Les « autres cinq cents ans »  - article ; n°1 ; vol.86, pg 195-214
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les « autres cinq cents ans » - article ; n°1 ; vol.86, pg 195-214

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Journal de la Société des Américanistes - Année 2000 - Volume 86 - Numéro 1 - Pages 195-214
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominique Buchillet
Les « autres cinq cents ans »
In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 86, 2000. pp. 195-214.
Citer ce document / Cite this document :
Buchillet Dominique. Les « autres cinq cents ans » . In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 86, 2000. pp. 195-214.
doi : 10.3406/jsa.2000.2839
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_2000_num_86_1_2839CHRONIQUE DU GROUPE D'INFORMATION
SUR LES AMÉRINDIENS
1. — BRÉSIL
LES « AUTRES CINQ CENTS ANS »
« La nuit de mon arrivée à Ilheus [État de
Bahia] je suis allé à pied dans une communauté
indigène qui se trouvait à sept lieux de la ville
sur un petit promontoire encerclé d'eau et de
lagunes. Et je l'ai détruite et j'ai tué tous ceux
qui s'opposaient. En repartant, j'ai brûlé tous
les villages sur mon passage. Comme les
Indiens se sont réunis et se sont mis à me pours
uivre sur la plage, je les ai embusqués et obli
gés à se jeter dans la mer violente, où ils se sont
tous noyés. Puis j'ai ramené à terre leurs corps
et les ai alignés sur la plage [...] »
(Mem de Sá, transcription d'une lettre au roi
du Portugal, 1559).
« La violence est le plus sûr moyen de rendre
tranquilles et habitables les terres dans lesquell
es transitent ces barbares [...] »
(passage de la lettre du commandant de la ville
de Caravelas à l'officier de justice Luiz Thomas
Navarro, 1846).
On aurait pu penser que la proximité des festivités des « 500 ans du Brésil » aurait
entraîné un peu plus de compassion envers les Indiens et de respect pour leurs droits,
pourtant reconnus par la Constitution fédérale de 1988. Les événements survenus
depuis la dernière chronique du Groupe d'information sur les Amérindiens (Buchillet
1999) démontrent qu'il n'en fut rien. Le récit des actions qu'un Mem de Sá rapporte à
son roi un demi-siècle après la Conquête ou l'opinion tranchée qu'émet quelque trois
cents ans plus tard le commandant de la ville de Caravelas sur le sort qu'il convient de
réserver aux Indiens (en l'occurrence les Pataxó de l'extrême sud de l'État de Bahia),
sont toujours d'actualité : menaces de mort, passages à tabac, assassinats, invasion
militaire de communautés indigènes, réception des Indiens se rendant aux commémo- JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES 196
rations officielles à coups de matraque, bombes lacrymogènes et balles de caoutchouc,
expulsion manu militari des Indiens de leur territoire, destruction du monument
pataxó en hommage aux ethnies disparues depuis l'arrivée des Portugais sur le sol de
ce qui constitue aujourd'hui le Brésil, sont quelques-uns des faits les plus marquants
de cette dernière année.
Dans le texte qui suit, nous reverrons les principaux événements de l'année
écoulée, abordant en premier lieu la question de l'homologation de la Terre indigène
Raposa/Serra do Sol, dans l'État de Roraima, source depuis plusieurs années de
nombreux conflits entre Indiens, policiers militaires, colons, éleveurs, producteurs de
riz et politiciens locaux, avant de faire le point sur le processus de régularisation
foncière des terres indigènes. Puis nous parlerons des commémorations officielles des
« 500 ans du Brésil » ainsi que des contre-manifestations organisées par les mouve
ments indigènes, noirs et populaires et, enfin, des derniers événements relatifs au
« Statut des Sociétés indigènes », bloqué à la Chambre des députés, on s'en souvient,
depuis plusieurs années. En guise de conclusion, la traduction du document final de la
Conférence des peuples et des organisations indigènes du Brésil, qui a eu lieu du 1 8 au
21 avril dernier dans le village pataxó Coroa Vermelha, municipe de Santa Cruz de
Cabrália, État de Bahia, nous livrera la teneur des revendications indiennes pour ces
« autres 500 ans » du Brésil.
Terre indigène Raposa/Serra do Sol : la violence contre les Indiens continue et la réserve n'est toujours pas homologuée
On se souvient {cf. Buchillet 1999) que plusieurs indices nous permettaient de
penser que le gouvernement fédéral s'apprêtait, sous la pression des politiciens locaux
et de puissants éleveurs et producteurs de riz de la région, à revoir l'arrêté interminist
ériel n° 820 du 14 décembre 1998 qui déterminait la démarcation physique sous
forme continue de la Terre indigène Raposa/Serra do Sol, dans l'extrême nord-est de
l'État de Roraima, habitat traditionnel de quelque douze mille Indiens des ethnies
Makuxi, Wapixana, Taurepang, Ingarikó et Patamona. Dans le même temps, tous les
moyens de pression possibles et imaginables étaient utilisés pour obtenir la réduction
du territoire indigène ainsi que sa fragmentation, incluant le chantage exercé sur
l'organe indigéniste officiel (la Fondation nationale de l'Indien/FUNAI), les menaces
de mort, les tentatives d'assassinat et les assassinats d'Indiens, la création de municip
alités à l'intérieur de la réserve indigène ou encore les actions en justice pour
inconstitutionnalité de l'arrêté interministériel n° 820/98 {ibid.).
Face à ces tentatives d'intimidation, les Indiens et leurs représentants, ainsi que
diverses entités nationales et internationales d'appui à la cause indigène, dénonçaient
la situation et exigeaient l'homologation immédiate de la réserve indigène. En octo
bre 1999, dans un courrier envoyé à l'Assemblée législative et aux différents députés de
l'État de Roraima, un parlementaire du municipe de Uiramut, où se trouve localisée la
réserve indienne, sollicitait la tenue de plusieurs réunions extraordinaires pour discu
ter de manière urgente de la situation du municipe, craignant en particulier que le
gouvernement fédéral ne finisse, sous la pression internationale et celle des organisa
tions non gouvernementales/ONG, par homologuer la Terre indigène Raposa/Serra
do Sol selon les termes de l'arrêté interministériel. Dans cette note, tout en dénonçant CHRONIQUE DU GROUPE D'INFORMATION SUR LES AMÉRINDIENS 197
les ONG et l'Église catholique qui défendent les droits indigènes, les suspectant d'agir
« en défense du capital international qui serait le véritable financier de leurs campag
nes bien articulées », il remuait le vieux fantasme de l'invasion du territoire national,
et de l'État de Roraima en particulier, par les Nord-Américains et les Européens :
« elles [les ONG et l'Église catholique] utilisent la fausse mais sympathique bannière
de la lutte en faveur des droits indigènes, de l'environnement et du bien-être des
minorités. Uiramut est aujourd'hui le centre de la convoitise internationale alors que
les rapaces internationaux s'agitent pour accomplir les directives des pays riches qui
font tout pour que l'État de Roraima devienne une réserve minière stratégique [...]. Les
Européens et les Nord- Américains contrôlent maintenant, via internet, leur colonie
dénommée Brésil. Autrefois, ils devaient venir jusqu'ici pour envahir notre territoire. »
(Folha de Boa Vista 1999).
Tous les moyens sont bons pour empêcher l'homologation de Raposa/Serra do
Sol, y compris les tentatives de cooptation de leaders indigènes ou l'exploitation de
leurs possibles divergences. Ainsi, le 17 février 2000, lors d'une réunion avec les leaders
des organisations Sodiur (Société des Indiens unis de Roraima) et Arikon (Association
des peuples indigènes des fleuves Quinô et Cotingo du Roraima), Neudo Campos,
gouverneur de l'État de Roraima et opposant notoire aux droits indigènes, n'hésitait-il
pas à menacer de fermer 138 écoles à l'intérieur de la Terre indigène si celle-ci était
homologuée sous forme d'une réserve continue ainsi que le revendiquent les Indiens,
arguant qu'en cas d'homologation elle ferait partie du patrimoine de l'Union, ce qui
empêcherait dès lors toute action du gouvernement de l'État de Roraima. Cet argu
ment est en réalité sans fondement : « Dans la Terre indigène Sao Marcos, homolog
uée en 1991, il y a des professeurs ainsi que des écoles du gouvernement de l'&

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents