Les excrétions de la déesse et l origine de l agriculture - article ; n°4 ; vol.21, pg 717-728
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Les excrétions de la déesse et l'origine de l'agriculture - article ; n°4 ; vol.21, pg 717-728

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 4 - Pages 717-728
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

Atsuhiko Yoshida
Les excrétions de la déesse et l'origine de l'agriculture
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. pp. 717-728.
Citer ce document / Cite this document :
Yoshida Atsuhiko. Les excrétions de la déesse et l'origine de l'agriculture. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e
année, N. 4, 1966. pp. 717-728.
doi : 10.3406/ahess.1966.421415
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_4_421415ÉTUDES
Les excrétions de la Déesse
et l'origine de l'agriculture
M. A. Yoshida qui, depuis cinq ans, étudie sans parti-pris les rela
tions de la mythologie japonaise tant avec celles du continent asiatique
qu'avec celles des îles de V océan Pacifique, a rencontré un mythe auquel
divers auteurs avaient déjà proposé quelques homologues dans le Paci
fique occidental. Il montre que Vextension du thème est bien plus vaste,
couvrant VOcéan et le Nord-Ouest américain : soit sensiblement le champ
que M. A. Hultkrantz avait reconnu pour le « thème d'Orphée » (1957)
C'est par la convergence de monographies de ce genre que pourront être
discernées et précisées les composantes archaïques de la culture japo
naise.
Georges Dumézil
Comme nous l'avons signalé ailleurs x, la diffusion de l'agriculture
est liée, dans la mythologie japonaise, aux activités civilisatrices de
deux dieux, frères d'alliance, Okuninushi et Sukunahikona. En cette
dernière divinité, certains savants ont reconnu une personnification
des céréales 2 ; et cette interprétation est sûrement à retenir, malgré
la thèse contraire soutenue avec viguer par M. Matsumura 3. Pour
s'en convaincre, il suffira de lire les récits qui content l'arrivée de
Sukunahikona chez Okuninushi et sa subite disparition.
D'après le Kojîki 4, Sukunahikona était fils du dieu Kamimusubi
et habitait dans le ciel. Mais sa taille était si minuscule qu'un jour, se
trouvant sur la paume de son père, il tomba en passant au travers de
ses doigts et, naviguant dans une coque du fruit de la plante Kagami5
et vêtu de la peau d'un papillon, aborda sur un promontoire de la pro-
1. RHR, CLXI, 1962, pp. 37-38.
2. Asakuba, Inoguchi, Okano et Matsumae, Shinwa Densetsu Jiten (Diction
naire des mythes et des légendes), 1963, pp. 257-258.
8. Sukunahikona : l'âme extérieure d'Okuninushi ; T. Matsxjmtjka, Nihon Shinwa
no Kerikyu (Étude de la Mythologie japonaise), III, 1955, pp. 370-393.
4. Kojiki, éd., Y. Takeda (Kadokawa Bunko), 1956, pp. 50-51.
5. L'identification de cette plante (tuberculeuse ?) est controversée ; v. Matsu-
mura, op. cit., pp. 385-387.
717
(21* année, juillet-août 1966, n° 4) 1 ANNALES
vince d'Izumo où il fut recueilli par Okuninushi. Aucun des dieux de
l'entourage de celui-ci ne savait qui était cet étrange nain qui opposait
un silence obstiné à l'interrogatoire de leur chef. Finalement, sur le
conseil d'un Crapaud, Okuninushi consulta un Épouvantail qui révéla
l'identité du petit être x.
Après un séjour chez Okuninushi, durant lequel il collabora de très
près et de façon constante à l'œuvre de ce « Grand Patron de la Terre »
(tel est le sens littéral de son nom), et devenu son frère 2, Sukunahikona
quitta brusquement ce monde dans des circonstances que rapporte le
Nihonshoki 3. Un jour qu'il se trouvait dans une île, il monta sur une
tige de millet, qui, en se redressant, le projeta si loin dans l'air que,
survolant l'océan, il arriva au pays de Tokoyo (« Vie Éternelle », sorte
d'Élysées *) et s'y installa. Selon un fragment d'un Fudoki 5, c'est
Sukunahikona lui-même qui avait cultivé cette plante et l'accident
survint juste avant la récolte e.
Sa taille aussi minuscule qu'un grain, sa familiarité avec l'habi
tant (le crapaud) et le gardien (l'épouvantail) de la rizière, son départ
pour l'autre monde à partir du bout d'une tige de millet, tout cela
indique sans équivoque la nature céréale de ce dieu. Or le mythe fait
descendre ce Corn Spirit du ciel. C'est que, d'après la mythologie
shintoïste, l'agriculture avait été instituée dans le ciel par les dieux
souverains avant d'être introduite sur la terre par les dieux agricoles
proprement dits. En effet, lorsque le dieu Susanô monta au ciel, il y
trouva les rizières administrées par sa sœur, la Grande Déesse Ama-
terasu, dont il détruisit les allées et combla les fossés 7. L'origine de
cette agriculture céleste est expliquée par un mythe dont le Kojiki et le
Nihonshoki donnent deux versions très divergeantes :
I. D'après le Kojiki 8, lorsqu'il fut expulsé du ciel à la suite des méfaits
qui avaient causé la retraite d'Amaterasu dans la Grotte Céleste e, Susanô
descendit d'abord chez une déesse nommée la princesse Ogetsu et lui
demanda de la nourriture. Celle-ci répondit à la requête de son hôte auguste
en lui offrant des plats variés, confectionnés avec divers aliments qu'elle
avait tirés de ses narines, de sa bouche et de son anus. Susanô, qui avait
épié ses mouvements, persuadé que la déesse lui faisait manger des ordures,
s'emporta et la tua. De la tête de la victime surgit le ver à soie, de ses yeux
1. Aussi bien le Crapaud (Taniguku) que l'Épouvantail (Kuebiko) sont conçus ici
comme des dieux. Cf. une étude consacrée à ces divinités dans ibid., pp. 394-418.
2. Cf. A. Yosheda, loc. cit., p. 42.
3. Nihonshoki, éd., Y. Takeda (Nihon Koten Zensho), 1948, p. 123.
4. Pour le pays de Tokoyo, v. Matsumura, op. cit., IV, 1958, pp. 396-442.
5. Fudoki de la province de Hôki, fragm. (Fudoki, éd., Y. Takeda (Iwanami
Bunko), 1937, p. 310).
6. « Yoku minorikeru toki. »
7. V. A. Yoshida, loc. cit., p. 25.
8. Kojiki, p. 35.
9. Cf. A. loc. cit. et RHR, CLX, 1961, p. 63,
718 ORIGINE DE L'AGRICULTURE
le riz, de ses oreilles le mil, de son nez le phaseolus radiatus (une sorte de
haricot), de son sexe le blé et de son anus le soya. Ces produits furent
recueillis et cultivés par le dieu Kamimusubi.
II. Le Nihonshoki г donne pour meurtrier, non pas Susanô, mais le
dieu-lune Tsukiyomi, et pour victime une divinité appelée Ukemochi
(c Détentrice de l'Aliment »). L'incident est placé juste après l'investiture
ď Amaterasu comme Souveraine céleste. Lorsque, envoyé par Amaterasu,
Tsukiyomi se présenta chez Ukemochi, celle-ci cracha d'abord du riz en
se tournant vers la plaine, puis des poissons, grands et petits, en se tour
nant vers la mer, et enfin du gibier aux poils durs ainsi que du gibier aux
poils doux en se tournant vers la montagne, et elle voulut régaler l'envoyé
céleste de ces produits dûment entassés sur une immense table. Rouge de
colère, le dieu-lune abattit Ukemochi à coups d'épée et, de retour au ciel,
rendit à sa sœur un compte détaillé de sa mission. Les violences de son frère
indignèrent Amaterasu à tel point qu'elle l'écarta de sa vue durant un jour
et une nuit. Elle dépêcha d'autre part Amenokumahito (« Homme-Ours
Céleste ») sur le lieu du meurtre. Sur les différentes parties du corps d'Uke-
mochi, ce nouveau délégué trouva le cheval, le bœuf, le cocon de ver à soie,
ainsi que six espèces de céréales (les cinq espèces données par I, plus le
panic) et il emporta tous ces produits au ciel. Amaterasu en fut très satis
faite et déclara : « Voici ce dont les hommes devront se nourrir pour vivre. »
C'est ainsi qu'elle institua dans le ciel l'agriculture et le filage f.
La grande différence que manifestent ces deux variantes, tant sur
l'identité des divinités protagonistes que sur le moment où se produisit
l'événement, a amené M. Matsumura à conclure que ce mythe était
originairement étranger au corps de la mythologie du clan Tennô 8.
Et l'auteur de la monumentale Étude sur la Mythologie Japonaise a
sûrement raison sur ce point. Du reste, dans le cas du Kojiki, il ressort
de la lecture même du texte que ce morceau a été inséré après coup : le
paragraphe qui le précède finit par les mots « kamiyarai yaraiki » (« ils
l'expulsèrent ») et le paragraphe qui le suit commence par « kare yara-

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