Les faiseurs d enfants - article ; n°1 ; vol.56, pg 51-66
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Description

Journal des africanistes - Année 1986 - Volume 56 - Numéro 1 - Pages 51-66
Although every destiny involves sacrifice in Minyanka society (Mali), women are allowed neither to own altars fyapèrè) nor to put victims to death during sacrifices. Only men own such altars, which are believed to have power over childbirth and to protect against witchcraft (an activity essentially imputed to women). Paradoxically, women are the center of this system in that officiants attribute feminine qualities to religious powers, liken the acquisition of a yapèrè to marriage, and metaphorically establish a parallel between men's sacrificial practices and childbirth. The fact that only men control the yapèrè helps both establish male authority and neutralize women's child-bearing powers.
Resume Dans la société minyanka où tout destin passe par le sacrifice, les femmes ne peuvent ni posséder d'autels sacrificiels (yapèrè) ni mettre à mort les victimes sacrificielles. Seuls les hommes détiennent de nombreux yapèrè censés conditionner la venue au monde des enfants et protéger contre les actes de sorcellerie, eux-mêmes essentiellement considérés comme le fait des femmes. Paradoxalement, les femmes sont le centre d'intérêt des officiants qui attribuent des qualités féminines aux puissances religieuses, assimilent l'acquisition des yapèrè à un mariage et utilisent un langage métaphorique établissant un parallélisme entre les pratiques sacrificielles des hommes et le processus de la naissance. La maîtrise des yapèrè, exclusivement réservée aux hommes, contribue de fait à établir la puissance masculine et à neutraliser le pouvoir que l'enfantement confère aux femmes.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Danielle Jonckers
Les faiseurs d'enfants
In: Journal des africanistes. 1986, tome 56 fascicule 1. pp. 51-66.
Résumé
Resume Dans la société minyanka où tout destin passe par le sacrifice, les femmes ne peuvent ni posséder d'autels sacrificiels
(yapèrè) ni mettre à mort les victimes sacrificielles. Seuls les hommes détiennent de nombreux yapèrè censés conditionner la
venue au monde des enfants et protéger contre les actes de sorcellerie, eux-mêmes essentiellement considérés comme le fait
des femmes. Paradoxalement, les femmes sont le centre d'intérêt des officiants qui attribuent des qualités féminines aux
puissances religieuses, assimilent l'acquisition des yapèrè à un mariage et utilisent un langage métaphorique établissant un
parallélisme entre les pratiques sacrificielles des hommes et le processus de la naissance. La maîtrise des yapèrè,
exclusivement réservée aux hommes, contribue de fait à établir la puissance masculine et à neutraliser le pouvoir que
l'enfantement confère aux femmes.
Abstract
Although every destiny involves sacrifice in Minyanka society (Mali), women are allowed neither to own altars fyapèrè) nor to put
victims to death during sacrifices. Only men own such altars, which are believed to have power over childbirth and to protect
against witchcraft (an activity essentially imputed to women). Paradoxically, women are the center of this system in that officiants
attribute feminine qualities to religious powers, liken the acquisition of a yapèrè to marriage, and metaphorically establish a
parallel between men's sacrificial practices and childbirth. The fact that only men control the yapèrè helps both establish male
authority and neutralize women's child-bearing powers.
Citer ce document / Cite this document :
Jonckers Danielle. Les faiseurs d'enfants. In: Journal des africanistes. 1986, tome 56 fascicule 1. pp. 51-66.
doi : 10.3406/jafr.1986.2110
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1986_num_56_1_2110DANIELLE JONCKERS ;
«LES FAISEURS D'ENFANTS»
Réflexions sur le statut des femmes dans le système religieux minyanka
«Lève-toi, cherche les enfants et fais les entrer au village.» C'est en ces termes
que les hommes s'adressent aux puissances religieuses telles que Nya, Nankon,
Manyan, Komo1 . Ces noms désignent aussi bien la confrérie que l'entité rel
igieuse ainsi que les possédés et les autels (yapèrè) qui la matérialisent2 .
Les hommes détiennent une multiplicité de yapèrè dont les attributions
concernent la naissance des enfants, la fertilité des champs et la lutte contre
la sorcellerie. Dans cette société où tout destin passe par le sacrifice, la posses
sion des autels et la mise à mort des victimes sacrificielles, exclusivement
réservées aux hommes, établissent la puissance masculine.
Les maîtres du culte (yapèrè fo); les bouffons (yapèrè koduba), les sacri
ficateurs (mu , fo « propriétaires du f couteau» ) , les musiciens, les chanteurs >
(yapèrè tyèli) et les initiés (yapèrè kudé) sont toujours des hommes. On compte
cependant une femme âgée parmi les ministres du culte : «la donneuse d'eau».
Elle incarne la première femme de la création et rappelle le caractère primordial 1
de l'eau. La confection des yapèrè institue une certaine autonomie magique des
hommes par rapport au système du monde. Quoique redoutables et chargés
de forces (nyama), les autels n'ont de valeur que dans leur subordination „
(même imparfaite) aux hommes. Ceux-ci soumettent les yapèrè à leurs propres
fins par le biais des sacrifices.
Les ancêtres lignagers et Dieu (Klè) sont censés intervenir auprès des :
yapèrè pour qu'ils appellent (yiri) les enfants. Mais à l'inverse de ce que l'on
voit dans * beaucoup de sociétés africaines, on n'offre que rarement des sacri
fices individuels aux ancêtres. Aussi limiterons-nous notre propos au système
symbolique des rites collectifs des sociétés initiatiques.
Les cérémonies sacrificielles aux yapèrè se déroulent deux fois par an;
après les récoltes en novembre -décembre et avant les semailles en mars-avril.
1. On trouvera dans les articles de Colleyn (1975a : 19-34, 1975b : 115-126, 1982 : 3-13) de Jespers
(1976 : 11-140, 1979 : 71-102, 1982 : 11-15) et de Jonckers (1976 : 91-110, 1986) des informat
ions concernant les puissances religieuses minyanka.
2. La traduction de yapèrè par autel est imparfaite, elle ne rend pas compte de l'incorporation de
l'entité religieuse dans l'objet. Les yapèrè ne sont pas de simples réceptacles : ils sont à la fois esprit
et matière. Faits de fragments divers, ils constituent de véritables microcosmes. Ils sont chargés de
forces (nyama) dont la vitalité doit être entretenue par les sacrifices .
Journal des africanistes, 56 (1) 1986 : 51-66. .
,
52 DANIELLE JONCKERS
Le possédé, en transe, sort les autels du sanctuaire et les transporte à l'enclos
sacrificiel. Il est accompagné des initiés et des femmes qui dansent et repren
nent en chœur les chants liturgiques. Les formules sacrificielles, inlassablement
répétées, traduisent toutes le souci de fécondité.
Aide-le, multiplie les membres de sa famille. -
Manyan, favorise la naissance des gens de la «grande porte» (du lignage).
Cherche lui des petits-enfants et donne-les lui.
Le village est trop petit, il n'y a pas assez d'enfants..
Donne des mangeurs.
Manyan, ne me laisse pas habiter dans un quartier abandonné, ne me pas une maison vide,
Manyan, fais ; qu 'ill y ait des x gens • dans le . quartier et dans, ma famille.
Donne des, enfants aux femmes.
Fais que les trouvent. une femme et mettent au monde beaucoup
d'enfants.
En général, les yapèrè «donnent» des enfants aux membres de la confrér
ie qui les honorent mais ils contribuent également à la fécondité des parentes
des initiés. Ils peuvent ainsi favoriser. les naissances dans d'autres villages parfois
éloignés des lieux de culte.
Lorsque les hommes et femmes ; sollicitent un yapèrè, ils s'en remettent
au?possédé et accompagnent leur demande d'enfants d'une promesse de sacri
fice (nyufaga). Si la femme est enceinte dans l'année qui suit, la grossesse est
attribuée: au yapèrè invoqué et l'enfant est baptisé sur les autels. Lorsqu'une
femme : attend un enfant sans avoir invoqué de. puissances religieuses, au
sixième: mois de la grossesse, son mari, consulte un devin pour découvrir le
nom du yapèrè responsable de la venue de l'enfant.
Parfois le yapèrè, par la voix de son possédé, avertit directement les
parents de la prochaine naissance. L'envoyé de Nya s'exprime en ces termes.:
« Le bébé qui va naître, faites-lui respecter les interdits de Nya ■ car il naîtra
par Nya. » Dans >.- ce cas, Nya sera considéré comme «l'appeleur» (yirifo) de
l'enfant.
Les yapèrè ne sont pas seulement des autels propitiatoires, ils sont réell
ement pris en compte dans la définition sociale des individus. Il suffit d'entendre
le prénom de quelqu'un pour savoir, quel est le yapèrè qui a présidé à sa nais
sance. Ainsi, par exemple, Nankon Niéré désigne une enfant de Nankon, pre
mière née (Niéré) et Nya Ngolo, un troisième fils (Ngolo), enfant de Nya. Le
nom de l'entité religieuse peut-être remplacé par bugu (le toit de paille du*
sanctuaire) ou kapara (l'anneau de Nankon). Ce qui donne par exemple :
Bugu Zyé (premier fils du sanctuaire).
Le possesseur du yapèrè consulte les vieux initiés pour choisir le prénom,
de l'enfant. Il ne révèle le nom qu'au moment où la plus vieille femme de la
famille assistée: de la «donneuse d'eau» présente le nouveau-né aux autels.
Il trace à la bouillie de mil crue le signe des premiers ancêtres3 sur le corps du
3. Jespers (1976 et 1979) a découvert l'existence de signes graphiques qui retracent la création divine,
la formation du ciel, de la terre et des premiers ancêtres. Les signes fondamentaux désignent Tyèlègè,
la mère terre et Nyo legh, le père ciel. Ces signes sont tracé à la bouillie de mil sur le corps des
nouveaux -né s. ;
;
LES FAISEURS D'ENFANTS ' 53
bébé qu'il met en contact avec le yapèrè" — trois fois s

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