Le Monde à l heure de la décolonisation. Politique française et anglaise - article ; n°3 ; vol.12, pg 380-392
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1957 - Volume 12 - Numéro 3 - Pages 380-392
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1957
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Henri Brunschwig
Le Monde à l'heure de la décolonisation. Politique française et
anglaise
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 12e année, N. 3, 1957. pp. 380-392.
Citer ce document / Cite this document :
Brunschwig Henri. Le Monde à l'heure de la décolonisation. Politique française et anglaise. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 12e année, N. 3, 1957. pp. 380-392.
doi : 10.3406/ahess.1957.2651
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1957_num_12_3_2651HISTOIRE ET PRÉSENT
LE MONDE A L'HEURE DE LA DÉCOLONISATION
Politique française et anglaise*
Le 15 août 1947, le pandit Nehru à Delhi et le président de la Ligue musul
mane, Jinnah, à Karachi, proclamèrent l'indépendance de l'Inde et du Pakis
tan. Ce sont les Anglais qui avaient pris l'initiative de leur propre évacuation.
En présence d'une situation complexe, caractérisée par l'hostilité de tous les
Hindous contre leur domination et par l'opposition qui dressait les deux
groupes, hindou et musulman, l'un contre l'autre, ils voulurent d'abord
éviter la guerre civile ou étrangère. Le 20 février, le Premier Attlee avait
déclaré à la Chambre des Communes que la Grande-Bretagne abandonnerait
PInde avant le 30 juin 1948 et que, par conséquent, il appartenait aux
leaders hindous de se préparer à lui succéder. Le vice-roi, lord Mountbatten,
amena ensuite les chefs hindous et musulmans à prendre les responsabilités
qu'ils revendiquaient depuis longtemps. A son incitation ils décidèrent de
créer deux Etats distincts, condamnèrent le recours à la violence et formèrent
des gouvernements provisoires. La loi sur l'indépendance de l'Inde, votée
par le Parlement anglais, déclara caduques tous les textes qui conféraient
au roi d'Angleterre une autorité quelconque ou lui imposaient des obligations
dans l'Inde. Et Nehru refusa de conclure un nouvel accord qui eût concédé
des bases militaires à l'Angleterre. Nul ne pouvait prévoir ce que devien
draient ces nouveaux Etats qui n'avaient pas encore de constitutions, ni
même prophétiser s'ils resteraient dans l'orbite de l'empire britannique. Mais
l'Angleterre pouvait l'espérer.
Ses relations avec la Birmanie au cours de la même année 1947 furent
plus tendues. Dans ce pays, le général Aung San et la Ligue antifasciste
birmane prirent l'initiative. Une constituante, élue au suffrage universel,
proclama le 16 juin « l'indépendance complète et la souveraineté de la Répub
lique birmane ». Au cours des négociations qui suivirent, des concessions
réciproques permirent à l'Angleterre d'éviter les dommages d'une rupture.
La dette de la Birmanie fut réduite d'un tiers. Il fut convenu que les trente
millions de livres qui restaient seraient remboursées en vingt annuités à
partir du 1er avril 1952. Le gouvernement birman s'engagea à poursuivre
l'exécution des contrats signés avec l'Angleterre ou par des sociétés anglaises.
Enfin, la Birmanie accepta une mission militaire anglaise pour éduquer son
380 LA DÉCOLONISATION
armée, promit de n'appeler aucune mission militaire étrangère et admit
l'utilisation réciproque par les deux Etats et après notification, de leurs
ports et aérodromes (17 octobre 1947). Mais ces solutions n'intervinrent
qu'après la reconnaissance complète par l'Angleterre du nouvel Etat, qui
rompit tous ses liens avec le Commonwealth.
Les rapports entre Ceylan et l'Angleterre avaient toujours été très ami
caux. La loi sur l'indépendance de Ceylan reconnut le 10 décembre 1947
à celle-ci le statut de dominion, auquel les Cinghalais aspiraient. La Grande-
Bretagne y conserva cependant une influence plus grande que dans ses autres
dominions. La constitution laissait en effet au gouverneur général le droit
de nommer la moitié des sénateurs et le Sénat disposait d'un droit de veto
suspensif sur les décisions votées par la Chambre élue. Mais le Parlement avait
explicitement le droit de modifier la constitution et donc de quitter le
Commonwealth dans l'avenir : il va peut-être en user à la suite des élections
générales de 1956 qui ont donné la majorité au Front populaire unifié de
M. Bandaranaike. Celui-ci souhaite, non le retrait du Commonwealth, mais
la proclamation de la république, pour laquelle il lui faut obtenir à la Chambre
une majorité des deux tiers.
Ainsi, d'un pays à l'autre, les termes des contrats d'évacuation ont varié.
Entre les trois lois, qui émancipèrent d'anciennes colonies britanniques, il
y a cependant des traits communs : elles sont toutes les trois datées de 1947
[c'est en 1946 que les réformes des constitutions de la Gold Coast et du
Nigeria engagèrent aussi l'évolution de ces territoires vers l'indépendance ] ;
elles ratifièrent les volontés des peuples émancipés sans que ces derniers
eussent recouru à la guerre contre l'Angleterre. L'émancipation rétablit
l'amitié que les revendications d'indépendance avaient parfois compromise.
Elles scellèrent toutes les trois la démission politique de l'Angleterre, puisque,
même à Ceylan, où la métropole conservait un contrôle, il était prévu que le
Dominion s'en dégagerait quand il le voudrait, sans que celle-là conservât
un moyen de s'y opposer. Enfin, les accords économiques, quand il y en eut
d'explicites, furent distincts de la loi sur l'indépendance. Ils résultèrent de
négociations sur pied d'égalité entre les deux puissances et laissaient évidem
ment les nouveaux Etats libres de passer d'autres accords économiques
avec d'autres partenaires.
La politique de décolonisation de l'Angleterre peut donc se définir :
abandon par la métropole de la domination politique qu'elle exerçait sur
ses territoires d'outre-mer. Les Etats-Unis s'étaient engagés dans la même
voie dès 1935. La France attendit 1954 et n'évita pas toujours la guerre.
Pour comprendre l'aisance avec laquelle les Anglo-Saxons ont « décolonisé »,
il suffit de jeter un regard sur leur passé : ils y pensaient depuis deux
siècles.
381 ANNALES
II
II est inexact de prétendre que les Anglais ont abandonné leur conception
traditionnelle de la colonisation à la suite de la révolution des Etats-Unis
en 1776-1783. M. Harlow г a montré que le changement de leur politique
s'est dessiné dès la fin de la guerre de Sept Ans et se serait accompli même
si l'Amérique ne s'était pas révoltée. L'empire des plantations coûtait cher
à la métropole. Les sacrifices nécessaires à l'administration et à la défense
des colonies d'Amérique n'étaient pas compensés par l'importance du débou
ché qu'elles offraient à l'industrie britannique. Et le commerce avec les plan
teurs ne fournissait ni les produits d'échange, ni le numéraire désirés par les
marchands d'épices, de thé, de porcelaines ou d'indiennes. Le commerce
à sens unique (one sided commerce) avec l'Inde et la Chine, qui exigeaient
des métaux précieux, fut un des soucis permanents de l'Angleterre au
xvine siècle. La conquête du Bengale parut résoudre le problème : le déve
loppement du commerce avec la Chine le posa de nouveau. L'Angleterre
chercha d'autres marchés, en Amérique latine, à Bornéo, à Rio, en Océanie,
pour trouver le numéraire ou les produits d'échange contre le thé. L'idée
d'un nouvel empire commercial s'esquissa, différent des plantations. Si les
libéraux qui défendirent les prétentions des colons américains devant la
Chambre des Communes avaient réussi à éviter la guerre et ses haines inex
piables, un accord aurait pu intervenir, dans le genre de celui dont rêvait
encore en 1783 le ministre Shelburn, ami de Franklin et négociateur du traité
de Versailles : « We prefer commerce to domination », proclamait-il. Il eût volont
iers laissé les colons s'administrer eux-mêmes et créé une union douanière
entre l'Angleterre et les Etats-Unis. Les adversaires de Shelburn, cependant,
remarquaient qu'un empire commercial supposait la maîtrise,

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