« Le rossignol et l hirondelle ». Lire et écrire à Byzance, en Occident - article ; n°4 ; vol.56, pg 849-861
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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2001 - Volume 56 - Numéro 4 - Pages 849-861
« Le rossignol et l'hirondelle ». Lire et écrire à Byzance, en Occident. (G. Cavallo). Une enquête sur les pratiques de lecture dans le monde byzantin fait apparaître une grande continuité avec celles de l'époque gréco-romaine. On lit en général à haute voix. Écriture et lecture des livres sont entièrement dissociées, l'une de ces opérations étant manuelle et rémunérée, l'autre purement intellectuelle. La lecture est une activité essentiellement privée, circonscrite à la sphère domestique ; il existe des « cercles de lecture » où les ouvrages littéraires sont lus et présentés en avant- première. En revanche, il n'y a pas de lecture à l'intérieur des monastères, car les moines ne connaissent qu'un tout petit nombre de textes et ne pratiquent bien souvent que le psautier. Le haut Moyen Age occidental présente un panorama profondément différent : la lecture est habituellement silencieuse ou murmurée. La lecture privée chez les laïcs est un phénomène rare, car les livres sont lus dans les institutions ecclésiastiques : évêchés et monastères. Il n'existe, par ailleurs, aucun hiatus entre lire et écrire, puisque la copie des textes pieux concourt elle-même à l'instruction chrétienne. Ces différences très marquées ont leur source dans des facteurs qui relèvent à la fois de l'anthropologie et de l'histoire culturelle, voire de la pratique quotidienne.
The nightingale and the swallow. Reading and writing in Byzantium and in the Latin West. Investigating reading habits in Byzantinium reveals how strongly ancient Greek and Roman practices persisted. As a norm, books were read aloud; copying and reading books were two completely different matters in as much as one was considered a mere forme of paid manual labour and the other a true activity of the intellect. Reading was mostly a private affair, belonging to the intimacy of one's home although the existence of reading club, where literary works were first introduced and read is well testified. A monastic way of reading, instead, was lacking as monks were not great readers and usually limited themselves to the Psalter. Early Occidental Middle Ages presents a panorama deeply different: reading usually is silent or whispered. A comparison betweeen the Greek attitude to reading and that common in the Latin West during the first centuries of the Middle Ages shows many differences. In the West, silent reading prevailed; lay people generally were not accustomed to read at home: books were normally read in religious houses, in bishoprics and monasteries; copying coincided with reading as the act of writing had its goal in Christian education. The great differences existing in the reading habits of the Eastern and Western worlds can be ascribed to anthropological, historical, cultural as well as practical reasons.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Guglielmo Cavallo
Maria-Novella Borghetti
« Le rossignol et l'hirondelle ». Lire et écrire à Byzance, en
Occident
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 56e année, N. 4-5, 2001. pp. 849-861.
Citer ce document / Cite this document :
Cavallo Guglielmo, Borghetti Maria-Novella. « Le rossignol et l'hirondelle ». Lire et écrire à Byzance, en Occident. In: Annales.
Histoire, Sciences Sociales. 56e année, N. 4-5, 2001. pp. 849-861.
doi : 10.3406/ahess.2001.279989
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2001_num_56_4_279989Résumé
« Le rossignol et l'hirondelle ». Lire et écrire à Byzance, en Occident. (G. Cavallo).
Une enquête sur les pratiques de lecture dans le monde byzantin fait apparaître une grande continuité
avec celles de l'époque gréco-romaine. On lit en général à haute voix. Écriture et lecture des livres sont
entièrement dissociées, l'une de ces opérations étant manuelle et rémunérée, l'autre purement
intellectuelle. La lecture est une activité essentiellement privée, circonscrite à la sphère domestique ; il
existe des « cercles de lecture » où les ouvrages littéraires sont lus et présentés en avant- première. En
revanche, il n'y a pas de lecture à l'intérieur des monastères, car les moines ne connaissent qu'un tout
petit nombre de textes et ne pratiquent bien souvent que le psautier. Le haut Moyen Age occidental
présente un panorama profondément différent : la lecture est habituellement silencieuse ou murmurée.
La lecture privée chez les laïcs est un phénomène rare, car les livres sont lus dans les institutions
ecclésiastiques : évêchés et monastères. Il n'existe, par ailleurs, aucun hiatus entre lire et écrire,
puisque la copie des textes pieux concourt elle-même à l'instruction chrétienne. Ces différences très
marquées ont leur source dans des facteurs qui relèvent à la fois de l'anthropologie et de l'histoire
culturelle, voire de la pratique quotidienne.
Abstract
"The nightingale and the swallow". Reading and writing in Byzantium and in the Latin West.
Investigating reading habits in Byzantinium reveals how strongly ancient Greek and Roman practices
persisted. As a norm, books were read aloud; copying and reading books were two completely different
matters in as much as one was considered a mere forme of paid manual labour and the other a true
activity of the intellect. Reading was mostly a private affair, belonging to the intimacy of one's home
although the existence of "reading club", where literary works were first introduced and read is well
testified. A "monastic " way of reading, instead, was lacking as monks were not great readers and
usually limited themselves to the Psalter. Early Occidental Middle Ages presents a panorama deeply
different: reading usually is silent or whispered. A comparison betweeen the Greek attitude to reading
and that common in the Latin West during the first centuries of the Middle Ages shows many
differences. In the West, silent reading prevailed; lay people generally were not accustomed to read at
home: books were normally read in religious houses, in bishoprics and monasteries; copying coincided
with reading as the act of writing had its goal in Christian education. The great differences existing in the
reading habits of the Eastern and Western worlds can be ascribed to anthropological, historical, cultural
as well as practical reasons.LE ROSSIGNOL ET L'HIRONDELLE
Lire et écrire à Byzance, en Occident
Guglielmo Cavallo
Dans la Vie de saint Siméon Stylitě le Jeune, composée peut-être au
début du vif siècle en Syrie, l'hagiographe dit qu'il faut écrire tout ce qui
peut viser à l'utilité « de ceux qui écoutent fidèlement »l. Il s'agit là d'un
topos qui, en reliant l'écrit et l'écoute, suppose nécessairement une lecture
à haute voix, ce que confirment d'autres passages de la Vie de saint Siméon.
À la même époque, dans l'Espagne des Wisigoths, Isidore de Seville se
prononce, dans ses Sententiae, en faveur de la lectio tacita parce que l'esprit
apprend mieux quand « la voix du lecteur s'éteint et la langue se meut
en silence2 ».
Des témoignages de ce type, qui montrent un fort clivage entre l'Orient
grec (ou Byzance, si l'on préfère) et l'Occident latin dans la façon même
de faire ressortir le sens de l'écrit, appellent à la comparaison des modèles,
des techniques, des situations et des manières de lire au cours de la période
comprise entre le vif siècle, moment de la fracture entre les deux mondes,
et le xf siècle, situé à la frontière entre l'époque byzantine tardive en
Orient et le bas Moyen Âge en Occident, lorsque, surtout dans ce dernier,
se produisent des changements radicaux quant au statut de la culture écrite3.
1 . Paul Van der Ven, La vie ancienne de saint Siméon Stylitě le Jeune, I, Bruxelles, Société
des Bollandistes, 1962, p. 9.
2. Isidore de Seville, Sententiae, 3.14.9 (Isodorus Hispalensis, Sententiae, Pierre Cazier
(éd.), Turnhout, Brepols, 1998, p. 240).
3. On a délibérément exclu de cette étude la culture italo-grecque étant donné que, dans
l'Italie méridionale, des formes d'acculturation entre l'Orient et l'Occident peuvent avoir
déterminé la combinaison ou la modification de certaines pratiques de lectures propres à
chacun des deux mondes.
849
Annales HSS, juillet-octobre 2001, n° 4-5, p. 849-861. PRATIQUES D'ECRITURE
Modalités et organisation de la lecture
À Byzance, la pratique de la lecture rhétorique et à haute voix — héritée
de l'Antiquité et de l'époque romaine tardive — se maintint largement4.
Ainsi, en 918, Basile, futur archevêque de Césarée de Cappadoce, écrivait
dans la dédicace à Constantin VII Porphyrogénète qui introduit son comment
aire sur les Homélies liturgiques de Grégoire de Naziance : « Quelle est
pour toi la chose la plus désirable ou la plus précieuse, sinon Grégoire, et
voir et écouter les écrits de Grégoire ?5 » Dans cette phrase de Basile, la
lecture à Byzance est perçue comme un acte dans lequel le texte se fait à
la fois vision et son. Le même lien inextricable se retrouve au xie siècle
chez Jean Mauropous d'Euchaïta :
Je vis la saison non comme un printemps mais déjà comme un automne ;
d'où [vient] donc maintenant ce rossignol de printemps ? Il ne fait pas
entendre sa voix de loin, d'un bosquet ou d'une forêt, mais — ce qui est
plus étonnant — volant entre mes mains, et modulant pour moi des notes
printanières, enchante mon oreille avec la douce mélodie de son chant. Si
l'on veut dire quelque chose de plus subtil, le merveilleux volatile semble
avoir la voix du rossignol, mais son aspect est celui d'une hirondelle ; il
chante en fait d'un ramage limpide et mélodieux, mais sa livrée exhibe une
étonnante association de deux couleurs opposées : sur le blanc du parchemin
se détache le noir de l'écrit6.
Cette lecture est celle d'une lettre représentée, dans la métaphore de
Jean Mauropous d'Euchaïta, par le rossignol et l'hirondelle : le rossignol
incarne le savant entrelacs des mots que, tel un chant, la voix du lecteur
fait surgir de la feuille écrite qui vole entre les mains de qui la fait résonner ;
l'hirondelle est l'expérience visuelle qui, avec ses couleurs — le noir de
la trame graphique sur le blanc du parchemin — , s'accompagne du son et
de l'écoute.
L'écrit, lorsqu'il est lu, devient à Byzance non seulement son et écoute
par l'effet de la voix, mais aussi vision, dans le droit fil d'une tradition
qui débouche, à l'époque de la controverse iconoclaste, sur la défense
iconophile des images, reprenant par ailleurs les implications et les dévelop
pements autrement complexes de la pensée patristique. À Г arrière-plan
s'opère l'équivalence entre le texte oral et les arts visuels — en substance
ce qui est peint — qui s'appuie sur le champ sémantique, au sein de la langue
grecque elle-même, de termes comme graphe (« écriture » et « peinture »),
4. Sur la pratique de la lecture à haute voix à Byzance, voir Herbert Hunger, Schreiben
und Lesen in Byzanz. Die byzantinische Buchkultur, Munich, C. H. Beck, 1989, pp. 125-127 ;
XVIIIe Diether Congrès R. Reinsch, international « Autor und des Léser études in byzantines. friihbyzanti

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