Les romans de chevalerie et la conquête du Nouveau Monde - article ; n°2 ; vol.10, pg 216-228
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1955 - Volume 10 - Numéro 2 - Pages 216-228
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Chaunu
Les romans de chevalerie et la conquête du Nouveau Monde
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 10e année, N. 2, 1955. pp. 216-228.
Citer ce document / Cite this document :
Chaunu Pierre. Les romans de chevalerie et la conquête du Nouveau Monde. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
10e année, N. 2, 1955. pp. 216-228.
doi : 10.3406/ahess.1955.2433
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1955_num_10_2_2433ESSAIS
LES ROMANS DE CHEVALERIE
ET LA CONQUÊTE DU NOUVEAU MONDE
On ne saurait trop féliciter le Fondo de Cultura Economica de Mexico —
cette puissante et bienveillante maison d'édition — de l'excellence de ses
choix en matière de publication1. Embrassant, dans ses préoccupations, le
domaine entier des sciences de l'homme, le Fondo est en passe de constituer
une bibliothèque unique, telle qu'il n'en existe pas d'équivalente dans le
vaste espace culturel des peuples de langues ibériques, voire même, dans une
large mesure, de langues latines.
Le choix du livre récent ď Irving A. Leonard2 est de ceux dont il convient
de se réjouir spécialement. A cause de la qualité de l'œuvre ; de l'élégance,
de la justesse, semble-t-il de la traduction3 ; à cause de l'ampleur aussi de
l'édition espagnole. Nous sommes en présence, une fois de plus, d'une traduc
tion qu'il faudra préférer au texte, dans la mesure où, comme il le faisait
récemment pour le grand livre de Marcel Bataillon, le Fondo a permis à l'au
teur d'introduire et même de réintroduire dans son livre, des pièces justifi
catives, notes, mises à jour, qu'on ne trouvera pas dans l'édition anglaise.
•л
Les thèmes ď Irving A. Leonard dans ses Livres du conquistador sont nom
breux et complexes. Mettant à profit, sa connaissance profonde de la litt
érature espagnole, du xve siècle au Siècle d'Or, il recrée, sans peine, l'atmo
sphère littéraire de la Péninsule ibérique aux temps de la découverte et de
la conquête du Nouveau Monde. Atmosphère, et non pas littérature ; Leonard
1. N'a-t-il pas publié récemment Г Érasme et l'Espagne de Marcel Bataillon (en 1950),
et La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, de Fernand Braudel
(en 1954), ne va-t-il pas publier le Martin Luther, de Lucien Febvre (en 1955)? Au sein d'une
production sans cesse croissante de par le monde, le Fondo va droit, sans hésiter, aux plus
authentiques chefs-d'œuvre. Et l'on dispose aussi, grâce à lui, d'une édition espagnole du grand
livre d'Eli F. Heckscher, et de quelques-uns des plus sûrs classiques de l'économie anglo-
saxonne.
2. Los Libres del conquistador. Traduction de Mario Monteforte Toledo, révisée par Julian
Calvo. Fondo de Cultura Economica. Seccion de Lengua y Estudios Literarios, Mexico, Buenos
Aires, 1953 ; in-8°, 400 pages, 8 planches phot, hors texte.
3. L'édition anglaise intitulée : Books of the Brave. Being an account of books and of men
in the Spanish conquest and settlement of the sixteenth century new world, Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1949. DE CHEVALERIE ET CONQUÊTE DU NOUVEAU MONDE 217 ROMANS
ее préoccupe moins d'une étude du fait littéraire, que de sa signification,
sociologique : il est plus, pour lui, fait quantitatif et objectif, que qualitatif,
et partant, subjectif. Qu'a signifié cette atmosphère pour l'histoire de la
naissante Amérique espagnole, voilà la préoccupation centrale des sept pre
miers chapitres1. Le chapitre VII forme déjà transition vers la seconde partie :
l'étude de la pénétration effective du livre espagnol en Amérique. L'exposé,.
du chapitre VIII au chapitre XIX2 chemine autour de ce thème central :
la pénétration effective des livres dans l'Amérique espagnole, et c'est souvent
pour l'auteur un excellent prétexte pour amener une revision générale des
connaissances acquises sur l'histoire coloniale de Г Hispano-Amérique. Et
pour finir, l'héritage littéraire du xvie siècle dans tous les domaines de la
vie hispano-américaine, dans ses manières d'être, de penser, de sentir, dans
son folklore, est examiné dans un chapitre de conclusion3.
En présence d'un livre de la qualité de celui-ci (il est en passe, n'en doutons
pas, et plus encore grâce à son édition espagnole qu'à son édition anglaise, de
devenir un classique de l'historiographie hispano-américaine), on a hâte
de se débarrasser des inévitables réserves, qu'il faut faire pour pouvoir
dialoguer, ensuite, plus librement avec lui.
La faible rigueur du plan est la première, sinon la seule réserve qui risque
de s'imposer jusqu'à l'évidence au lecteur — français du moins. Non certes,
qu'on ne comprenne, toujours et sans difficulté, où l'on est conduit par
l'auteur — mais la pensée chemine, une idée s'associant à l'autre, autour d'un
thème chargé de digressions. Mode de composition anglo-saxon, dira-t-on;
mais les caractères en sont accentués, ici, plus que d'ordinaire : composition
en contre-point, ou si l'on préfère série de notes et d'articles, tous de qualité
plutôt que livre, au sens où nous l'entendons.
Quant au reste, il s'agit moins d'erreurs que d'interprétations contestables
Dans une large mesure, le livre vaut plus, par la masse de faits qu'il condense
sous un faible volume — faits toujours choisis pour leur valeur hautement
expressive, intelligemment présentés et reliés à un vaste contexte de connais
sances — que par une démonstration d'ensemble. Mais le mieux est, encore,
de dégager les quelques grandes leçons qui découlent inévitablement de
l'œuvre.
Premier point, sur lequel l'effort ď Irving A. Leonard paraît mériter une
mention particulièrement favorable : le choix même du sujet et la méthode.
En étudiant la pénétration du livre en Amérique dans le premier siècle de son
1. I, Le conquistador espagnol ; II, Les livres de chevalerie ; III, Le conquistador et les
histoires fabuleuses ; IV, Les Amazones, livres et conquistadores au Mexique ; V, Les Amazones :
en Amérique du Sud ; VI, Conquistadores et moralistes ; VII, La littérature populaire et la loi.
2. Les livres suivent le conquistador (VIII) ; les œuvres de fiction favorites (IX) ; La Casa
de Contratacwn et les livres du (X) ; Navires et livres (XI) ; « Visites » et livre (XII) ;
Le commerce des au Mexique en 1576 (XIII) ; Les populaires sur le marché de
Lima, 1583 (XIV) ; Une bibliothèque privée à Manille en 1583 (XV) ; Le Commerce des livres
au Mexique en 1600 (XVI) ; Le picaro suit le Conquistador (XVII) ; Don Quijote envahit les
Indes espagnoles (XVIII) ; Don Quijote dans la terre des Incas (XIX).
3. L'héritage littéraire (XX). A la suite viennent 130 pages de documents chiffrés, de biblio
graphies et d'index. 218 AN14ALES
histoire, Irving Leonard s'est hardiment placé à l'intersection de l'histoire
littéraire pure et de la sociologie historique : faisant ainsi de la véritable
histoire. Son objet n'est pas l'œuvre en elle-même mais sa diffusion et sa
possible influence, non pas sur d'autres œuvres de mérite, mais sur la masse
anonyme des lecteurs et des auditeurs : l'œuvre littéraire est ainsi appréciée
en fonction de la mesure où elle a contribué à former une atmosphère mentale
dans laquelle se sont mus des hommes : en l'occurrence les hommes de l'étrange
conquête du Nouveau Monde, ceux que l'auteur, sacrifiant à la tradition,
nomme les conquistadores. De ce point de vue, une œuvre médiocre, largement
diffusée, peut donc être plus génératrice d'histoire qu'une œuvre géniale
coupée de son temps. Mrs. Beecher Stowe dans la première catégorie,
Edgar Poë, dans la seconde, pourraient fort bien servir de répondants dans
la littérature américaine du xixe siècle, tout comme Eugène Sue, en France1,
parmi les médiocres de poids : les grands livres d'une époque ne sont pas
nécessairement ceux de la postérité. En vertu de quoi, Irving A. Leonard
nous conduit lentement et minutieusement à travers les générations des
romans de chevalerie, qui depuis Г A mad is de Gaula et la Ser gas de Esplan-
dián fleurirent dans la première moitié surtout du xvie siècle2. Il a mille
fois raison, p

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