Le Filioque, pomme de discorde entre l Orient et l Occident ? - article ; n°3 ; vol.68, pg 385-398
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Le Filioque, pomme de discorde entre l'Orient et l'Occident ? - article ; n°3 ; vol.68, pg 385-398

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Description

Revue des études slaves - Année 1996 - Volume 68 - Numéro 3 - Pages 385-398
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monseigneur Jean-Pierre Batut
Le Filioque, pomme de discorde entre l'Orient et l'Occident ?
In: Revue des études slaves, Tome 68, fascicule 3, 1996. pp. 385-398.
Citer ce document / Cite this document :
Batut Jean-Pierre. Le Filioque, pomme de discorde entre l'Orient et l'Occident ?. In: Revue des études slaves, Tome 68,
fascicule 3, 1996. pp. 385-398.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1996_num_68_3_6349FILIOQUE, POMME DE DISCORDE LE
ENTRE L'ORIENT ET L'OCCIDENT ?
PAR
JEAN-PIERRE BATUT
L'Ange me montra le Fleuve de Vie,
limpide comme du cristal,
qui jaillissait du Trône de Dieu
et de l'Agneau.
(Apocalypse 22:1)
Volontiers, je donnerais à cette étude sur le Filioque le sous-titre suivant :
« À propos d'une question déjà résolue ». En effet, à la suite de la Note de clari
fication doctrinale sur la procession du Saint-Esprit publiée par Rome le
13 septembre 1995, de très nombreux spécialistes s'accordent pour dire, avec le
théologien orthodoxe Olivier Clément, que nous sommes parvenus à « la fin de
la querelle du Filioque1 ».
À la fin théologique s'entend. Le drame des relations entre les Églises
d'Orient et d'Occident, c'est en effet que les différends théologiques s'accom
pagnent toujours d'un contentieux affectif considérable. Il n'y a pas lieu ici de
détailler les origines historiques de ce contentieux. Il suffit de rappeler que pour
beaucoup d'Églises orthodoxes, l'histoire de leurs rapports avec le catholicisme
est inscrite dans la mémoire collective comme l'histoire d'une longue série
d'humiliations2. Mais il y a lieu, en revanche, de souligner les conséquences de
ce contentieux affectif sur la théologie elle-même.
En effet, la querelle du Filioque n'en serait pas une sans l'arsenal argumen-
tatif développé à partir de lui par la théologie orientale et, dans une moindre
mesure, occidentale. Selon qu'on ajouterait ou non le Filioque dans le Credo,
on aurait une conception juridique ou prophétique de l'Église, on affirmerait ou
on refuserait la primauté du Pape, on serait proche de l'athéisme ou
spontanément mystique, etc.
Le surréalisme de pareilles assertions saute aux yeux. Pourtant, il est inté
ressant de se demander non seulement comment on a pu les tenir, mais même où
1. Article publié dans YAwenire le 14 janvier 1996.
2. Cf. dans la lettre encyclique du pape Jean-Paul II Ut unum sint (« Qu'ils soient
un », 1995), l'insistance sur la nécessité de la conversion dans le dialogue œcuménique (en
particulier! 15- 17 et 33-35).
Rev. Etud. slaves, Paris, LXVIII/3, 1996, p. 385-398. 386 JEAN-PIERRE BATUT
est leur part de vérité. En effet, elles n'ont pu être prises au sérieux que parce
qu'il existe une relation entre l'image de Dieu transmise par les différentes tr
aditions religieuses et les caractères particuliers des cultures qu'elles ont mar
quées de leur empreinte. Question passionnante autant que difficile, mais à
laquelle nous ne pourrons échapper ici.
Nous procéderons en trois étapes :
1. Notions fondamentales de théologie trinitaire sur la procession du Saint-
Esprit ;
2. Fantasmagories théologiques3 autour du Filioque ;
3. Part de vérité des reproches mutuels et équilibre théologique souhaité par
accord et intégration des richesses des deux traditions.
1. NOTIONS FONDAMENTALES DE THÉOLOGIE TRINITAIRE
SUR LA PROCESSION DU SAINT-ESPRIT
Le Père et le Fils.
On sait que le monothéisme chrétien est un monothéisme trinitaire. Il ne
s'agit pas d'une sorte d'arithmétique théologique ou d'un « trithéisme » larvé,
mais d'abord d'une affirmation sur la paternité de Dieu. Dans le Nouveau
Testament en effet, le mot « Dieu » (ho theos, avec l'article) et le mot « Père »
sont équivalents, comme dans la phrase de saint Jean : « Dieu a tant aimé le
monde qu'il a donné son Fils unique » (Jn 3:16). En d'autres termes, « Dieu »
ne désigne jamais, comme nous serions portés à le croire, la « Trinité » (le mot
lui-même n'apparaît pas avant le IIIe siècle), mais la Personne du Père, en tant
qu'elle porte en elle le mystère trinitaire tout entier4.
L'idée de paternité divine est courante dans l'histoire des religions, mais
cette paternité est une métaphore visant à exprimer la relation entre la Divinité
et le monde. Dans la Bible au contraire, Dieu est présenté comme étant Père en
lui-même, c'est-à-dire indépendamment de sa relation au monde. Il ne crée donc
pas le monde pour se parfaire, pour se donner à lui-même un achèvement
relationnel sans lequel il serait incomplet. Non : il est en lui-même relation,
puisqu'on n'est père que dans une relation. Il n'est donc Dieu qu'autant qu'il est
Père, « le Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom », dit
l'Épître aux Éphésiens (3:14). « Souviens-toi », dira Hilaire de Poitiers, « qu'on
ne t'a pas manifesté du Père qu'il était Dieu, mais de Dieu qu'il est Père5 ».
Mais affirmer cela, c'est poser par le fait même l'existence d'un deuxième
« Étant-Dieu », qui est le Fils. Et comme Dieu est éternellement Père, le Fils
3. Rappelons que, selon le dictionnaire Robert, une fantasmagorie est à l'origine
ľ« art de faire voir des fantômes par illusion d'optique dans une salle obscure, à la mode au
milieu du XIXe siècle ». La salle obscure pourrait être notre condition présente, où les réalités
divines ne sont atteintes que dans la foi ; les illusions d'optique sont ce que nous croyons voir,
mais qui n'existe pas dans la réalité ; et le XIXe siècle finissant est l'époque où les fantasma
gories sur le Filioque connaissent un regain de faveur, comme nous nous proposons de le
montrer.
4. Le premier sens du qualificatif Pantokrator donné au Père n'est pas « tout-puis
sant », « omnipotent », mais « maintenant toutes choses » : le Père est Celui qui porte en lui-
même de toute éternité son Fils et son Esprit, et, dans son Fils et son Esprit, la totalité de son
projet créateur.
5. La Trinité, 111,21. LE FIUOQUE 387
qu'il engendre lui est coéternel, et même, comme dira le concile de Nicée6
« consubstantiel » : il est non seulement aussi Dieu que lui, mais encore un seul
Dieu avec lui.
Le nom de Père indiquant une relation, on dira de cette relation qu'elle est
un engendrement divin, et qu'en cela elle se distingue de la de Dieu au
monde, qui est une relation de création1.
Le Tiers Divin qui est le Saint-Esprit.
Mais la révélation chrétienne sur l'être de Dieu ne s'arrête pas au Fils. Elle
nous parle d'un Tiers divin, d'un troisième Étant-Dieu, l'Esprit Saint. Et elle en parle d'abord comme elle nous parle du Fils, c'est-à-dire sur le mode de
l'envoi ou, plus précisément, de la mission. Les théologiens utilisent à ce propos
le mot économie, pour désigner le déploiement du projet de Dieu dans le temps
et dans l'histoire des hommes8. Le mot même d'économie dit assez que ce projet
se réalise selon une logique. Dieu (!e Père !) commence par envoyer son Fils :
« quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils [...] pour racheter
[l'humanité] et pour faire de nous des fils. » (Gai. 4:4). Et le Fils, mort et res
suscité, ayant accompli sa mission sur la terre, envoie d'auprès du Père l'Esprit
Saint. « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d'auprès du Père,
l'Esprit de vérité qui vient du Père, il me rendra témoignage. » (Jn 15:26). Ici
sont affirmées deux choses : d'abord, que l'Esprit Saint vient du Père, comme le
Fils lui-même était venu du Père ; ensuite, que le Fils joue un rôle décisif dans
cet envoi de l'Esprit : l'Esprit, en effet, ne pourra être communiqué aux hommes
qu'à la Pentecôte, lorsque le Christ sera retourné auprès du Père (« Si je ne pars
pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l'enverrai. » — Jn
16:7). Quant à ce que l'Esprit doit apporter aux croyants, le texte décisif est ici
Jn 16:14-15. Le Chr

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