Les nouvelles tâches de l éducateur politique.. - article ; n°1 ; vol.75, pg 41-51
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2002 - Volume 75 - Numéro 1 - Pages 41-51
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

Jean Lambert
Benoît Lambert
Les nouvelles tâches de l'éducateur politique..
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°75, 2002. pp. 41-51.
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Lambert Jean, Lambert Benoît. Les nouvelles tâches de l'éducateur politique.. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et
politique. N°75, 2002. pp. 41-51.
doi : 10.3406/chris.2002.2389
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2002_num_75_1_2389Les nouvelles tâches
de l'éducateur politique
Jean Lambert et Benoît Lambert *
« Je ne voudrais pas être un maître, c 'est trop ridicule »
Erik Satie
Dans une conférence connue de 1965 Paul Rîcœur avait défini les Tâches
de l'éducateur politique, c'est à dire de « tous ceux qui se sentent respons
ables, par une action de pensée de parole et d'écriture, de la transformation,
de l'évolution, de la révolution de leur pays ». Après avoir déterminé les trois
niveaux de la société auxquels nous pouvons être efficaces : les outillages,
les institutions et les valeurs, il précisait, trois ans avant mai 68, les grandes
lignes toujours actuelles de cette efficacité : la lutte pour la démocratie éco
nomique, l'offre d'un projet pour l'ensemble des hommes et pour la personne
singulière, la ré interprétation du passé traditionnel face à la montée de la
société de consommation.
Dans quelle estime se tient aujourd'hui le métier de professeur, à l'aune de
ces exigences trentenaires ? Nous situant du point de vue d'un professeur et
d'un metteur en scène, nous voulons faire part de quelques incertitudes.
Conscients du -caractère piégé de toute réflexion sur ce métier impossible
« où on peut d'emblée être sûr d'un succès insuffisant1 », between past and
future1, tendu entre transmission de l'héritage, adaptation au présent, et libé
ration de l'avenir, où des propositions contradictoires sont en conséquence
défendables simultanément, nous privilégions la considération de la posture
globale des jeunes enseignants au détriment des débats techniques.
* Jean Lambert est agrégé de philosophie, chercheur au Ceifr, Cnrs-Ehess, Paris, et maître de
conférences à l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres de l'Académie de Versailles.
Benoît Lambert est agrégé de sciences sociales, ancien élève de l'École Normale Supérieure
et metteur en scène, artiste associé à la Scène nationale de Mâcon.
1 . S. Freud, L 'analyse avec fin et l 'analyse sans fin, 1 937
2 H. Arendt, La crise de l 'éducation, Gallimard, 1 972
41 Jean et Benoît Lambert
De la parole à l'acte
Commençons par rappeler quelques faits connus. L'École scolarise dura
blement, depuis la fin des années 70, des élèves de couches sociales qu'elle
n'atteignait pas, ou ne conservait pas longtemps. Ce fait mal désigné sous le
nom de démocratisation impose aux enseignants l'exercice d'un nouveau
métier qui sache voisiner avec l'ancien : ne rien renier de la transmission des
acquis culturels (celle des savoirs dits savants) en affrontant de nouvelle
tâches d'éducation à la citoyenneté démocratique (celles dites des savoir-
être). Derrière ce discours répété s'affrontent en réalité plusieurs tendances.
Celle de l'engagement de l'enseignement républicain au service de la modern
isation sociale et de son adaptation à l'horizon laïc et démocratique, et celle
de sa mise au service de la domination mondialiste, publicitaire et consumé-
riste. Ce qui se traduit par exemple dans les débats sur les fins de l'enseigne
ment par la fausse opposition entre préparer à une profession évolutive ou
former le citoyen souverain. La distinction connue entre lycées élitistes et
collèges difficiles est un avatar de ces contradictions. L'évolution de l'Éducat
ion physique et sportive illustre ces tensions : elle a compris sa nouvelle
tâche d'éducation civique, elle hisse haut et large ses nouvelles exigences
théoriques, mais elle subit en même temps un modelage par le complexe tou-
ristico-industriel du sport.
L'enseignement et les enseignants sont donc traversés de continuels porte-
à-faux entre les impératifs du passé, l'adaptation au présent, et les impératifs
du futur : hantise de la trahison de la transmission d'héritage, comme en
témoigne le malaise des Sciences devant la montée de l'irrationalité, et par
exemple le recours de décideurs politiques ou financiers à d'occultes
magies ; obsession de l'ouverture au futur, comme le montre le malaise des
Arts, dont c'est la mission majeure, difficile à remplir désormais devant le
magma esthético-financier des produits culturels. Dans la crise de l'adapta
tion au présent, les Lettres sont les plus touchées, car la langue est la plus
concernée par la scission majeure des générations de notre temps before and
after computer. En cette fin de néolithique une nouvelle ère s'est ouverte,
appuyée sur un nouveau média de la mémoire ; or dans le passé, chaque
mutation du média a entraîné une mutation de la pédagogie3. Après l'inven
tion de l'écriture, comme après celle de l'imprimerie, et maintenant après
celle de l'ordinateur, la langue souffre d'une ambivalence redoublée, sur elle-
même et dans l'enseignement, entre innovation et transmission.
3 Michel Serres, Hominescence, Le Pommier, 200 1 .
42 Les nouvelles tâches de l'éducateur politique
En réalité l'École doit apprendre aux futurs citoyens à demeurer princes du
Souverain par leur plus haut niveau d'instruction, en s'afïlrmant hommes et
femmes de réflexion érudite, mais aussi à résister aux sociétés de contrôle
qui se mettent en place, conformément à la prophétie de Gilles Deleuze4, en
éduquant à la responsabilité personnelle et au risque de l'inattendu5, ces nou
veaux citoyens qui doivent devenirs hommes et femmes de juste décision et
d'action efficace. De cette double injonction complémentaire - demeurer le
plus instruits pour rester le peuple républicain souverain, et devenir décideurs
pour construire la justice démocratique qui n'est pas encore née, découlent
chez le professeur et l'élève quelques paradoxes observables.
Profession professeur
Le discours de la plainte domine chez les enseignants débutants. Tandis
qu'ils s'efforcent courageusement de s'adapter à un nouveau métier de pro
fesseur, ils doivent opérer un difficile travail de deuil envers les représenta
tions qu'ils ont connues comme élèves et souvent bons élèves, bons étudiants
et excellents candidats aux concours, puisqu'ils ont été reçus... Ils ne peu
vent puiser dans aucune expérience antérieure pour anticiper ce qui les attend
en classe, et dans la vie scolaire en collège et en lycée. Les enseignants-cher
cheurs académiques qu'ils viennent de côtoyer cinq à huit ans ignorent tout
de ces réalités, et à vrai dire, s'ils les connaissent, s'en détournent avec un
agacement hautain pour la plupart. Les jurys de concours sélectionnent des
hommes et des femmes de réflexion excellente, pour l'étude et la recherche,
et non des hommes et des femmes de décision pertinente pour l'action péda
gogique et politique. Le seul groupe qui a vraiment compris cet enjeu, et lui a
subordonné son concours, est celui des conseillers principaux d'éducation.
Les chefs d'établissements de leur côté suivent lentement, mais par la force
des choses puisqu'ils sont chefs.
Cette posture académique est relayée par la plupart des corps d'inspection
qui n'offrent guère de visée globale, mais souvent une didactique pointilleuse
qui complique la tâche des néophytes. Certes il s'agit d'abord de transmettre
aux élèves des outils éprouvés. Mais il faut permettre aux jeunes enseignants
d'exprimer leur audace dans la réinterprétation du passé, dans l'engagement
présent, dans la libération du futur. Comment gérer leurs propositions per
sonnelles face à l'ingérable des classes ? Comment équilibrer l'effort entre

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