« Le temps de prier est venu » : Islamisation et pluralité religieuse dans le sud du Mali - article ; n°1 ; vol.68, pg 21-46
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Journal des africanistes - Année 1998 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 21-46
Les Minyanka bamana du Mali ont résisté à l'islam pendant des siècles mais aujourd'hui près de la moitié d'entre eux y adhèrent. Les motivations à se tourner vers cette religion relèvent du souci de se donner une nouvelle dignité sociale et de s'inscrire dans un ordre international. Bamana et musulmans vivent ensemble avec une minorité chrétienne. Des mouvements religieux de type syncrétique ou prophétique ne se développent pas actuellement. Au contraire, chacun veille aux spécificités religieuses des uns et des autres. Les itinéraires religieux sont personnels et ont parfois une dimension spirituelle. Les premiers convertis ont eu un parcours difficile mais actuellement la tolérance est de mise, même à l'égard des femmes. La pluralité religieuse pourrait toutefois être ébranlée par le développement d'un courant islamique réformiste qui exclut toute référence aux valeurs bamana.
The Minyanka Bamana of South Mali have resisted to islam during centuries but today half of them are muslims. Having a new social dignity and entering an international order are the most motivations to conversions. Bamana, Muslims live together with a Christian minority. Synchretic and prophetic current are not present. On the contrary, everybody try to respect the specificity of each religion. Itinerary are personal and some are spiritual. The first conversions were sometimes dramatic but today tolerance is common. Even women's choises are respected. Religious plurality could be shaken by the expansion of a reformist islamic current which refuse any reference to bamana values.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Danielle Jonckers
« Le temps de prier est venu » : Islamisation et pluralité
religieuse dans le sud du Mali
In: Journal des africanistes. 1998, tome 68 fascicule 1-2. pp. 21-46.
Résumé
Les Minyanka bamana du Mali ont résisté à l'islam pendant des siècles mais aujourd'hui près de la moitié d'entre eux y adhèrent.
Les motivations à se tourner vers cette religion relèvent du souci de se donner une nouvelle dignité sociale et de s'inscrire dans
un ordre international. Bamana et musulmans vivent ensemble avec une minorité chrétienne. Des mouvements religieux de type
syncrétique ou prophétique ne se développent pas actuellement. Au contraire, chacun veille aux spécificités religieuses des uns
et des autres. Les itinéraires religieux sont personnels et ont parfois une dimension spirituelle. Les premiers convertis ont eu un
parcours difficile mais actuellement la tolérance est de mise, même à l'égard des femmes. La pluralité religieuse pourrait
toutefois être ébranlée par le développement d'un courant islamique réformiste qui exclut toute référence aux valeurs bamana.
Abstract
The Minyanka Bamana of South Mali have resisted to islam during centuries but today half of them are muslims. Having a new
social dignity and entering an international order are the most motivations to conversions. Bamana, Muslims live together with a
Christian minority. Synchretic and prophetic current are not present. On the contrary, everybody try to respect the specificity of
each religion. Itinerary are personal and some are spiritual. The first conversions were sometimes dramatic but today tolerance is
common. Even women's choises are respected. Religious plurality could be shaken by the expansion of a reformist islamic
current which refuse any reference to bamana values.
Citer ce document / Cite this document :
Jonckers Danielle. « Le temps de prier est venu » : Islamisation et pluralité religieuse dans le sud du Mali. In: Journal des
africanistes. 1998, tome 68 fascicule 1-2. pp. 21-46.
doi : 10.3406/jafr.1998.1160
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1998_num_68_1_1160JONCKERS'
Danielle
« Le temps de prier est venu »
Islamisation et pluralité religieuse dans le sud
du Mali
Résumé
Les Minyanka bamana du Mali ont résisté à l'islam pendant des siècles mais aujourd'hui
près de la moitié d'entre eux y adhèrent. Les motivations à se tourner vers cette religion
relèvent du souci de se donner une nouvelle dignité sociale et de s'inscrire dans un ordre
international. Bamana et musulmans vivent ensemble avec une minorité chrétienne. Des
mouvements religieux de type syncrétique ou prophétique ne se développent pas actuelle
ment. Au contraire, chacun veille aux spécificités religieuses des uns et des autres. Les
itinéraires religieux sont personnels et ont parfois une dimension spirituelle. Les premiers
convertis ont eu un parcours difficile mais actuellement la tolérance est de mise, même à
l'égard des femmes. La pluralité religieuse pourrait toutefois être ébranlée par le
développement d'un courant islamique réformiste qui exclut toute référence aux valeurs
bamana.
Mots-clefs
Minyanka, Bamana, Mali, Islamisation, Conversion
Abstract
The Minyanka Bamana of South Mali have resisted to islam during centuries but today
half of them are muslims. Having a new social dignity and entering an international order
are the most motivations to conversions. Bamana, Muslims live together with a Christian
minority. Synchretic and prophetic current are not present. On the contrary, everybody try
to respect the specificity of each religion. Itinerary are personal and some are spiritual. The
first conversions were sometimes dramatic but today tolerance is common. Even women's
choises are respected. Religious plurality could be shaken by the expansion of a reformist
islamic current which refuse any reference to bamana values.
Keywords
Minyanka, Bamana, Mali, Islamization, Conversion
* CNRS-Université de Clermont П-ESA 6041 - Université libre de Bruxelles.
Journal des Africanistes 68 (1-2) 1998 : 21-45 22 Danielle Jonckers
INTRODUCTION
Les Minyanka du Mali ont résisté à l'islam jusqu'au milieu du
XXe siècle et revendiqué une identité culturelle et religieuse bamana,
commune à un ensemble de populations, non musulmanes. Après la chute de
Ségou en 1862, la région minyanka devint l'ultime bastion bamana, réputé
pour ses activités religieuses dites « choses bamana » (bamana y a). Actuel
lement, près de la moitié des Minyanka se dit musulmane et une minorité
chrétienne tandis que la majorité bamana régresse1. On n'assiste pas, en
milieu rural, au développement de phénomènes prophétiques ni de religions
nouvelles synchrétiques ainsi qu'on l'observe dans les pays voisins. Au
contraire, la volonté s'exprime d'éviter de mélanger les religions et, dans cet
esprit, un courant islamiste réformateur se dessine. Bamana, catholiques et
protestants veillent également au respect des spécificités religieuses des uns
et des autres, tout en vivant ensemble avec les musulmans, au sein du même
village ou de la famille dans une ambiance générale, le plus souvent, tolérante.
La religion du chef de famille n'est, en effet, plus nécessairement partagée
par ses dépendants. Il n'en a pas toujours été ainsi et les premiers convertis
se souviennent de leurs parcours douloureux. D'autres évoquent leurs
hésitations. Tous sont en quêtes de sens pour maîtriser au mieux leur
existence. Pour comprendre la volonté de rupture ou au contraire l'attach
ement à la culture bamana, un bref rappel des caractérisques2 de celle-ci et des
changements du contexte socio-économiques s'impose.
LE CHEMIN DES ANCETRES : LES « CHOSES BAMANA »
Les Minyanka bamana se distinguent des musulmans et des chrétiens par
le fait qu'ils offrent de nombreux sacrifices sanglants aux puissances
supra-humaines. Ils considèrent qu'ils peuvent contraindre ces forces à leur
rendre la vie plus favorable ou à mieux servir leurs desseins. Les autels
sacrificiels (yapèrlè ou werè), aux compositions gardées secrètes ainsi que les
médiums en transe matérialisent ces puissances (Nya, Komo, Namakoro, etc.)
parmi les hommes. On consulte régulièrement les devins pour s'assurer de
la bienveillance des ancêtres. A ceux-ci comme à dieu (Klè), on fait des
offrandes annuelles. L'antériorité et la filiation confèrent autorité, voire
sacralité, aux hommes âgés. A leur mort, ils sont honorés avec faste lors de
1 L'usage de « Bamana », ethnonyme jadis préféré à « Minyanka », régresse aussi. Selon le
recensement de 1986, portant sur une population de 28.180 personnes, recensées dans
33 villages de l'arrondissement central de Koutiala, sur 1956 familles d'en moyenne
14-15 personnes, 1022 sont bamana, 795 musulmanes, 89 catholiques, 6 protestantes,
18 pluralistes et 26 non précisées. Soit 52,4% de familles bamana, 40,6 % musulmanes,
4,5 % catholiques, 0,3 % protestantes, 0,9 % pluralistes, 1,3 % non précisées.
2 Pour une étude détaillée du système de pensée des Minyanka bamana voir Colleyn (1985,
1988), Jespers 1992 et Jonckers (1976, 1990a, 1993, 1995a, 1997).
Journal des Africanistes 68 (1-2) 1998: 21-45 ,
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« Le temps de prier est venu » 23
doubles funérailles. Les Bamana manifestent, jusqu'à présent, un caractère
apparemment méfiant et conservateur pourtant celui-ci va de pair avec un
intérêt pour d'autres modèles culturels et le monde extérieur. Ils n'hésitent
ni à adopter des éléments de cultes étrangers ni à exporter les leurs. Par souci
d'efficacité, de tout temps ils ont récupéré des choses dans des systèmes
religieux étrangers sans pour autant se soumettre entièrement à ceux-ci. Ainsi,
alors qu'ils se définissent comme non-musulmans, ils véhiculent, le plus
souvent inconsciemment, des éléments islamiques dans leur culture. Mahir
Saul (1997) observe les mêmes mécanismes chez les Bobo du Burkina et parle
à ce propos de processus d'appropriation mimétique. Le rythme de la vie
quotidienne bamana — du calendrier des cultes, des rapports sexuels ou
encore de l'allaitement — doit sans doute beaucoup aux préceptes coraniques.
Certains récits mythiques font allusion à l'origine mecquoise d'objets de culte

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