Les destinées de la Russie vues par les poètes russes du XVIIIe au XXe siècle : essai d une typologie - article ; n°3 ; vol.52, pg 273-283
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Les destinées de la Russie vues par les poètes russes du XVIIIe au XXe siècle : essai d'une typologie - article ; n°3 ; vol.52, pg 273-283

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Description

Revue des études slaves - Année 1979 - Volume 52 - Numéro 3 - Pages 273-283
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 10
Langue Français

Extrait

Prof. Dr. Peter Brang
Les destinées de la Russie vues par les poètes russes du XVIIIe
au XXe siècle : essai d'une typologie
In: Revue des études slaves, Tome 52, fascicule 3, 1979. pp. 273-283.
Citer ce document / Cite this document :
Brang Peter. Les destinées de la Russie vues par les poètes russes du XVIIIe au XXe siècle : essai d'une typologie. In: Revue
des études slaves, Tome 52, fascicule 3, 1979. pp. 273-283.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1979_num_52_3_5085AUTOUR DES SLAVOPHILES
LES DESTINEES DE LA RUSSIE
VUES PAR LES POÈTES RUSSES DU XVIIIe AU XXe SIÈCLE
Essai d'une typologie
PAR
PETER BRANG
Русские книжники XI-XVII веков
думали о будущем России [...]
D. S. Lixačev
La littérature russe est la littérature
la plus prophétique du monde.
N. Berdjaev
La philosophie russe est considérée, en général et de plein droit, comme « philo
sophie de l'histoire » en premier lieu. Pareillement on peut constater que la nouvelle
littérature russe a fixé son attention sur le destin de la patrie plus que ne l'ont fait
les autres grandes littératures européennes.
Il y a à cela des raisons, dont voici les plus importantes :
1) Le retard du développement de la Russie et la nécessité ou le désir de
l'expliquer.
2) L'absence de certains régulateurs de la vie sociale et politique (d'un parle
ment, d'une presse libre) et l'abandon des fonctions correspondantes à la littérature
et, dans une mesure plus faible, aux auties arts (Belinskij : « ... c'est la
qui chez nous a posé les fondements de la publicité et de l'opinion publique2»).
Quelles qu'en soient les raisons, les propos des poètes russes sur le destin de la
Russie sont extrêmement nombreux et variés et, presque tous, indiquent une foi
profonde dans les destinées extraordinaires de leur patrie. On trouve ces propos
dans les belles-lettres et dans les essais critiques aussi bien que dans la correspon
dance des écrivains. En dépit du grand nombre d'œuvres et d'articles sur les ques
tions de la slavophilie et de la russophilie, il semble que l'on n'ait pas essayé jusqu'à
présent de recueillir ces propos et de les étudier. C'est pourtant là un aspect import
ant et plein d'attrait à la fois du problème de la slavophilie et de la russophilie,
dans l'acception large de ces notions.
1. D. S. Lixačev, « Писатели и книжники древней Руси ». Preface du livre : Dm. Žukov,
L. Puškarev, Русские писатели XVII века. M.-L., 1972 [1973], p. 6.
2. V. G. Belinskij, Полное собрание сочинений, 13 vol., M.-L., 1953-1959. Vol. 5, p. 653.
Rev. Étud. slaves, Paris, LII/3, 1979, p. 273-283. 274 P. BRANG
Sans doute, il n'est pas possible de traiter dans le cadre de cet exposé tous les
aspects de ce problème. Ce qui semble possible c'est, d'une part, de montrer la r
ichesse et l'intérêt des textes en question et la manière possible de les aborder ;
d'autre part, d'indiquer un certain nombre de constantes dans les opinions des
hommes de lettres et, éventuellement, l'existence de tel ou tel stéréotype.
En ce qui concerne les propos que l'on extrait des textes relatifs aux belles-
lettres, il faudra tenir compte du contexte artistique et de la « déformation esthé
tique » . Des exemples bien connus : les pensées de Versilov sur le rôle de la noblesse
russe dans les destinées de la Russie et de l'Europe ; ou les conceptions de Myškin
ou de Šatov en ce qui concerne la mission du peuple russe.
Il serait certainement très intéressant de comparer les opinions des écrivains
russes sur les destinées de leur patrie à l'expression de la conscience nationale dans
d'autres pays d'Europe, en France, en Allemagne, en Angleterre, en Suisse par
exemple. Pour comprendre tout le poids et toute l'importance de certains propos
russes, il convient de se servir d'une méthode simple : à traduire ces propos dans
d'autres langues, à les appliquer à d'autres milieux nationaux, on obtient un effet
de distanciation assez étonnant.
Après l'exploration systématique des propos des poètes russes sur le destin de la
Russie, on sera plus à même de définir le rôle des écrivains et des critiques de
l'Europe de l'Ouest dans la naissance de certains stéréotypes : on ne sait toujours pas
qui fut l'inventeur de l'âme russe1 . Il sera également possible d'établir les correspon
dances et les différences entre la conscience de soi nationale des poètes russes avant
la révolution de 1917 et après.
Le retard du développement de la Russie, son entrée soudaine dans le cercle des
peuples européens ont donné naissance à ce que Ju. Šerech a appelé très proprement
« le style idéologique » dans la littérature russe du XVIIIe siècle2 ; à ce style que
A. Sinjavskij considère comme le précurseur du réalisme socialiste et qui, dans la
critique littéraire du XIXe siècle, a trouvé son expression dans l'esthétique orga
nique de Belinskij, d'Apollon Grigor'ev et d'autres. Nous trouvons des exemples
1. Voir, d'une part, les travaux explorant la part qu'ont prise les émigrants slaves et les
critiques de l'Ouest dans la naissance et la dissémination de ce « mythe » (p. ex. M. Cadot,
« Naissance et développement d'un mythe ou l'Occident en quête de l'âme slave », Revue
des études slaves, tome XLIX, 1973, p. 91-101 ; V. V. Dudkin, K. M. Azadovskij, Достоев
ский в Германии, і 846-1921. IV. « Неоромантизм. Легенда о русской душе », Литера
турное наследство, vol. 86, M., 1973, p. 688-700 ; et d'autre part les propos russes, tels que
l'article de P. A. Plaviľšcikov sur « les âmes russes » (cf. infra, p. 277), ou bien le fait que déjà
en 1634 le voyageur allemand A. Olearius fit connaissance avec la conception des « âmes
russes » dans ce qu'elles ont de spécifique : « Ein alter Munch aus vorerwehntem Kloster
[...] kam und brachte den Gesandten zum Willkomm einen Rettich. [...] Uber der Thur [der
Kirche] war das Jungste Gericht zu sehen /da zeigete uns/ der Miinch unter andern einen in
Teutschen Kleidern / sagende : Dass auch Teutsche und andere Nationen selig wùrden / wann
sie nur Russische Seelen hà'tten / und fíir Gott recht zu tun nie mand scheueten » (Adam Olear
ius, Vehrmehrte Newe Beschreibung Der Muscowitischen und Persischen Reyse, Schleswig,
1656. Nouvelle édition : Tiibingen, 1971, p. 22) ; ou, déjà au XIIe siècle, dans les « questions
de Kirik » (Вопросы Кирика) la prescription qu'un Bulgare [de la Volga], un Polovčin ou un
Čjudin doit jeûner avant le baptême quarante jours ■[...], un Slave (Slovênin) huit jours. Voir
L. K. Goetz, Kirchenrechtliche und Kulturgeschichtlkhe Denkmäler Altrusslands, Stuttgart,
1905. Reproduction Amsterdam, 1963, p. 252. « Die Milderung fiir den Slaven erklärt sich
dadurch, dass nach der Meinung Kiriks die Slaven schon eher als die anderen genannten Vó'lker
Gelegenheit hatten, das Christentum kennen zu lernen » (ibid.J.
2. J. Šerech, Von Th. Prokopowytsch bis Radischtschew. Die Grundzuge des ideologi-
schen Stils in der russischen Literatur des XVIII. Jahrhunderts im Zusammenhang mit der
Théorie des III. Rom, Míinchen, 1956. DE LA RUSSIE 275 DESTINÉES
convaincants de ce style idéologique chez Lomonosov : c'est surtout l'expression de
l'espoir que la Russie sera capable « d'atteindre et de dépasser » les pays de l'Ouest
dans les résultats scientifiques et les aspirations politiques. Le retard de la Russie se
présente comme un gage de son développement rapide.
Lomonosov proclame :
Что может собственных Платонов
И быстрых разумом Невтонов
Российская земля рождать.
(Ода на день восшествия на всероссийский престол
Елизаветы Петровны, 1747 года)
II exprime sa conviction que la Russie doit
законы миру
и распрям предписать конец.
Il la prie, dans une apostrophe :
Великая промолви Мать,
И повели войнам престать.
(Разговор с Анакреоном. 1761 ?) ł
L'arriération de la Russie exige une explication et se combine avec une série de no
tions plus ou moins stéréotypées : le mythe de la roue de la fortune, la conception
de la vigueur juvénile de la Russie, l'idée que la Russie est une table rase.
En ce qui concerne le mythe de la roue de la fortune, on le trouve chez Leibniz
dans sa lettre à Pierre le Grand du 16 décembre 1712 : « Es scheint, es sey die Schi-
ckung Gottes, das die Wissenschaft den Kreis der Erden umbwandern und n

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