Le vieillissement individuel dans une population rurale française. - article ; n°1 ; vol.10, pg 41-101

F. Clément, H. Cendron, F. Bourlière

Description

Cahiers du Centre de recherches anthropologiques - Année 1966 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 41-101
Summary. The variations with age of 12 morphological and physiological characteristics have been studied in a sample of 516 Bre- tons from Plozevet district, Finistère (204 males and 312 females) ranging from 20 to 95 years. 1° The pattern of ageing in this rural population of western France is on the whole similar to that of urban populations previously studied, but some interesting differences in rate of ageing have been found. 2° Contrary to expectation, the population of this small traditional Breton village was found to have a varied « schedule of ageing » among its diverse social groups. Although farmers, fishermen and shop-keepers have the same ancestry (the fathers of half the fishermen and of 44 % of the shop-keepers being farmers), each of these social groups ages in a somewhat different way. The inter-group differences appear therefore to be environmental. Differential ageing is not only found in large urban communities but also in small rural communities, when they have a significant degree of specialisation of labor. 3° Contrary to the pastoral image people do not obligatorily remain in better physical and mental health in the country than in the large cities. The people of Plozevet are never better than the Parisians at the same chronological age. The sole exception is the hand grip in young people. And even in this case the advantage last only for a short time ; after fifty, Parisians always have a stronger handgrip. In addition, the farmers, fishermen and shop-keepers of Plozevet have a stronger tendency than Parisians to suffer from high blood pressure, obesity, diabetes and hypercholesterolemia. The percentage of Plozevetians who have to take sleeping pills is also just the same as in Paris.
Résumé et conclusion. Au terme de cette enquête, et en dépit de la petite taille de l'échantillon étudié, il semble permis de tirer deux conclusions générales : 1° Sous l'angle de ses modalités de vieillissement, la population de Plozévet ne se comporte pas comme un ensemble homogène. Malgré leur communauté d'origine (la moitié des marins et 44 % des commerçants du bourg examinés ont un père agriculteur), cultivateurs, marins et commerçants se différencient par de nombreuses particularités morphologiques, physiologiques et pathologiques. En l'absence de toute différence génétique de base, ce vieillissement différentiel est donc, en toute probabilité, imputable aux conditions écologiques dissemblables dans lesquelles vivent ces trois catégories socio- économiques principales. La part éventuelle de l'alimentation devra être déterminée par une enquête nutritionnelle comparée de ces trois composantes de la population plozévétienne. Le phénomène du vieillissement différentiel n'est donc nullement particulier aux populations urbaines ; il se retrouve dans toute communauté rurale présentant une spécialisation professionnelle suffisante. 2° Contrairement à l'image idyllique que trop de citadins se font encore des conditions de vie du monde paysan traditionnel, on ne vieillit pas mieux à Plozévet qu'à Paris. A âge égal, les performances des Plozévétiens ne sont jamais meilleures que celles des Parisiens ; dans le seul cas (force musculaire) où il en est ainsi dans les classes d'âge les plus jeunes, cet avantage est de courte durée et les citadins présentent, après la cinquantaine, une force de préhension supérieure à celle des Plozévétiens. Qui plus est, agriculteurs, marins et commerçants ont une fâcheuse tendance à l'hypertension, à l'obésité, à l'hyperglycémie et à l'hypercholestérolémie — et la proportion de ceux qui doivent avoir recours, pour dormir, aux somnifères est pratiquement la même qu'à Paris. Plus que la «vie au grand air » et les « aliments naturels », ce sont bien plutôt l'amélioration des conditions de logement, de travail et d'hygiène, ainsi que l'élévation du niveau de vie, qui constituent les facteurs écologiques les plus favorables au freinage des processus de sénescence.
61 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: CAHIERS_DU_CENTRE_DE_RECHERCHES_ANTHROPOLOGIQUES
• Publié le: 01 janvier 1966
• Nombre de lectures: 25
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 5 Mo

Extrait

Dr. F. Bourlière
H. Cendron
F. Clément
Le vieillissement individuel dans une population rurale française.
In: Cahiers du Centre de recherches anthropologiques, XI° Série, tome 10 fascicule 1-2, 1966. pp. 41-101.
Citer ce document / Cite this document :
Bourlière F., Cendron H., Clément F. Le vieillissement individuel dans une population rurale française. In: Cahiers du Centre de
recherches anthropologiques, XI° Série, tome 10 fascicule 1-2, 1966. pp. 41-101.
doi : 10.3406/bmsap.1966.1499
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_1297-7810_1966_sup_10_1_1499Abstract
Summary. The variations with age of 12 morphological and physiological characteristics have been
studied in a sample of 516 Bre- tons from Plozevet district, Finistère (204 males and 312 females)
ranging from 20 to 95 years. 1° The pattern of ageing in this rural population of western France is on the
whole similar to that of urban populations previously studied, but some interesting differences in rate of
ageing have been found. 2° Contrary to expectation, the population of this small traditional Breton
village was found to have a varied « schedule of ageing » among its diverse social groups. Although
farmers, fishermen and shop-keepers have the same ancestry (the fathers of half the fishermen and of
44 % of the shop-keepers being farmers), each of these social groups ages in a somewhat different
way. The inter-group differences appear therefore to be environmental. Differential ageing is not only
found in large urban communities but also in small rural communities, when they have a significant
degree of specialisation of labor. 3° Contrary to the pastoral image people do not obligatorily remain in
better physical and mental health in the country than in the large cities. The people of Plozevet are
never better than the Parisians at the same chronological age. The sole exception is the hand grip in
young people. And even in this case the advantage last only for a short time ; after fifty, Parisians
always have a stronger handgrip. In addition, the farmers, fishermen and shop-keepers of Plozevet
have a stronger tendency than Parisians to suffer from high blood pressure, obesity, diabetes and
hypercholesterolemia. The percentage of Plozevetians who have to take sleeping pills is also just the
same as in Paris.
Résumé et conclusion. Au terme de cette enquête, et en dépit de la petite taille de l'échantillon étudié, il
semble permis de tirer deux conclusions générales : 1° Sous l'angle de ses modalités de vieillissement,
la population de Plozévet ne se comporte pas comme un ensemble homogène. Malgré leur
communauté d'origine (la moitié des marins et 44 % des commerçants du bourg examinés ont un père
agriculteur), cultivateurs, marins et commerçants se différencient par de nombreuses particularités
morphologiques, physiologiques et pathologiques. En l'absence de toute différence génétique de base,
ce vieillissement différentiel est donc, en toute probabilité, imputable aux conditions écologiques
dissemblables dans lesquelles vivent ces trois catégories socio- économiques principales. La part
éventuelle de l'alimentation devra être déterminée par une enquête nutritionnelle comparée de ces trois
composantes de la population plozévétienne. Le phénomène du vieillissement différentiel n'est donc
nullement particulier aux populations urbaines ; il se retrouve dans toute communauté rurale présentant
une spécialisation professionnelle suffisante. 2° Contrairement à l'image idyllique que trop de citadins
se font encore des conditions de vie du monde paysan traditionnel, on ne vieillit pas mieux à Plozévet
qu'à Paris. A âge égal, les performances des Plozévétiens ne sont jamais meilleures que celles des
Parisiens ; dans le seul cas (force musculaire) où il en est ainsi dans les classes d'âge les plus jeunes,
cet avantage est de courte durée et les citadins présentent, après la cinquantaine, une force de
préhension supérieure à celle des Plozévétiens. Qui plus est, agriculteurs, marins et commerçants ont
une fâcheuse tendance à l'hypertension, à l'obésité, à l'hyperglycémie et à l'hypercholestérolémie — et
la proportion de ceux qui doivent avoir recours, pour dormir, aux somnifères est pratiquement la même
qu'à Paris. Plus que la «vie au grand air » et les « aliments naturels », ce sont bien plutôt l'amélioration
des conditions de logement, de travail et d'hygiène, ainsi que l'élévation du niveau de vie, qui
constituent les facteurs écologiques les plus favorables au freinage des processus de sénescence.Extrait des Cahiers du Centre de Recherches Anthropologiques. n° 5.
In : Bull, et Mém. de la Soc. ďAnthr. de Paris,
t. 10, XI* série, 1966, pp. 41 à 101.
LE VIEILLISSEMENT INDIVIDUEL
DANS UNE POPULATION RURALE FRANÇAISE
ÉTUDE DE LA COMMUNE DE PLOZÉVET,
Finistère
par F. BOURLIÈRE, H. CENDRON et F. CLÉMENT (1)
Claude-Bernard,'
(Centre de Gérontologie
et Département de Physiologie
de la Faculté de Médecine de Paris (2).)
Introduction.
Pour des raisons faciles à comprendre, l'étude des modifica
tions morphologiques, physiologiques et psychologiques que
l'âge impose à l'organisme humain n'a été entreprise pour l'in
stant que dans des populations urbaines. Outre les difficultés
matérielles inhérentes à toute enquête de ce type menée loin
des Centres de Recherches, la réticence des paysans bien portants
à se prêter à un examen assez long et à des épreuves dont ils ne
saisissent pas toujours l'importance pratique, a fait échouer
jusqu'ici toutes les tentatives. Aussi est-ce avec plaisir que
l'équipe du Centre de Gérontologie de l'Association Claude-
Bernard a accepté de participer à l'enquête multidisciplinaire
organisée par le Comité d'Analyse Démographique, Économique
et Sociale (C.A.D.E.S.) de la Délégation Générale à la Recherche
Scientifique et Technique dans la commune de Plozévet (Finis
tère). Notre participation à une entreprise dont les habitants
de cette commune pouvaient facilement percevoir l'intérêt, nous
donnait plus de chances de pouvoir examiner un échantillon de
sujets vraiment représentatifs de la population de ce sympa-
(1) Avec la collaboration technique de E. Chaudun, G. Dupuis, E. Jacquemin
M. R. Lion, P. Lion et Y. Clément.
(2) Contrat n° 63 FR 022 /A2 de la Délégation Générale à la Recherche Scien
tifique et Technique. 42 société d'anthropologie de paris
thique terroir de Bretagne. La réalité n'a pás déçu nos espoirs,
comme on pourra le voir dans les pages qui suivent. Grâce à
l'appui des autorités communales et des personnalités locales,
grâce aussi à la patience et à la gentillesse de tous, nous avons
pu mener à bien notre tâche dans des conditions satisfaisantes.
Nous voudrions saisir ici l'occasion qui nous est offerte pour
remercier tous les Plozéve tiens de leur coopération et de leur
compréhension, en dépit de la gêne que nous leur causions. Les
lacunes de ce travail ne sauraient, en aucun cas, leur être imput
ées ; elles sont dues bien plutôt aux limitations inhérentes à
toute enquête « de terrain », effectuée loin des facilités auxquelles
nous sommes habitués dans les laboratoires hospitaliers et uni
versitaires.
Outre les quelques éclaircissements que notre étude pouvait
peut-être apporter sur certains points de la biologie sociale de
cette population rurale de Bretagne, il nous faut confesser que
notre objectif initial était un peu plus ambitieux. Le phéno
mène du vieillissement différentiel des populations, imputable
à des causes à la fois génétiques et écologiques, est aujourd'hui
bien connu et admis de tous. Il saute aux yeux dans les popul
ations urbaines, où le rôle de l'éducation et du métier est, en
définitive, plus important que celui du climat et de l'alimenta
tion. Mais qu'en est-il à la campagne ? Y vieillit-on plus vite,
plus lentement, ou différemment qu'ailleurs ? Peut-on retrou
ver, dans la société rurale, des différences de modalités de sénes
cence aussi nettes qu'en ville entre les diverses catégories socio-
économiques ? Quel rôle joue cette migration vers les centres
urbains qui se fait sentir si intensément dans certains de nos
dé