Le pétrole : présent et avenir - article ; n°66 ; vol.17, pg 401-417

Denis Bauchard

Description

Tiers-Monde - Année 1976 - Volume 17 - Numéro 66 - Pages 401-417
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1976
• Nombre de lectures: 27
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Denis Bauchard
Le pétrole : présent et avenir
In: Tiers-Monde. 1976, tome 17 n°66. pp. 401-417.
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Bauchard Denis. Le pétrole : présent et avenir. In: Tiers-Monde. 1976, tome 17 n°66. pp. 401-417.
doi : 10.3406/tiers.1976.2641
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1976_num_17_66_2641LE PÉTROLE :
PRÉSENT ET AVENIR
par Denis Bauchard*
Le pétrole tient, dans la croissance économique, dans la défense nationale
comme dans notre vie quotidienne, une place prépondérante. Le pétrole est
omniprésent et parfois sous la forme la plus inattendue. A la fois source
d'énergie, matière première, combustible, le pétrole est présent dans la plupart
des objets qui nous entourent, soit qu'il ait contribué à leur fabrication, soit
qu'il y soit directement incorporé.
La prise de conscience de cette dépendance à l'égard d'un produit qui,
pour l'Europe occidentale, est essentiellement un produit importé s'est faite
brutalement. Les événements de l'automne 1973, la menace de pénurie physique
dans les approvisionnements pétroliers, puis le renchérissement massif des
prix du pétrole, les conséquences qui en sont découlées pour les économies
des pays industrialisés comme des pays en voie de développement ont mis
en évidence cette dépendance.
Pourquoi ce produit occupe-t-il une place privilégiée ? Y a-t-il des menaces
sur l'offre de ce essentiel au développement économique ? Tels sont
les problèmes fondamentaux qui se posent actuellement.
1. Un développement rapide de la demande de pétrole
л I Le présent : une place prédominante du pétrole
dans la consommation d'énergie
Connu depuis l'Antiquité, le pétrole n'avait eu, jusqu'à une date récente,
que des usages très limités. Si sa nouvelle naissance date de 1859, avec la
découverte du colonel Drake, son développement réel est en définitive très
* Auteur du Jeu mondial des pétroliers, Paris, Le Seuil, 1970.
Revue Tim-Monde, t. XVII, n° 66, avril-juin 76 4O1 DENIS BAUCHARD
récent. A cet égard, deux chiffres significatifs peuvent être retenus : à la veille
de la deuxième guerre mondiale le pétrole et son cousin germain le gaz naturel
représentaient environ le quart des besoins d'énergie primaire du monde;
trente-cinq ans après, ils en représentaient plus des trois quarts. Cette part
relative varie cependant de façon importante selon les pays (en %) :
Energie
électrique
197s Charbon Pétrole primaire (*) Gaz
Etats-Unis 46,6 33.2 17,7 2,5
RFA 55.2 8,8 32,5 3,5
France 17.8 8,8 7,8 67.З
Italie 6,8 10,6 73.9 8,9
Japon 18 77.1 1,2 3.7
CEE 24,1 2,8 11,8 61,4
Pays socialistes 26 60,9 11,7
Q) Y compris l'énergie nucléaire.
Un clivage très net existe entre les pays socialistes et les pays industrialisés
à régime capitaliste. Malgré les réserves potentielles qui existent notamment
en Union soviétique et en Chine, le pétrole ne tient encore dans ces pays
qu'une place limitée. En revanche, la dépendance pour certains pays tels que
le Japon et l'Italie est proche du quasi-monopole.
Cette place prédominante du pétrole s'explique par la convergence de
plusieurs facteurs.
Tout d'abord dans un monde en croissance économique rapide et donc
avec des besoins d'énergie en progression elle-même rapide, les formes
traditionnelles d'énergie n'ont pu suivre. L'hydro-électricité trouve sa limite
dans le nombre des sites aménageables; le charbon lui-même, malgré des
réserves parfois très importantes dans certains pays, n'a pu répondre â cette
demande d'énergie en raison d'une certaine rigidité dans les capacités d'extrac
tion et de son inadaptation à la demande.
Mais le pétrole, fort des faiblesses de ses rivaux, disposait aussi d'atouts
propres. En effet les qualités spécifiques incontestables du pétrole ont fait en
grande partie son succès. Sa souplesse d'utilisation, son haut pouvoir calori
fique, la facilité de son transport, de son stockage et de son utilisation, le
caractère spécifique de certains emplois expliquent qu'il ait supplanté progres
sivement son rival principal, le charbon. On estime que le pétrole reste compéti
tif, même si son prix de vente pat unité calorifique est supérieur de 10 %.
402 LE PÉTROLE : PRÉSENT ET AVENIR
En outre sa spécificité pour certaines utilisations — par exemple comme
combustible pour les véhicules — a permis au pétrole d'avoir un monopole
dans ces domaines; le développement de l'automobile et celui du pétrole sont
allés de pair.
Le dernier atout du pétrole et sans doute le plus décisif a été, jusqu'en 1973,
son prix. Ce rappel peut être ironique; И correspond cependant à la réalité.
La part importante du pértole provenant du Moyen-Orient, c'est-à-dire d'une
zone aux réserves considérables, aux coûts d'extraction très faibles, supportant
une fiscalité elle-même faible, permettait aux pays industrialisés de disposer
d'une source d'énergie et d'une matière première bon marché.
Ainsi le pétrole, par son coût comme par ses qualités physiques, a pu
répondre à la demande croissante des pays industrialisés dans des conditions
satisfaisantes. Les économies des pays ont bénéficié ainsi d'une
source d'énergie abondante et bon marché qui a contribué à la croissance part
iculièrement rapide qu'elles ont connue à partir de i960.
Ceci n'a pas été sans conséquences. Tout d'abord, à part les Etats-Unis
et le Canada, les principaux pays consommateurs de pétrole se trouvent à peu
près complètement démunis de production nationale. Ainsi pour des besoins
en produits pétroliers de l'ordre de 600 millions de tonnes en 1972, la Commun
auté économique européenne avait une production de 1 1 millions de tonnes.
Son approvisionnement pétrolier dépendait donc pour sa quasi-totalité de
l'extérieur. Cet approvisionnement extérieur provenait lui-même d'un nombre
limité de pays : pour les deux tiers Д provenait en effet de pays arabes, soit du
Moyen-Orient, soit d'Afrique du Nord. Cette dépendance de l'extérieur et
plus particulièrement d'une zone de production rendait vulnérable l'Europe.
Elle diminuait sa capacité de négociation en face des demandes des product
eurs; elle la faisait tributaire d'une zone qui, depuis la création de l'Etat
d'Israël, est devenue une des « poudrières » du monde. Le problème de la
sécurité de ses approvisionnements était ainsi posé. Il en était bien évidemment
de même des autres pays européens comme du Japon. Seuls les Etats-Unis et
le Canada disposaient d'une certaine autonomie pétrolière bien que l'appel
à des ressources extérieures tendît à s'élargir.
Ce développement très rapide de la demande et de la production avait
également d'autres conséquences. En effet, l'accélération du rythme de pro
duction contraint à rechercher le pétrole de plus en plus profondément,
à pousser l'exploration dans des pays ou dans des zones où les conditions
de travail sont plus difficiles, à élargir la prospection au domaine maritime.
Il en résulte des investissements de plus en plus considérables et une augment
ation des coûts de production. Pour des raisons purement techniques, la
période du pétrole abondant et bon marché est révolue. La nécessité de faire
face à une demande qui croissait de l'ordre de 10 % par an depuis i960, ce
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qui impliquait un doublement de la production tous les sept ans, contenait
en germe le renchérissement des prix du pétrole. En outre la pression même
de la demande rendait vulnérables les pays consommateurs vis-à-vis des pays
producteurs.
b / U avenir : le pétrole continuera à jouer un rôle essentiel
Situer la place du pétrole dans le futur revient à se demander tout d'abord
ce que sera la demande d'énergie future, et dans cette demande, ce que sera
la demande de pétrole compte tenu de l'existence de formes d'énergie
concurrentes.
Les études qui ont été faites sont fondé