Leroux, « ouvrier typographe », carbonaro et fondateur du Globe - article ; n°28 ; vol.10, pg 239-254
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Description

Romantisme - Année 1980 - Volume 10 - Numéro 28 - Pages 239-254
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M Jacques Viard
Leroux, « ouvrier typographe », carbonaro et fondateur du Globe
In: Romantisme, 1980, n°28-29. pp. 239-254.
Citer ce document / Cite this document :
Viard Jacques. Leroux, « ouvrier typographe », carbonaro et fondateur du Globe. In: Romantisme, 1980, n°28-29. pp. 239-254.
doi : 10.3406/roman.1980.5353
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1980_num_10_28_5353Jacques VIARD
Leroux, « ouvrier typographe », carbonaro et fondateur du Globe.
Dans les pages littéraires du Monde, le Temps des prophètes a été
salué comme un grand livre « marxiste ». Et pourtant on n'avait jamais
encore autant rendu à Leroux ce qui est à lui : « la synthèse humanit
aire », qui a « fondé pour longtemps l'alliance des intellectuels et du
peuple », et qui de nos jours encore demeure « la doctrine de fond de
la démocratie socialisante partout où elle a réellement existé ». Au
contraire, « l'inhumanité sans précédent » produite par la Révolution
de 1917 apparaît dans ce livre comme une conséquence du marxisme,
« doctrine apriorique » à laquelle Paul Bénichou avait reproché dans
le Sacre de l'écrivain de définir les classes par leur seule fonction
l'économie, et de ne voir dans les ouvrages de l'esprit que « des reflets
ou des instruments de ces classes ».
L'erreur du Monde est explicable. En disant que l'utopie est « née
de toute évidence dans la classe intellectuelle héritière de la philosophie
des Lumières », et qu'ensuite seulement elle a « trouvé un terrain dans
le mouvement ouvrier naissant », le Temps des prophètes semble ac
corder à Engels que le socialisme a été introduit dans la classe ouvrière
par des intellectuels bourgeois. « II n'y a pas deux camps », disait déjà
le Sacre de l'écrivain, « pas ^intelligentsia ouvrière susceptible de dé
baucher les écrivains C'est l'intelligence issue de la bourg
eoisie et elle seule qui répudie la bourgeoisie dans des œuvres d'où le
prolétariat est généralement absent ».
Est-ce pourtant ainsi que pensaient George Sand, Flora Tristan,
T. Thoré, Pierre Dupont, Mazzini, Heine, Herzen, Proudhon, Marx,
lorsque « l'illustre ouvrier » (ainsi disait Michelet) prit congé de la
Revue indépendante en évoquant ses années d'apprentissage (« D'une
nouvelle typographie », janvier 1843) ?
Les Muses divines n'étaient pas nées de la même mère, elles le rap
pellent dans Clio. Les doctrines que P. Bénichou réunit sous l'appella
tion « romantique » lui semblent toutes filles, comme Minerve, de la
même tête, et destinées à se rassembler un jour, bien que leur appariait eu lieu « en deux régions opposées » de la même intelligentsia :
la région « libérale » affirmait la liberté individuelle, la région « contre-
révolutionnaire » voulait unifier le corps social au moyen des dogmes
de l'Eglise ou de ceux de telle ou telle utopie. Et donc Leroux, le prin
cipal agent de synthèse, ne pouvait « admettre l'exigence de la liberté
qu'après coup et moyennant réforme » : marqué en effet par « une
congénitale faiblesse », il était « originellement adepte du dogme
saint-simonien ».
Qu'il ait existé « une étroite parenté » entre les quatre « utopies,
ou grands rêves », VEncyclopédie de Leroux le disait à l'article « Uto- 240 Jacques WARD
pie » (1840). Mais en distinguant bien davantage celle de Saint-Simon
de celles de Babeuf et de Fourier, et en insistant sur celle d'Owen que
P. Bénichou oublie, cantonné comme il croit devoir l'être dans les idées
françaises.
Pourquoi d'ailleurs, ici encore, est-il si proche de la tradition engel-
siste et léniniste ? Quand Gilbert Badia trouve le nom de Leroux dans la
Correspondance de Marx et Engels ou dans leur Idéologie allemande, il
se contente, en note, d'un mot : « saint-simonien ». Et quand Pierre
Albouy disait que « la grande Révolution de 1917 » a enfin manifesté
« la vérité essentielle » de 1830, 1848, 1871 et des « discours mythi
ques » que ces préludes avaient inspirés à nos écrivains il unifiait lui
aussi, en affirmant que « tout le romantisme a conduit Hugo au socia
lisme » (1).
Persuadé que « l'âge romantique n'a eu au fond qu'une seule doc
trine » dont les différentes ébauches se sont rejointes « sur la voie hu
manitaire », P. Bénichou a compris que l'histoire littéraire ne s'était pas
suffisamment intéressée au Globe, qui confrontait les diverses tendanc
es, et à la Charbonnerie qui « ouvrait un passage » du libéralisme vers
l'utopie. Il a remarqué que J. Reynaud, H. Carnot et Laurent (de l'Ar-
dèche), qui rompirent en 1831 avec Enfantin et voulurent à la Revue
encyclopédique « concilier le saint-simonisme et la tradition républi
caine » étaient d'anciens Charbonniers, comme Bazard. Il a oublié que
leur inspirateur était Leroux, ancien Charbonnier lui aussi, absent dans
le Sacre de l'écrivain où l'histoire du Globe était racontée sans allusion
à la Charbonnerie.
Défigurés comme ils le furent par les historiens et par les politi
ciens, le saint-simonisme et l'esprit républicain paraissent inconcilia
bles. Mais le Cénacle, véridique, irréfutable, fait revivre en un héros,
Michel Chrestien, « les Républicains aux vues élevées » qui durant les
années vingt menaçaient les Rois par leur projet de « Fédération euro
péenne » et qui au début des années trente «fufrent] pour beaucoup
dans le grand mouvement moral des saint-simoniens » (2). C'est aux
« serviteurs de la Révolution française » que Leroux rappelait leur de
voir : « Nous devons nous attacher à l'UNION EUROPEENNE » (3) - en
1827 dans l'ancien Globe et en 1842 dans la Revue indépendante.
Celle-ci venait de reproduire « le symbole » de la Charbonnerie de 1823
devenu en 1825 « la profession de foi de l'ancien Globe », et d'autre
part, en même temps, de revendiquer (exactement comme la Revue en
cyclopédique l'avait fait dix ans plus tôt) les
« principales formules que, depuis Juillet 1830, l'école saint-simonienne
avant sa dissolution, a répandues dans le monde [...] théorie sur la propriété,
distinction des producteurs et des oisifs, études positives sur la production et
la distribution des richesses » .
l.Mythographies, Corti, 1976, p. 283 et 363.
2. Voir la thèse Osamu Nishio, La Signification du Cénacle (en français)
Tokyo, 1980 .
3. Je renvoie à mes articles « Pierre Leroux et l'Internationale » Contrepoint
n. 27, 1978 et « Leroux et l'Union Européenne -»,Studi Francesi, n. 69, 1980. € ouvrier typographe » 241 Leroux,
Ces formules, en 1832 et en 1842 sont « la traduction fidèle sinon
littérale des principes contenus dans la Déclaration de 1793 », celle où
Robespierre avait proposé d'inscrire « le droit de tous à la subsistance,
à l'instruction et au travail ». Telle est « la tradition de la Révolution
française », que Leroux accusait Cousin d'avoir reniée quand, à Berlin,
il adopta le fatalisme historique de Hegel.
En octobre 1831, les républicains ont quitté l'école devenue selon
J. Reynaud « un petit Etat dont Enfantin et Bazard étaient les dicta
teurs ». En mai déjà, Enfantin et ses fidèles constatent avec effroi que
les prédications de Reynaud « ne sont pas sans influence sur l'insurrec
tion lyonnaise ». Or à Lyon, c'est Leroux qui « presse et pousse »
Reynaud (4), aidé par Laurent (de l'Ardèche), fort justement appelé
par A. Gamme « saint-simonien et robespierriste » (5). Ensuite, Bazard
envoie aux révolutionnaires belges amis de Buonarotti une mission
composée, dira Carnot, de « Laurent (de l'Ardèche), Pierre Leroux,
Dugied et moi, tous dévoués aux idées républicaines ».
P. Bénichou retient ce témoignage de Carnot, digne de foi mais
mal informé et qui tait trop de choses, comme tous ceux qui abandonn
èrent Leroux.
Carnot ne risquait

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