Les figurations humaines de Laugerie-Basse - article ; n°1 ; vol.2, pg 217-228

Jean-Pierre Duhard

Description

Paléo - Année 1990 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 217-228
Le gisement magdalénien de Laugerie-Basse, parmi un très abondant matériel mobilier orné, a livré une dizaine de figurations humaines. Leur intérêt découle de la présence d'humains des deux sexes, jamais associés entre eux, alors qu'ils le sont parfois avec des animaux. C'est une des rares stations a avoir livré des scènes de chasse et la seule où a été trouvée une probable scène de pêche. Les thèmes illustrés tendent à confirmer l'existence d'une dichotomie sociale sexuelle au Magdalénien.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: PALEORIENT
• Publié le: 01 janvier 1990
• Nombre de lectures: 51
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Dr Jean-Pierre Duhard
Les figurations humaines de Laugerie-Basse
In: Paléo. N. 2,1990. pp. 217-228.
Résumé
Le gisement magdalénien de Laugerie-Basse, parmi un très abondant matériel mobilier orné, a livré une dizaine de figurations
humaines. Leur intérêt découle de la présence d'humains des deux sexes, jamais associés entre eux, alors qu'ils le sont parfois
avec des animaux. C'est une des rares stations a avoir livré des scènes de chasse et la seule où a été trouvée une probable
scène de pêche. Les thèmes illustrés tendent à confirmer l'existence d'une dichotomie sociale sexuelle au Magdalénien.
Citer ce document / Cite this document :
Duhard Jean-Pierre. Les figurations humaines de Laugerie-Basse. In: Paléo. N. 2,1990. pp. 217-228.
doi : 10.3406/pal.1990.1001
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pal_1145-3370_1990_num_2_1_1001-N° 2 - Décembre 1990 PALÉO
LES FIGURATIONS HUMAINES DE LAUGERIE-BASSE
Jean-Pierre Duhard*
Résumé : Le gisement magdalénien de Laugerie-Basse, parmi un très abondant matériel mobilier orné, a livré une dizaine de figurations humaines. Leur
intérêt découle de la présence d'humains des deux sexes, jamais associés entre eux, alors qu'ils le sont parfois avec des animaux. C'est une des rares stations
a avoir livré des scènes de chasse et la seule où a été trouvée une probable scène de pêche. Les thèmes illustrés tendent à confirmer l'existence d'une
dichotomie sociale sexuelle au Magdalénien.
Abstract :
L'abri de Laugerie-Basse (Les Eyzies-de-Tayac, Dor- introduisait avec la description de «deux mamelles pecto
dogne), situé en bord de Vézère, fut occupé du Magdalén rales», les caractères sexuels secondaires dans la définition
ien III à VI. Il a livré près de 600 pièces mobilières de l'humain, ce qui nous paraît d'une grande importance
gravées ou sculptées formant un ensemble décoré extrê- dans la démarche diagnostique.
ment varié. Parmi ces objets, nous en avons recensé Une confusion étant parfois faite entre caractères
10 avec figurations humaines (ou supposées) : 2 sexuels primaires et secondaires, un court rappel anatomo-
femmes, 3 hommes et 4 indéterminés sexuels et 1 humain physiologique nous semble utile :
douteux.
a) Les caractères sexuels primaires sont les gona
LE DIAGNOSTIC D'HUMANITE : des ou glandes sexuelles, visibles chez l'homme alors
qu'elles ne le sont pas chez la femme. Cependant, avec le
Reconnaître l'humanité d'une figure n'est pas tou Dr Pales (1976), nous admettrons que le gros ventre
jours entreprise aisée, d'où les vocables commodes, mais gravide, preuve indirecte de l'existence d'ovaires, est un
vagues, de : «composites», «anthropomorphes», «human caractère sexuel primaire.
oïdes», «hybrides», etc.. que l'on peut relever dans la
littérature (Saccasyn, 1947 ; Pales, 1976), qui permettent b) Les caractères sexuels secondaires incluent : 1)
un classement de l'inclassable en se débarrassant du pro les organes génitaux externes masculins (pénis) ou fémi
blème de la définition. Nous avons déjà évoqué ce pro nins (vulve) ; 2) une paire de seins en position pectorale ;
blème diagnostique (1989, 1990) et le résumerons en 3) la répartition adipeuse, à prédominance inférieure chez
disant que, hors l'évidence, peu de critères sont spécifique la femme et supérieure chez l'homme ; 4) la plus grande
ment humains, et qu'aucune des définitions proposées importance de la masse musculaire masculine ; 5) le plus
(Lacour -celles, 1971 ; Ucko et Rosenfeld, 1976 ; Archam- grand développement de la ceinture scapulaire chez
beau, 1984) n'est tout à fait satisfaisante. Toutes prennent l'homme et pelvienne chez la femme.
en compte un certain nombre de critères s'appliquant à un
humain idéal, en posture verticale bipède, le corps en c) Les caractères sexuels tertiaires relèvent du
extension et les mains occupées à manipuler un objet. Ils psychisme et sont sous une double dépendance : culturelle
sont inutilisables chez un humain acéphale, ou apode ou en et hormonale. La sécrétion d'hormones mâles, outre qu'elle
posture fléchie ou de décubitus, comme l'art paléolithique développe la musculature, incline l'humain masculin à la
nous en offre en nombre important. Toute définition compétition, aux exercices physiques, à l'affrontement et
morphologique achoppe sur les mêmes écueils, même en cela se manifestera, notamment, dans la répartition sexuelle
ne retenant que des critères de certitude, comme : la des activités : «la chasse revient normalement à l'homme,
présence de mains et de doigts, d'une angulation orthogo la cueillette à la femme», faisait justement remarquer
nale du pied sur la jambe, d'un nez fortement avancé au- André Leroi-Gourhan (1965 : 215). Nous pensons avec lui
dessus de la bouche, d'une saillie des fesses et des mollets. que les raisons sont avant tout physiologiques, hormonal
M. Boule, dans sa définition des primates (1923), es, et non pas culturelles, comme on a pu le soutenir
ÇYestard, 1986).
* Docteur es-Sciences et en Médecine, Gynécologue - 18, rue de l'Estagnas, F-64 200 BIARRITZ
217 Pour reconnaître le sexe des humains, nous disposons de
deux sortes de critères, les uns de certitude, les autres de
présomption. Parmi les premiers nous citerons : chez
l'homme, les testicules et le pénis ; chez la femme, la vulve
et le gros ventre. Parmi les seconds : chez l'homme, les
proportions du corps, la pilosité faciale, le port d'une arme
ou un affrontement conflictuel ; chez la femme : la largeur
des hanches, la saillie fessière,, le port d'une ceinture ou
d'anneaux d'avant-bras ou de chevilles, la longueur de la
chevelure. Ces critères sont de valeur inégale mais peu
vent, par leur association, amener à une certitude diagnost
ique. Cela nous conduit à proposer des indices sexuels de
masculinité et de féminité (Duhard, 1990), d'un usage
commode dans l'étude des figurations humaines :
a) Indice de masculinité (I.M.) :
1 = Pilosité faciale
2 = Thorax large ou épais ou arme
et/ou affrontement à un animal
3 = Port de trophées d'animaux.
4 = Pénis
b) Indice de féminité (I.F.) :
1 = Triangle pubo-génital Fig. 1 : La «fillette» 2 = Pelvis large et/ou saillie fessière
3 = Gros ventre gravide
4 = Vulve et/ou sein «impudique») et que partage avec elle la femme «aux
boutons» de Bruniquel.
Si l'indice est => à 4 le sexe est certain ; il est probable Nous ne résistons pas au plaisir de citer Nadaillac et
entre 2 et 4 ; il est certain =< à 1 . Piette. Le premier nous dit : «..une figurine., représente
une femme nue, maigre, sans bras, allongée et raide,
DESCRIPTION DES HUMAINS DE LAUGERIE- remarquable surtoutpar l'exagération de ses organes sexuels
et par des protubérances assez étranges dans la région des BASSE :
reins. Nous appuyons sur le premier fait, parce qu'il était
LES FIGURATIONS FEMININES : resté jusqu'ici extrêmement rare, tandis que que les objets
venant des Grecs ou des Romains., ne peuvent être exposés
1° LA «VENUS IMPUDIQUE» (ou de Vibraye) : que dans les musées secrets. Rien n'atteste une semblable
Ivoire. Ronde-bosse. 77 x 17mm. Musée de l'Homme : dépravation chez nos pauvres troglody tiques, les plus
LPLB38 189 1372 vieux habitants de l'Europe». Le second, inventeur de la
longinymphie paléolithique, ne fut pas désarmé par la
C'est la première statuette paléolithique découverte en sobriété de cette raie : c'est que «les grandes lèvres
enfermaient et masquaient les petites» écrivait-il en 1894. France et, avec celle de Lespugue, l'une des plus connues
au monde. Cette figurine n'a jamais eu de bras, mais il est En réalité la fente n'est bordée d'aucun repli et , étant
probable qu'elle possédait une tête, disparue «dès l'épo entrouverte, n'en masque pas non plus. Il se peut que
l'importance donnée à la vulve plaide «en faveur de que préhistorique» (Piette, 1907), ou postérieurement «au
moment de la découverte» (Cartailhac) : l'arrondi des l'intention des artistes d'attirer l'attention sur les organes
épaules subsiste, notamm