Le monde mythique arabe - article ; n°1 ; vol.24, pg 49-61
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1954 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 49-61
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joseph Chelhod
Le monde mythique arabe
In: Journal de la Société des Africanistes. 1954, tome 24 fascicule 1. pp. 49-61.
Citer ce document / Cite this document :
Chelhod Joseph. Le monde mythique arabe. In: Journal de la Société des Africanistes. 1954, tome 24 fascicule 1. pp. 49-61.
doi : 10.3406/jafr.1954.1861
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1954_num_24_1_1861MONDE MYTHIQUE ARABE LE
examiné à la lumière d'un mythe africain
PAR
J. GHELHOD
Aussi loin que les documents littéraires nous permettent de remonter
dans l'histoire de l'Arabie occidentale, il est surprenant de constater
que les récits mythiques, ces histoires relatives aux dieux, aux génies,
à leurs épopées, à la création du monde par un démiurge... y font
apparemment complètement défaut. Ainsi tout un côté et non le moins
intéressant de la pensée arabe nous demeure fermé. Ce fait devenu
notoire à force d'être signalé a reçu maintes explications ; il a donné
' plus particulièrement lieu aux deux hypothèses suivantes. Est-ce à la
mentalité arabe éminemment pratique et désintéressée des spécula
tions pures de l'esprit qu'il faudrait imputer cette absence des mythes,
ou devrait-on mettre le silence des textes sur le compte d'une réaction
musulmane qui aurait fait table rase de toute la gentilité arabe ?
La critique de ces deux hypothèses, déjà tentée par nous ailleurs1,
ne nous retiendra que peu ici. Si la thèse d'une mentalité utilitaire
pourrait expliquer l'absence des mythes chez l'Arabe nomade, en
revanche elle s'avère insuffisante dès qu'il s'agit du citadin. « Les
villes constituent en effet, disions-nous, des foyers religieux plus
intenses que la solitude du désert. » Aussi voyons-nous l'Islam
primitif considérer comme une apostasie le retour au désert de celui
qui vient d'embrasser la nouvelle foi 2. Comme partout chez les peuples
sans machinisme, des récits mythiques ont dû être élaborés, et l'on
ne pourrait finalement expliquer ce silence des textes que par la des
truction massive opérée par l'Islam au sein de l'antéislam.
1. Notre : Le Sacrifice chez les Arabes, p. 36 sqq.. Texte dactylographié, Sorbonně 1951-1952.
2. Lammens, La Bâdia et la Hîra sous les Omaiyades, p. 91 sqq. in « Mélanges de la Faculté
Orientale », t. IV, 1910. Lammens, La cité arabe de Taif à la veille de l'Hégire, p. 194 sqq. Bey
routh, 1922. Lammens, Le Chantre des Omiades, p. 115, extrait du * Journal Asiatique », Paris,
1895. Cf. P. Deffontaines, Géographie et Religion, p. 147, 413 sq. Paris, Gallimard, 1948. Mar-
çais, L'Islamisme et la vie urbaine in • Comptes-rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Let
tres », oct. 1928, p. 86 sqq. 50 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
Ce point de vue nous paraît d'autant plus fondé qu'il semble encore
possible, malgré cette attitude systématiquement démolissante de
l'Islam, de retrouver çà et là, des bribes, des fragments de mythes
qui, réunis et raisonnes à la lumière des récentes découvertes ethno
graphiques, formeraient un tout cohérent susceptible d'ouvrir de
larges horizons sur ce côté encore obscur de la pensée arabe.
C'est particulièrement aux travaux de M. Griaule sur les Dogon
que nous faisons allusion ici. M. Griaule a eu l'insigne mérite de
découvrir, après une quinzaine d'années de labeur, un mythe
très élaboré qu'il a exposé dans Dieu d'Eau1. Ce livre est assez
connu des africanistes, voire du grand public, pour qu'il nous soit
permis d'en rappeler seulement les principaux thèmes qui se dérou
lent autour d'un thème central : la descente du ciel du langage, de
la technique et de tout le système du monde.
Ce récit mythique riche de détails et de conséquences, frappe
l'attention par la connexion étroite qu'il établit entre la technique
et le langage. Trois paroles furent enseignées successivement aux
humains au travers de trois techniques différentes. Le premier verbe,
fruste et pauvre, fut enseigné en même temps que le mode de fabri
cation des fibres (p. 26-27). Plus riche que le précédent, le deuxième
verbe fut révélé avec le tissage et à travers lui (p. 33). Mais c'est sur
tout avec le troisième verbe que les hommes ont fini par acquérir la
maîtrise de la parole. Comme dans les deux premiers cas, celle-ci leur
fut inculquée par l'intermédiaire d'une technique, celle de la fabri
cation des tambours. En outre, la descente du troisième verbe donna
lieu à une régénération de la terre et à un bouleversement total du
système du monde. Le forgeron, génie divin par qui fut accomplie
cette rénovation, fit descendre dans son grenier céleste, archétype du
monde d'aujourd'hui, « tout ce qui pouvait être utile aux hommes »
(p. 39), y compris les différentes espèces animales et végétales. Il leur
fit don, avec le feu, de tous les outils et appareils devant servir à la
fabrication du fer. C'est ainsi que les travaux agricoles furent rendus
possibles grâce aux produits de la forge (p. 60).
Mais de même que les trois langages révélés ne sont pas étrangers
les uns aux autres, de même les techniques enseignées ont entre elles
une grande affinité. « Frapper le tambour est aussi tisser : le son, sous
les coups de la baguette, bondit d'une peau à l'autre à l'intérieur du
cylindre comme glisse la navette et son fil d'une main à l'autre entre
les deux plages croisées par les lices » (p. 80). Mieux encore, tech-
1. Marcel Griaule, Dieu d'Eau, Les Editions du Chêne, Paris, 1948. LE MONDE MYTHIQUE ARABE 51
nique et parole se projettent l'une dans l'autre et se parachèvent.
« La parole... est dans le bruit de la poulie et de la navette... elle
s'intercale dans les fils, remplit les vides de l'étoffe » (p. 90). Elle
l'est aussi le son répandu par le tambour (p. 90). La terre tra
vaillée par le paysan est pénétrée du verbe des ancêtres (p. 94).
En outre, technique et parole sont essentiellement créatrices et
fécondantes. On est frappé par la façon dont les Dogon rapprochent
constamment fabrication et procréation. « Filer le coton, tisser le
vêtement, l'homme et la femme qui rentrent pour se coucher et
procréer, c'est tout un » (p. 89). Et comme le tissage est étroitement
lié à l'agriculture dont le procédé de va-et-vient rappelle le geste du
tisserand, on en vient ainsi à déclarer que « cultiver est tisser » (p. 94) ;
c'est aussi procréer, pourrait-on ajouter.
Mais tant que le mythe ne constitue qu'une suite de récits relatifs
aux dieux, il ne remplit qu'imparfaitement sa fonction et ne serait
alors, comme le soutenait à tort jadis Wundt, que poésie et diverti
ssement. En fait, le mythe a un rôle éminemment social. Il est pour
ainsi dire le credo plus ou moins ésotérique d'une société « primitive »,
ou si l'on aime mieux du symbolisme codifié grâce auquel elle trouve
l'explication et la confirmation de ses croyances, pratiques rituelles
et institutions sociales. « Les rites, écrit M. van Der Leeuw, sont des
mythes en action. Le mythe est l'institution de l'acte sacré, il est
son antécédent, sa garantie, toute exécution d'un acte est une repro
duction de son expérience première » 1.
Cette fonction sociale, le mythe dogon la remplit à souhait. Ainsi
M. Griaule- a reçu des indigènes une explication aux détails les
plus menus de la vie religieuse et sociale de la société étudiée par lui.
On voit à chaque pas le monde mythique se projeter « en mille rites
et gestes » (p. 10) dans les institutions et les usages et s'y tenir dans
une sorte de pénombre. Le vocabulaire lui-même en subit aussi
l'empreinte. C'est ainsi que l'étoffe « se dit soy qui signifie « c'est la
parole » (etymologie indigène), car elle est faite de verbe (p. 36).
De cet aperçu nécessairement succinct d'un mythe aux richesses
inépuisables, retenons ici les thèmes suivants :
— la descente du ciel de la technique et de la parole par un héros
civilisateur, le forgeron,
— l'enchevêtrement de l'élément technique et de l

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