Les présidentes des coopératives féminines du Yucatan : transgressions du genre et reproduction sociale - article ; n°164 ; vol.41, pg 865-884
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Les présidentes des coopératives féminines du Yucatan : transgressions du genre et reproduction sociale - article ; n°164 ; vol.41, pg 865-884

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Tiers-Monde - Année 2000 - Volume 41 - Numéro 164 - Pages 865-884
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 16
Langue Français
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Extrait

Marie-José Nadal
Les présidentes des coopératives féminines du Yucatan :
transgressions du genre et reproduction sociale
In: Tiers-Monde. 2000, tome 41 n°164. pp. 865-884.
Citer ce document / Cite this document :
Nadal Marie-José. Les présidentes des coopératives féminines du Yucatan : transgressions du genre et reproduction sociale.
In: Tiers-Monde. 2000, tome 41 n°164. pp. 865-884.
doi : 10.3406/tiers.2000.1441
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2000_num_41_164_1441LES PRÉSIDENTES
DES COOPÉRATIVES FÉMININES
DU YUCATAN:
TRANSGRESSIONS DU GENRE
ET REPRODUCTION SOCIALE
par Marie- José Nadal
Chez les Mayas du Yucatan, la création de coopératives de femmes,
financées et encadrées par l'État, a brouillé les frontières entre les genres.
Les présidentes, dont les qualités nécessaires à Vexer cice du pouvoir sont
en contradiction avec les définitions du genre féminin, perpétuent, au
niveau de l'organisation de la coopérative, le modèle archaïque selon
lequel le chef, élu à vie, dirige avec le consentement de ses sujets, en
conformité avec la conception dominante du pouvoir, le clientélisme. Tant
qu'une présidente joue ce rôle de courtier politique dans les villages et que
la soumission de ses membres garantit le vote pour le donateur, elle sera
soutenue par ses supérieurs malgré ses incartades. Les présidentes occu
pent donc une place particulière parmi les agents locaux de changement.
Elles agissent, en même temps, dans le sens de l'assimilation à la société
globale et du maintien des frontières entre les Mayas et l'extérieur.
Au Mexique, les programmes de développement destinés aux fem
mes rurales ont contribué à accentuer la diversification sociale au sein
des communautés autochtones en constituant un groupe particulier de
villageoises, celui des sociétaires de coopératives de femmes. Elles se
différencient de leurs congénères par leur implication dans un type de
travail nouveau - formel, collectif et associé, c'est-à-dire organisé selon
le même modèle que le travail des hommes. Il est facile d'imaginer que
* Anthropologue, Institut de recherches et d'études féministes de l'Université du Québec à
Montréal.
Revue Tiers Monde, t. XLI, n° 164, octobre-décembre 2000 866 Marie-José Nadal
l'acceptation d'un espace de travail féminin, calqué sur le modèle masc
ulin, n'a pas été obtenue facilement dans les villages. Dans un pre
mier temps, on a accusé les sociétaires de s'approprier le crédit réservé
aux hommes, de vouloir travailler comme des hommes ou de vouloir
remplacer les hommes. D'où l'idée que pour comprendre les change
ments sociaux produits par l'introduction des coopératives féminines,
il faut partir des principes inhérents à la construction de la différencia
tion sexuelle chez les Mayas.
Dans cet article, l'attention particulière portée aux présidentes pro
vient du constat que les membres des unités de production féminines
ne sont pas une catégorie homogène : les représentantes de la direction
se détachent de l'ensemble des sociétaires parce qu'elles se situent dans
un entre-deux culturel du fait de leurs fonctions d'intermédiaires entre
les membres des unités et la société globale. D'autre part, les villageois
considèrent les présidentes comme des femmes de pouvoir, des femmes
qui s'accrochent à leur pouvoir. En effet, contrairement aux coopérati
ves masculines, elles ne se plient pas à la règle de la rotation des per
sonnes aux postes d'autorité et dérogent aux statuts qui imposent des
élections tous les trois ans. Cet accroc à la démocratie représentative,
dénommé le Hderismo1, est dénoncé unanimement par les fonctionnair
es du Yucatan, chargés de l'encadrement des programmes de dévelop
pement.
Une telle uniformité dans l'exercice du pouvoir mérite question.
Les explications qui résultent des entretiens que j'ai obtenus dans
quatre villages du Yucatan, entre 1988 et 1995, mettent en évidence
que si les présidentes restent longtemps à la tête de leur unité de tra
vail, c'est que peu de villageoises mayas se sentent capables d'assumer
cette fonction. Les expressions suivantes : « je ne sais pas » ou « je ne
peux pas » reviennent, dès que la question du remplacement de la pré
sidente est posée. «Nous, nous savons bien qu'on ne change pas
comme ça de présidente (sous-entendu tous les trois ans). Car qui
d'autre va le faire à sa place ? Si on me dit aujourd'hui "tu vas être
présidente", je n'y arriverai pas, je ne sais pas, il vaut mieux que je ne
me mêle pas de ces affaires. » Peu de femmes mayas se sentent prêtes à
explorer un champ de possibilités aussi nouveau ; elles préfèrent invent
er des formes de fonctionnement en réinterprétant les normes prescri
tes par les règlements. De ce fait, les villageoises observées se montrent
capables non seulement d'utiliser à leur manière les espaces sociocultur
els disponibles, mais aussi de mettre en place les frontières qui les
1. Ce néologisme n'est pas sans rappeler le terme de caciquismo employé pour définir le pouvoir
absolu d'un chef local. présidentes des coopératives féminines du Yucatan 867 Les
séparent de « l'autre monde », celui des fonctionnaires1, considérés
comme l'autorité extérieure qui impose un modèle de fonctionnement
impossible à appliquer.
Pour comprendre ce dysfonctionnement, nous partirons de
l'hypothèse que, dans les communautés observées, les qualités néces
saires pour assurer la fonction de présidente constituent une trans
gression des normes du genre d'une telle gravité que peu de femmes
osent s'y engager. Ce faisant, nous mettrons en évidence ce qui diffé
rencie les présidentes des autres sociétaires et aussi des autres villa
geoises. Dans un deuxième temps, nous envisagerons les principes en
vigueur dans la conception maya du pouvoir et nous verrons qu'il
s'agit d'un autre élément à considérer dans l'étude de la permanence
des présidentes aux postes de direction. Enfin, nous étudierons
l'obligation dans laquelle les présidentes se trouvent d'intervenir au
niveau politique. Loin d'être une mesure égalitaire, cette nouvelle
pratique sociale n'est qu'un moyen de plus pour assurer l'assujetti
ssement des femmes rurales. Une dernière précision s'impose : les pré
sidentes des unités de production féminines n'ont qu'une autorité
déléguée, la véritable autorité se trouve ailleurs, ce sont les responsab
les des programmes, en tant que représentants de l'autorité exté
rieure, qui l'exercent. Mais avant d'aller plus loin dans l'analyse des
présidentes et de leurs associées, le lecteur doit pouvoir se faire une
idée de l'état d'avancement des programmes de développement desti
nés aux femmes rurales.
LE BILAN DES PROGRAMMES
DE DÉVELOPPEMENT POUR FEMMES RURALES
Au Mexique, les programmes de développement pour les femmes
rurales devaient réparer un oubli historique important, puisque les
paysannes ont dû attendre la Nouvelle Loi fédérale de la Réforme
agraire de 1971 pour se voir attribuer la qualité de sujets économiques
à part entière, dignes d'êtres inscrits dans les politiques agraires de
l'État et de recevoir du crédit. En effet, selon la Réforme agraire
de 1917, seul le chef de famille pouvait bénéficier des terres provenant
du démantèlement de la grande propriété foncière. Ainsi fut créé
1. Il peut aussi s'agir de toute autre personne, non fonctionnaire, syndicaliste ou membre d'une
ONG, chargée de l'encadrement des unités de production féminines. 868 Marie-José Nadal
Y ejido1 au sein duquel le paysan mexicain travailla pendant trois
quarts de siècle avec des crédits gouvernementaux. La loi de 1971
accorda aux femmes des ejidos la possibilité de devenir elles-mêmes eji-
datarias ou de travailler dans des unités de production féminines enca
drées et financées par l'État. Cependant, cette mesure n'a pas diminué
la discrimination vis-à-vis des pays

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