Le sacré dans la publicité - article ; n°1 ; vol.69, pg 83-93
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Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2001 - Volume 69 - Numéro 1 - Pages 83-93
Nous assistons depuis quelques années à une inflation de la symbolique religieuse dans la publicité. Dans cet article l'auteur montre, en analysant les différentes fonctions du discours publicitaire, comment celui-ci se nourrit des archétypes qui habitent encore l'imaginaire contemporain. Proposant de prendre au sérieux l'expression du sacré dans la publicité, il invite à porter sur elle un regard critique et ludique, en même temps qu'à l'utiliser au profit d'une compréhension renouvelée du discours religieux.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 53
Langue Français

Extrait

Jérôme Cottin
Le sacré dans la publicité
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°69, 2001. pp. 83-93.
Résumé
Nous assistons depuis quelques années à une inflation de la symbolique religieuse dans la publicité. Dans cet article l'auteur
montre, en analysant les différentes fonctions du discours publicitaire, comment celui-ci se nourrit des archétypes qui habitent
encore l'imaginaire contemporain. Proposant de prendre au sérieux l'expression du sacré dans la publicité, il invite à porter sur
elle un regard critique et ludique, en même temps qu'à l'utiliser au profit d'une compréhension renouvelée du discours religieux.
Citer ce document / Cite this document :
Cottin Jérôme. Le sacré dans la publicité. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°69, 2001. pp. 83-93.
doi : 10.3406/chris.2001.2259
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2001_num_69_1_2259Le sacré dans la publicité
Jérôme Cottin *
Résumé : Nous assistons depuis quelques années à une inflation de la
symbolique religieuse dans la publicité. Dans cet article l'auteur montre,
en analysant les différentes fonctions du discours publicitaire, comment
celui-ci se nourrit des archétypes qui habitent encore l'imaginaire
contemporain. Proposant de prendre au sérieux l'expression du sacré
dans la publicité, il invite à porter sur elle un regard critique et ludique,
en même temps qu'à l'utiliser au profit d'une compréhension renouvelée
du discours religieux \
Tout observateur attentif des signes produits par notre société aura
remarqué ces dernières années une inflation de la symbolique religieuse
dans la publicité2. Pourquoi celle-ci utilise-t-elle de plus en plus sou
vent une symbolique dérivée de la Bible, du christianisme, des grandes
religions et spiritualités de notre planète ? Ces allusions au sacré, plus ou
moins évidentes, plus ou moins nombreuses, sont-elles un simple hasard
ou le symptôme d'une époque en quête de sens ?
Cette étude consistera d'abord à montrer que la publicité, loin d'être
une simple technique de marketing, s'appuie en réalité sur un langage
symbolique complexe qu'il faut pouvoir décoder (points 1 et 2). Je situe
rai ensuite ce nouveau champ d'exploration par rapport à une pensée
théologique critique (point 3). Faute de pouvoir matériellement montrer
et analyser des publicités, je proposerai pour finir différentes thématiques
religieuses présentes dans la publicité, en mentionnant quelques
exemples particulièrement significatifs.
1. La publicité, des signes à déchiffrer
II y a 30 ans déjà, le sémioticien et critique littéraire Roland Barthes
avait entrevu de manière prophétique à quel point les signes visuels,
* Docteur en théologie, Jérôme Cottin a enseigné à l'Université de Genève (Suisse) et
enseigne actuellement à l'Institut catholique de Paris (Institut des Arts Sacrés). Il a notam
ment publié, en collaboration avec René Walbaum, Dieu et la pub (Cerf/PBU,
Paris/Genève, 1997).
83 Jérôme Cottin
même les plus banals, les plus innocents et les plus consommables,
étaient en fait porteurs de messages multiples. Ces messages, il fallait
surtout les rechercher au niveau inconscient de l'image, dans le jeu rhéto
rique entre le signifiant et le signifié des messages iconique et verbal.
C'est Barthes, on s'en souvient, qui le premier à proposé un décodage
d'une publicité pour les pâtes Panzani3. Voici ce qu'il écrivait à
l'époque : « II y aurait à se demander ce qui reste des grands symboles
chrétiens comme la croix, dans une société technicienne comme la nôtre ;
est-ce que ces grands symboles ont disparu, est-ce qu'ils se sont transfor
més, est-ce qu'ils sont cachés ? ». Et il poursuit en émettant une hypo
thèse qui rejoint la thèse de mon étude : « Même dans l'ordre prosaïque
de la publicité, il y aurait à rechercher l'organisation de cette très
ancienne symbolique »4.
Autrement dit, la publicité est moins innocente qu'elle ne semble au
néophyte. Elle ne sert pas qu'à faire vendre des produits et des services.
Elle crée des effets multiples, elle produit du sens. Elle repose sur un
pouvoir symbolique fort. « II y a probablement une véritable imagination
du signe » pensait Barthes5. Cette constatation vaut pour tous les signes
visuels. Car si l'on croit que le signe parle, alors ce sont tous les signes, y
compris les images publicitaires, qui délivrent du sens et qui doivent
donc être analysés, interprétés, parfois psychanalysés.
2. Quatre niveaux du message publicitaire
Pourtant certains, à l'exemple de sociologues comme Baudrillard ou
Bourdieu, ne voient dans la publicité qu'un leurre, une imagerie naïve et
populaire vide de sens, l'expression d'une seule idéologie de la consomm
ation. Sans prendre parti dans un débat d'idées complexe, je me bornerai
ici à repérer quatre niveaux de sens présents dans le langage publicitaire.
1. À un premier niveau, la publicité prétend n'être qu'un simple ajout
esthétique, destiné à rendre un produit ou service attrayants. Mais en
elle-même, elle ne dit rien. Elle n'est qu'un emballage visant à rendre le
produit digne d'intérêt, apte à la consommation. Elle a une fonction un
iquement commerciale. Contrairement à la littérature, la publicité ne
délivre aucun message. Tout au plus a-t-elle une fonction esthétique.
Mais elle évite les grands débats de société, les thèmes existentiels
forts, les questions problématiques6. Elle ne fait que répéter à l'infini la
même image, idéale et fausse, de notre société. Non seulement la publi
cité ne dit rien d'intéressant mais elle est de surcroît néfaste, dans la
84 Le sacré dans la publicité
mesure où elle s'appuie sur des techniques commerciales de vente ; elle
est l'un des supports essentiels de la société de consommation. Aussi
Baudrillard la taxe-t-il de « totalement obscène et de totalement sédui
sante »7. Elle n'est qu'une « forme vide, appelée à se redoubler et à se
plébisciter elle-même ». On ne peut pas parler à son propos de langage.
Il s'agit d'un « pur jeu de signes sans enjeu », de messages vides.
Certes, la publicité est ludique, mais elle n'est que ludique, rien de plus
dans la mesure où il s'agit du « plaisir immédiat d'un pur défilé
d'images qui ne nous engagent à rien »8.
Même si je partage la critique de la société de consommation qui sous-
tend cette position, je pense qu'on ne saurait réduire la publicité à une
simple fonction commerciale. Elle a également une fonction symbolique
seconde, dans la mesure où elle puise ses images et ses messages dans
d'autres images et d'autres messages qui constituent le réservoir culturel
de notre civilisation.
2. C'est pourquoi il faut compléter cette première approche par une
seconde, qui insiste sur la fonction culturelle de la publicité. La public
ité, sans être a priori une œuvre d'art, doit être pensée comme une
forme possible de création artistique. Elle emprunte d'ailleurs à l'art
nombre de ses représentations, de ses techniques et de ses langages9. Les
experts artistiques ne s'y sont pas trompés, eux qui organisent de plus en
plus souvent des expositions de publicités dans des galeries ou musées
d'art contemporain10. Si la publicité peut devenir œuvre d'art, c'est bien
parce qu'elle participe à la même logique créatrice et emprunte les
mêmes éléments culturels que les autres formes d'art visuel. Cette rela
tion entre l'art et la publicité doit du reste être pensée dans les deux sens :
elle se réfère de plus en plus souvent et explicitement à des œuvres d'art
célèbres de maîtres anciens ou plus modernes". Mais à l'inverse, l'art
contemporain utilise fréquemment des citations ou des collages publici
taires (Andy Warhol, Roy Lichenstein).
Selon cette seconde approche, la publicité participe à la création cultur
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