delà des leurs.
Théologiquement, il se sentait plus proche de Kutter et de son Dieu
vivant, alors que du point de vue de la praxis, Ragaz l'impressionnait
55 Klauspeter Blaser
plus que Kutter. Or, lorsque Barth envoya aux « Neue Wege » un
compte-rendu des « Hausandac

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