Lectures de l Ahasvérus (1833) d Edgar Quinet : regards sur une palingénésie romantique du mythe du Juif errant - article ; n°45 ; vol.14, pg 79-104
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Lectures de l'Ahasvérus (1833) d'Edgar Quinet : regards sur une palingénésie romantique du mythe du Juif errant - article ; n°45 ; vol.14, pg 79-104

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Description

Romantisme - Année 1984 - Volume 14 - Numéro 45 - Pages 79-104
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Simone Bernard-Griffiths
Lectures de l'Ahasvérus (1833) d'Edgar Quinet : regards sur une
palingénésie romantique du mythe du Juif errant
In: Romantisme, 1984, n°45. pp. 79-104.
Citer ce document / Cite this document :
Bernard-Griffiths Simone. Lectures de l'Ahasvérus (1833) d'Edgar Quinet : regards sur une palingénésie romantique du mythe
du Juif errant. In: Romantisme, 1984, n°45. pp. 79-104.
doi : 10.3406/roman.1984.4703
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1984_num_14_45_4703Simone BERNARD-GRIFFITHS
Lecture de Y Ahasvérus (1833) d'Edgar Quinet :
Regards sur une palingénésie romantique du mythe du Juif errant
Cent cinquante ans après sa parution, Ahasvérus, longtemps consi
déré comme un chef-d'œuvre manqué, comme l'un de ces « géants
tronqués » que Balzac disait fils des « grandes commotions national
es » (1), connaît une gloire à laquelle l'histoire littéraire ne l'avait
guère accoutumé. La publication de l'œuvre dans les Reprints de Slat-
kine, avec une préface de Ceri Crossley (2), arrache le vaste poème en
prose de Quinet, non réédité depuis le début du siècle, à l'oubli relatif
où le maintenait sa condition de « livre ancien ». En nous redonnant à
lire Ahasvérus, Ceri Crossley a le mérite de rendre à un texte à la mod
ernité méconnue, la libre carrière dont il est digne. A l'image de son
héros, le Juif errant, pour qui la marche éternelle est tout ensemble fa
talité et vocation, Ahasvérus œuvre de plein, ciel, ouverte à l'infini du
temps et de l'espace, est en effet une œuvre en marche qui requiert une
lecture en liberté, une lecture-voyage, libre traversée des signes de l'
écriture, capable de répéter, à sa manière, ce voyage au pays des Signes,
ce pèlerinage à travers les ruines des cités et des empires, les sites oracu-
laires du passé qu'est pour le Juif errant l'Histoire.
Cette lecture-voyage, l'occasion nous est offerte aujourd'hui de la
prolonger par un voyage au second degré, par la lecture d'une lecture.
L'Etude sur V Ahasvérus d'Edgar Quinet, composée par Eugène Froment
in et Paul Bataillard en 1841, mais inconnue des romantiques, voire de
Quinet lui-même, et restée presqu'entièrement inédite à ce jour, est of
ferte à notre curiosité par l'excellente édition critique que viennent
d'en donner Barbara Wright et Terence Mellors (3). Rare privilège, on
en conviendra, pour la critique contemporaine, d'avoir la primeur d'une
Etude vieille de plus d'un siècle. Privilège qu'accroît, outre le mystère
de la non-publication, le caractère inhabituel d'une écriture à quatre
mains dont le choix de variantes établi par Barbara Wright et Terence
(1). L. Cellier, L'Épopée humanitaire et les grands mythes romantiques, Paris,
S.E.D.E.S., 1971, p. 141.
(2) E. Quinet, Ahasvérus, avec une préface de Ceri Crossley, Genève-Paris, Slat-
kine, 1982.
(3) E. Fromentin et P. Bataillard, Étude sur L'Ahasvérus d'Edgar Quinet, édition
critique par B. Wright et T. Mellors, Genève, Droz, 1982. Simone Bernard-Griffiths 80
Mellors révèle avec bonheur les arabesques, reconstituant entre les deux
manuscrits conservés, l'un écrit de la main de Bataillard, l'autre, consi
déré comme la version définitive, de la de Fromentin, un dialogue
langagier dont la personnalité des auteurs fait un témoignage hors du
commun sur la réception ď Ahasvérus à l'époque romantique. En effet,
en 1841 , Fromentin est à l'aube d'une carrière qui le mènera à la consé
cration que l'on sait, dans le triple registre de la peinture, de la critique
d'art et du roman. Or l'un des plus rares mérites de la préface de Barbar
a Wright et Terence Mellors est de montrer comment les harmoniques
de la lecture ď Ahasvérus et, par réfraction, des Idées de Herder dont
l'auteur d'Ahasvérus est nourri, se prolongent à travers toute l'œuvre
de Fromentin, des récits algériens à Dominique, sous la forme d'une
esthétique qui, fidèle à l'évolutionnisme herdérien, fait du moi un mi
crocosme, un miroir de concentration de l'Histoire. La jouissance de la
« plénitude du moi » inspirée par Herder à Quinet aurait à son tour
inspiré au futur romancier de Dominique un égotisme à vocation uni
verselle qui ouvrirait au moi « les perspectives indéfinies du temps »(4).
Moins illustre que Fromentin, Bataillard n'en fait pas moins partie de la
geste romantique. Lorsqu'en 1841, il se passionne pour Ahasvérus, il
s'apprête à entrer dans la propre histoire d'Edgar Quinet dont il sera, de
1842 à 1845, le disciple ébloui au Collège de France avant de devenir,
après le 2 décembre 1851, le correspondant et l'ami fidèle d'un exilé
avec lequel il communie dans un républicanisme altier.
Toutes ces considérations suffiraient à désigner à notre attention,
Y Etude sur l'Ahasvérus, comme un événement de l'histoire littéraire ro
mantique. Mais il y a plus. VËtude est en effet une manière de réponse
et de contrepoint à l'article le plus célèbre inspiré par l'œuvre de Quinet
à ses contemporains : « Ahasvérus et de la nature du génie poétique »,
publié par Charles Magnin en décembre 1 833 dans la Revue des Deux
Mondes et jugé par Quinet lui-même assez remarquable pour être digne
de figurer, telle une préface idéale, en tête df Ahasvérus au tome VII des
Oeuvres Complètes de l'édition Pagnerre, en 1858.
La providentielle coïncidence entre la possibilité de relire Ahasvérus
et de réentendre les chants alternés dont la critique romantique orches
tra son apparition, nous a donné l'idée de parcourir, du XIXème siècle
à nos jours, les lectures dont Ahasvérus a fait l'objet, et de retracer l'
itinéraire dont elles témoignent. De la diversité des regards et des pers
pectives, nous paraît se dégager une cohérence éclatée qui nous invite à
lire Ahasvérus à la lumière de la problématique du mythe littéraire. Not
re lecture des lectures se voudrait donc voyage à travers une écriture
mythique.
Comme le fait remarquer Claude Duchet, dans sa préface aux My-
thographies de Pierre Albouy, « dès lors qu'il n'est plus manière de dire,
mais manière du dire, forme-sens [...], lieu de tensions, instable et con-
(4) Ibid., « Introduction », p. 69. 'A hasvérus d 'Edgar Quinet 8 1 L
tradictoire, où se rejoignent l'imaginaire et l'idéologique, le social et le
symbolique », le mythe « ne se laisse guère traduire ou déchiffrer »(5).
Cette définition du s'applique к Ahasvérus, si l'on en croit la cri
tique. Enigme à déchiffrer, Ashasvérus est pour Charles Magnin, une fo
rêt à défricher, l'une de
« ces forêts vierges du nouveau monde, où la végétation la plus énergique, où
les plus beaux arbres centenaires, où les plus belles fleurs en nombre infini
s'entrecroisent, et, tout en excitant l'admiration du voyageur, arrêtent ou du
moins retardent sa marche. On voudrait pouvoir élaguer ces futaies vigoureuses
et trop touffues et s'y frayer sa route en coupant, ici et là, ces lianes qui sont
à la fois une parure et un obstacle » (6).
Le « luxe trop peu réprimé de pensées et d'images » qui grise Charl
es Magnin, séduit et trouble encore nos contemporains. Léon Cellier
porte un jugement en clair-obscur sur une œuvre dont l'exubérance ver
bale lui paraît être à la fois « parure et obstacle ». « Le lecteur est sur
tout frappé par la surabondance des images. Un passage, même cueilli
au hasard, enchante et étonne. Mais la lecture complète laisse une im
pression accablante, et la luxuriance du style empêche de bénéficier de
la détente qu'apportent les changements de ton » (7).
Traversée héroïque, telle est bien la lecture ď Ahasvérus dont l'im
pétuosité nous est transcrite par des métaphores qui essaiment dans
tous les registres du cosmique. Forêt vierge, Ahasvérus devient, pour
Léon Cellier, un « tourbillon » d'où n

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