Les enfants du service d'Aide sociale à l'Enfance - article ; n°5 ; vol.26, pg 877-899

Nicole Dubrulle

Description

Population - Année 1971 - Volume 26 - Numéro 5 - Pages 877-899
Les enfants en difficulté du fait de l'absence ou de la défaillance de famille, ont posé, en toute époque, des problèmes difficiles à résoudre. Les études récentes sur les populations inadaptées ont porté surtout sur les débiles mentaux, les handicapés physiques et les familles asociales. Peu ont été faites sur un groupe d'enfants, cependant important, qui pose des problèmes d'adaptation délicats : il s'agit des enfants des services d'Aide sociale à l'enfance, appelés traditionnellement, enfants de l'Assistance publique, soit au 1er janvier 1969 : 226 208 enfants et adolescents de 0 à 21 ans, 1,3 % des effectifs totaux de ce groupe d'âge. Ces enfants ont été étudiés ici au moyen de deux sources : — une étude statistique de leur évolution de 1946 à 1968, dans le département de la Seine; — une enquête sur un échantillon réalisée d'avril 1969 à avril 1970, dans le département de Paris. Mme Nicole Dubrulle, chargée de recherches à l'I.N.E.D., présente et commente ici les résultats.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: POPULATION0
• Publié le: 01 janvier 1971
• Nombre de lectures: 12
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Nicole Dubrulle
Les enfants du service d'Aide sociale à l'Enfance
In: Population, 26e année, n°5, 1971 pp. 877-899.
Résumé
Les enfants en difficulté du fait de l'absence ou de la défaillance de famille, ont posé, en toute époque, des problèmes difficiles à
résoudre. Les études récentes sur les populations inadaptées ont porté surtout sur les débiles mentaux, les handicapés
physiques et les familles asociales. Peu ont été faites sur un groupe d'enfants, cependant important, qui pose des problèmes
d'adaptation délicats : il s'agit des enfants des services d'Aide sociale à l'enfance, appelés traditionnellement, enfants de
l'Assistance publique, soit au 1er janvier 1969 : 226 208 enfants et adolescents de 0 à 21 ans, 1,3 % des effectifs totaux de ce
groupe d'âge. Ces enfants ont été étudiés ici au moyen de deux sources : — une étude statistique de leur évolution de 1946 à
1968, dans le département de la Seine; — une enquête sur un échantillon réalisée d'avril 1969 à avril 1970, dans le département
de Paris. Mme Nicole Dubrulle, chargée de recherches à l'I.N.E.D., présente et commente ici les résultats.
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Dubrulle Nicole. Les enfants du service d'Aide sociale à l'Enfance. In: Population, 26e année, n°5, 1971 pp. 877-899.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1971_num_26_5_5365\J
LES ENFANTS DU SERVICE
D'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE
Les enfants en difficulté du fait de l'absence ou de la défail
lance de famille, ont posé, en toute époque, des problèmes difficiles
à résoudre.
Les études récentes sur les populations inadaptées ont porté
surtout sur les débiles mentaux, les handicapés physiques et les
familles asociales. Peu ont été faites sur un groupe d'enfants,
cependant important, qui pose des problèmes d'adaptation
délicats : il s'agit des enfants des services d'Aide sociale à
l'enfance, appelés traditionnellement, enfants de l'Assistance
publique, soit au 1er janvier 1969 : 226 208 enfants et adolescents
de 0 à 21 ans, 1,3 % des effectifs totaux de ce groupe d'âge.
Ces enfants ont été étudiés ici au moyen de deux sources :
— une étude statistique de leur évolution de 1946 à 1968,
dans le département de la Seine;
— une enquête sur un échantillon réalisée d'avril 1969 à
avril 1970, dans le département de Paris.
Mme Nicole Dubrulle, chargée de recherches à l'I.N.E.D.,
présente et commente ici les résultats.
Première partie
Résultats de l'étude statistique
Les enfants admis dans le service d'Aide sociale à l'enfance sont âgés
de 0 à 21 ans. Ils sont pris en charge pour pallier une carence momentanée ou
définitive des parents.
Trois catégories distinctes :
— les pupilles sont recueillis jusqu'à leur majorité. Ce sont les orphelins,
les enfants trouvés ou abandonnés et ceux dont les parents ont été déchus de
la puissance paternelle. La tutelle appartient, dans ce cas, au préfet ou au
directeur départemental de la Population et de l'Aide sociale;
— les enfants en garde sont confiés, par décision judiciaire, dans le cadre 878 LES ENFANTS DU SERVICE D'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE
de la protection sociale de l'enfance en danger, définitivement ou provisoire
ment, mais la tutelle est laissée aux parents;
— les «recueillis temporaires)) sont admis pour une période brève, en raison
d'une incapacité temporaire des parents (maladie, maternité, manque de
logement ou de ressources, etc., quelquefois incarcération). Parmi ces enfants,
certains restent plusieurs années, pour le même motif qu'à l'entrée ou pour
de nouveaux motifs. Néanmoins, l'Aide sociale essaie d'éliminer ce type
de situation, en obligeant les parents à préciser leurs intentions.
L'étude statistique a porté sur les effectifs de la Seine (1) de 1946 à 1968.
A. ÉVOLUTION GLOBALE
De 1946 à 1967, le nombre des enfants du service d'Aide sociale à l'en
fance de la Seine est passé de 20 485 à 25 848. Trois observations :
1. La population des enfants admis en 1946 (20 486) était à peu près
égale à celle de 1937 (21 691) et très inférieure à celle d'avant la première
guerre (52 072);
2. De 1946 à 1968, cette population s'est accrue de 26 % (fig. 1) ; 56 %
de garçons et 44 % de filles sont présents en 1968; la proportion n'a guère
varié ;
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Figure 1. — Ensemble des enfants présents au service d'Aide sociale à l'enfance (au 1er janvier)
3. Diminution initiale des effectifs jusqu'en 1951, remontée lente et pro
gressive jusqu'en 1960, puis plus rapide, surtout à partir de 1963. Cette évo
lution résulte de mouvements divers selon les catégories qu'il convient
d'étudier successivement.
<x> Le nouveau découpage administratif de la région parisienne du 1er janvier 1968 a entraîné
une discontinuité des séries statistiques. Environ la moitié des enfants compris dans l'ancien
département de la Seine ont été, en effet, rattachés aux nouveaux départements créés autour
de Paris. LES ENFANTS DU SERVICE D'AIDE SOCIALE À L'ENFANCE 879
B. ÉVOLUTION PAR CATÉGORIE
1. Les pupilles. a. Nombre total. — Le nombre des pupilles n'a cessé
de décroître depuis 1946 : en 1966, la diminution est de
plus de moitié. La proportion des pupilles, dans les enfants admis, est passée
de 98,5 % en 1912 à 80 % en 1946 et 30 % à la fin de la période considérée.
Deux facteurs commandent cette évolution :
— la guerre a entraîné des admissions plus nombreuses : orphelins,
enfants dont les parents avaient disparu, ou abandonnés par une mère seule, illégitimes et adultérins, plus nombreux durant cette période. Un
certain nombre de ces enfants ont retrouvé plus tard leurs parents ou un parent
survivant. D'autres, déjà grands, ont atteint leur majorité et sont sortis du
service ;
— la politique sociale, mise en œuvre après la guerre, a freiné l'abandon
des nouveau-nés, en accordant des allocations ou des secours aux mères
en difficulté, mariées ou non, ou en les accueillant dans les maisons matern
elles. L'opinion publique s'est modifiée à l'égard des mères célibataires et
une revalorisation des enfants et de la famille a accompagné la reprise de
la natalité. Enfin, les jugements rendus ces dernières années ont entraîné
de moins en moins fréquemment la rupture définitive des liens familiaux.
Les déchéances de puissance paternelle sont relativement moins nombreuses
et ne s'exercent généralement que dans le cas de situations familiales part
iculièrement détériorées.
Cependant le phénomène s'est déplacé sans se modifier quant au fond.
Les enfants en garde sont maintenant presque aussi nombreux que les pupilles
et représentent une charge à peu près équivalente. En outre, les recueillis
temporaires ont pris une importance considérable, comme nous le verrons.
b. Admissions. — Le nombre des admissions annuelles de pupilles
varie de 600 à 1 100 enfants, 5 à 10 % des effectifs (tableau I). Les entrées
ont tendance à augmenter jusqu'en 1952, puis à culminer, de 1952 à 1958.
Les ordonnances des 22 et 23 décembre 1958 définissent alors une poli
tique de protection de l'enfance, qui aboutit, le plus souvent, à confier la
garde des enfants à l'Aide sociale, sans lui octroyer la tutelle. En conséquence,
le nombre des immatriculations de pupilles diminue à partir de 1959 et
l'on retrouve en 1966 un nombre d'admissions de 10 % seulement supérieur
à celui de 1946, bien que la population de la Seine se soit accrue d'un million.
60 % des admissions ont lieu avant 6 ans et 85 % avant 14 ans.
c. Les sorties sont liées à des phénomènes très différents :
— la mortalité;
— l'atteinte de la majorité, au-delà de laquelle le service n'est plus
responsable, hormis quelques cas de continuation d'études. Il faut assimiler
à ce cas l'émancipation par mariage; 880 LES ENFANTS