Le père Antonio Vieira S. J. et la question de l esclavage des Noirs au XVIIe siècle - article ; n°6 ; vol.22, pg 1289-1309
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Le père Antonio Vieira S. J. et la question de l'esclavage des Noirs au XVIIe siècle - article ; n°6 ; vol.22, pg 1289-1309

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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 6 - Pages 1289-1309
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 13
Langue Français
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Extrait

Antonio José Saraiva
Le père Antonio Vieira S. J. et la question de l'esclavage des
Noirs au XVIIe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 6, 1967. pp. 1289-1309.
Citer ce document / Cite this document :
Saraiva Antonio José. Le père Antonio Vieira S. J. et la question de l'esclavage des Noirs au XVIIe siècle. In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 6, 1967. pp. 1289-1309.
doi : 10.3406/ahess.1967.421865
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_6_421865Le Père Antonio Vieira S. J.
et la question de l'esclavage des Noirs
au XVIIe siècle
J'ai tenté dans une étude précédente 1 d'éclairer l'action mission
naire du Père Vieira au Maranhâo (qui était à cette époque un « estado »
séparé du Brésil), de 1653 à 1661, en rapport avec le problème de la
liberté des Indiens.
D'après la loi, en principe, les Indiens étaient libres, bien que de
nombreuses exceptions fussent prévues. Les colons du Maranhâo,
qui ne connaissaient pas encore les esclaves noirs, s'efforçaient, cepen
dant, de s'emparer du plus grand nombre possible d'Indiens pour leurs
plantations, et les réduisaient en esclavage. Face aux colons, soutenus
par la Couronne, Vieira s'est donné la tâche de faire appliquer le prin
cipe légal de la liberté des Indiens, et même de le renforcer par une
nouvelle législation. Il réussit à limiter la chasse à l'homme déchaînée
par les colons et à leur arracher de nombreux esclaves. Les Indiens
« libres » ou libérés passaient sous l'administration des Jésuites, qui les
organisaient dans les « aldeias ». Tout nous porte à croire que Vieira
avait en vue la création d'une grande « réduction », à l'image de celle
du Paraguay, qui s'étendrait, par l'intérieur du Brésil, du Nord-Est
jusqu'au Sud. Dépossédés de leurs esclaves, les colons se révoltèrent et
expulsèrent les Jésuites. Vieira fut obligé de quitter le Maranhâo,
sous escorte.
C'est quelques semaines à peine avant cette conclusion désastreuse
que Vieira, sentant venir l'orage, suggéra pour la première fois, à notre
connaissance, dans une lettre adressée à la municipalité du Para, le
remplacement des esclaves indiens par des esclaves noirs importés de
l'Angola 2. Mais, après son retour à Lisbonne, il prétendit qu'il avait
1. «Le Père Antonio Vieira S.J. et la liberté des Indiens. », Travaux de l'Institut
d'Études Latino-Américaines (Tilas, III, extr. du Bulletin de la Faculté des Lettres
de Strasbourg, 41e année, n° 8, mai-juin 1963, pp. 483-516.
2. Lettre à la Camara du Para, du 12-2-1661, in Cartas do Padre Antonio Vieira,
éd. de J. Lucio d'AzEVEDO, vol. I (1925), p. 581. J'ai donné un résumé de cette lettre
dans mon étude citée, p. 116.
1289 ANNALES
donné ce conseil aux colons, avec insistance, et que, même, il avait
pris sur lui d'obtenir les capitaux et les exemptions fiscales indispen
sables à l'importation, au Maranhâo, des esclaves qu'on ferait venir
de l'Angola 4
Quoi qu'il en soit, dans les années qui suivirent, Vieira revint plu
sieurs fois sur cette proposition. En 1669, consulté comme ancien
Supérieur des missions du Maranhâo, sur la façon de conserver et d'aug
menter Г « estado », il résuma son avis en deux points : 1° Rendre aux
missionnaires « d'un seul ordre » tous les Indiens, dans les conditions
déjà pratiquées avant 1661 ; 2° Importer immédiatement de l'Angola
200 esclaves des deux sexes, assurant ainsi leur propagation. Il entrait
dans les détails pratiques de l'affaire, en suggérant une aide de la Cou
ronne, sous la forme de facilités de paiement accordées aux cinquante
colons les plus riches, dont chacun recevrait quatre esclaves 2. Une
proposition très semblable se trouve dans le rapport présenté par
Vieira au Conseil d'outre-mer, en 1678, alors qu'il s'occupait activ
ement du rétablissement de la Compagnie au Maranhâo. Il y rappelle
l'exemple du Brésil, a qui n'est arrivé à l'opulence que lorsque ses terres
furent labourées par des esclaves noirs » 3.
Dans une lettre qu'il a adressée quelques mois plus tard au supérieur
jésuite du Maranhâo, Vieira résume et explique le sens de cette dernière
proposition, du point de vue de la Compagnie : « J'ai fait un long rap
port (...) où je montre, en conclusion, que Г « estado » ne peut se conserver
et augmenter qu'au moyen des nègres de l'Angola, comme le montre
l'expérience du Brésil; j'y demande que l'on rende à la Compagnie le
peu d'Indiens qui existent encore, pour éviter leur extinction totale,
et que, avec l'aide de ces Indiens, nos missions en fassent venir d'autres
de la brousse, les expéditions militaires étant totalement interdites.
Le meilleur, pour nous, serait d'aller demeurer auprès des Indiens, sur
leurs propres terres ; là, à l'abri des Portugais, de leurs mauvais exemples
et de leurs oppressions, nous pourrons leur apprendre la doctrine et
les acheminer vers le salut. » 4
Ce document, parmi d'autres, nous dévoile la raison profonde qui
incitait Vieira à proposer l'introduction, au Maranhâo, d'esclaves
noirs : il s'agissait de remplacer, auprès des colons, les Indiens libérés,
qui seraient placés sous l'administration des jésuites. Les nègres pour
les colons, les Indiens pour les jésuites, tel est l'accommodement auquel
se résigne Vieira, après sa malheureuse expérience du Maranhâo.
1. « Resposta aos capitulos de Jorge de Sampaio », in Obr as escolhidas do Padre
Antonio Vieira, éd. Sá da Costa, vol. XI, pp. 298-299.
2. Obras escolhidas, V, pp. 318-319.
3. Ibid., pp. 336-337.
4. Lettre du 1-2-1679, in Broteria (revue), vol. 45, pp. 471-472.
1290 VŒIRA ET L'ESCLAVAGE DES NOIRS
Mais pourquoi, dans sa pensée, les uns étaient-ils voués à la liberté,
les autres à l'esclavage ? Voilà la question à laquelle je voudrais trouver
une réponse.
La situation des Noirs, du point de vue de la Nature, de la Théologie
et du Droit, selon Vieira.
Vieira, qui a grandi et qui a été élevé à Bahia, l'un des plus grands
centres mondiaux d'esclaves noirs, se trouva mêlé à plusieurs reprises
à des problèmes les concernant. Tout jeune encore, avant son ordination
sacerdotale, son premier sermon public, en 1633, s'était adressé à un
auditoire de Noirs, à Bahia. Il s'agissait d'une confrérie constituée par
les nègres d'un « engenho » (moulin à sucre), sous le patronage de
Notre-Dame du Chapelet.
Au moyen de quelques textes bibliques, et notamment d'un texte
célèbre de saint Paul x, il établit que les nègres baptisés sont membres
du Corps mystique du Christ au même titre que tout autre chrétien.
Pour cette raison, les Noirs d'Amérique doivent remercier Dieu et la
Vierge de les avoir arrachés à leur pays natal, où ils vivaient en païens,
comme leurs pères : « Dites-moi : vos parents, qui sont nés dans les
ténèbres du paganisme, qui y vivent et y finissent leurs jours, privés
de la lumière de la foi et de la connaissance de Dieu, où vont-ils après
leur mort ? Tous, comme vous le croyez et le professez, vont en Enfer,
où ils brûlent et brûleront pour toute l'éternité. » L'arrivée des Noirs
en Amérique a été prévue par Dieu, ainsi que le montrent plusieurs
textes bibliques, et notamment celui où Rébecca, qui préfigure la Vierge,
détourne, au profit d'Isaac, la bénédiction de Jacob. Cette préfiguration
montre combien la Vierge aime les nègres : ceux-ei sont tenus de manif
ester leur gratitude en récitant sans arrêt le chapelet au cours de leur
travail. C'est aussi des Nègres que parle, par une anticipation prophét
ique, le roi David, dans trois de ses psaumes, intitulés pro trocularibus,
ce qu'on peut traduire : « pour les engenhos ». Les nègres y sont ment
ionnés sous le nom de « fils de Corè », ce dernier mot, Corè, signifiant
aussi « Calvaire ». Et voilà que Vieira s

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