Les sociétés créoles des départements français d Amérique et le fait esclavagiste : une laborieuse reconnaissance - article ; n°1 ; vol.70, pg 145-171
28 pages
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Les sociétés créoles des départements français d'Amérique et le fait esclavagiste : une laborieuse reconnaissance - article ; n°1 ; vol.70, pg 145-171

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Description

Journal des africanistes - Année 2000 - Volume 70 - Numéro 1 - Pages 145-171
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Serge Mam Lam Fouck
Les sociétés créoles des départements français d'Amérique et le
fait esclavagiste : une laborieuse reconnaissance
In: Journal des africanistes. 2000, tome 70 fascicule 1-2. pp. 145-171.
Citer ce document / Cite this document :
Mam Lam Fouck Serge. Les sociétés créoles des départements français d'Amérique et le fait esclavagiste : une laborieuse
reconnaissance. In: Journal des africanistes. 2000, tome 70 fascicule 1-2. pp. 145-171.
doi : 10.3406/jafr.2000.1224
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_2000_num_70_1_1224Serge MAM LAM FOUCK
Les sociétés créoles des départements
français d'Amérique et le fait esclavagiste
une laborieuse reconnaissance
En dépit d'un contexte historique où les rapports sociaux et les rela
tions interethniques affichent plus que des nuances, les sociétés créoles de la
Guyane et des Antilles françaises (Martinique et Guadeloupe) ont établi
sensiblement le même type de rapport au fait esclavagiste. Issues du système
esclavagiste colonial français, les communautés créoles de ces pays ont,
depuis l'abolition de l'esclavage de 1848, fait le choix de l'assimilation
politique à la France et adopté la stratégie de l'oubli de l'oppression escla
vagiste au profit d'affirmations identitaires (Giraud 1994 : 2) * qui survalo
risaient la culture française. Le choix des classes dirigeantes guyanaises et
antillaises alors dominées par l'élite créole s'est imposé à l'ensemble des
sociétés guyanaise, martiniquaise et guadeloupéenne au point que le projet
d'intégration à la République française rencontre une adhésion quasi una
nime en 1946. Mais de nouveaux courants idéologiques et politiques qui
remettent en question l'assimilation s'affirment, de la décennie qui suit la fin
de la Seconde Guerre mondiale à nos jours. Ils ne sont pas sans effets sur le
regard que posent sur eux-mêmes Antillais et Guyanais. Cependant, au
bout d'un demi-siècle de lutte pour la refondation d'une identité antillaise et
guyanaise, de puissantes résistances s'opposent à la reconnaissance du fait
esclavagiste comme l'un des fondements de l'histoire de la Guyane et des
Antilles. C'est à grands traits que je présenterai une question dont la
complexité est accrue par l'espace géographique éclaté qu'elle embrasse.
1 L'expression employée par Michel Giraud convient bien à mon propos. Giraud (1994 : 1)
précise « Nous sommes en effet convaincu, après d'autres, que l'identité est avant tout repré
sentation. Dans la mesure où il nous semble qu'il ne peut y avoir d'identité à proprement parler
sans conscience d'appartenance et que, conséquemment, la représentation d'une identité par
ceux qui s'en réclament contribue à produire la réalité objective qu'elle désigne... ».
Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 145-171 146 Serge Mam Lam Fouck
LE TRAITEMENT DE LA QUESTION DE L'ESCLAVAGE DANS LA
MÉMOIRE COLLECTIVE DES CRÉOLES ANTILLO-GUYANAIS
AU TEMPS DE L'ASSIMILATION TRIOMPHANTE (1848-1946)
La clarté de mon propos exige l'explicitation de la terminologie en
usage en Guyane et aux Antilles françaises pour la désignation des groupes
humains présents dans cet espace.
En Guyane et aux Antilles le terme de créole a d'abord désigné les
Européens nés dans le pays. Mais, dès les débuts de la colonisation, le mot
désigne également les descendants d'esclaves africains. Il s'étendra en
Guyane, après l'abolition de l'esclavage, aux Africains libérés et aux descen
dants des immigrants de toutes origines qui adopteront la culture créole.
Celle-ci se caractérise comme toute culture par un certain nombre de
pratiques dont celle de la langue créole. Les Guyanais n'eurent guère de
difficultés à identifier le « Créole ». Les « Créoles blancs » ayant pratique
ment disparu, le mot désigne en fait les « noirs » et les « métis » de culture
créole. Majoritaires au sein de la population jusqu'à la fin des années 1970,
ces noirs et métis dominent la vie politique et les expressions culturelles
médiatisées (passant par le canal des médias). Mais l'immigration qu'a
connu la Guyane depuis la fin de ces années-là, et le dynamisme démogra
phique des Amérindiens et des descendants des « noirs marrons » venus du
Surinam (les Businenge) ont complexifié la situation politique et ethnique,
en contraignant les Créoles de la Guyane à se poser comme l'une des
composantes de la diversité culturelle guyanaise. À côté des revendications
culturelles et politiques créoles, s'affirment en effet celles des Amérindiens et
des Businenge qui, du fait d'une histoire différente de celle des Créoles, n'ont
pas le même rapport au fait esclavagiste.
Aux Antilles, la présence jusqu'à nos jours de Créoles blancs a justifié
de la part des descendants des esclaves d'origine africaine un détournement
de sens pour se réserver l'appellation de créole. Ces « Afro-antillais »
(Toumson 1989 :7) inventèrent alors le terme de « békés » pour désigner les
descendants des Créoles blancs non métissés. Néanmoins la culture créole
marque la vie des noirs, des métis comme celle des békés (ces derniers
revendiquent leur appartenance à la communauté créole avec autant de
détermination que les « Créoles de couleur » (Souquet-Basiège 1997 : 33).
Les Créoles blancs, qui constituent une minorité au regard de la démograp
hie, occupent cependant en Martinique et en Guadeloupe des positions
économiques qui les classent parmi les grandes fortunes. En revanche, au
cours de la période postesclavagiste (1848-1946), les békés se sont retirés
Journal des Africanistes 70 (1-2) 2000 : 145-171 Les sociétés créoles 147
progressivement de la scène politique, laissant ainsi le contrôle de la vie
politique aux noirs et aux métis.
Aux Antilles la société créole regroupe donc békés, métis et noirs, en
Guyane, métis et noirs. Ce sont les composantes « non blanches » de la
société créole des Antilles et la communauté créole de la Guyane qui sont à
la fois victimes et agents de la manipulation de la mémoire collective
lorsqu'elle traite de la question de l'esclavage. Noirs et métis antillais et
guyanais qui se reconnaissent dans la même vision du monde créole ont
dans leur histoire matière à se repérer dans l'évolution des sociétés esclava
gistes des Amériques.
Même si dans une longue durée postesclavagiste le refoulement de
l'histoire de l'esclavage est indéniable aux Antilles et en Guyane, il est
cependant plus rapide et plus net en Guyane où la disparition progressive de
la classe des blancs et des habitations esclavagistes a réduit les tensions
sociales, alors qu'elles sont restées vives aux Antilles où s'étaient maintenues
les exploitations agricoles du temps de l'esclavage.
Le cas de la Guyane
Une fois le succès du candidat « mulâtre » (métis) assuré, lors des
premières élections législatives (1849) consécutives à l'abolition de l'escl
avage et qui donnèrent lieu à l'instrumentalisation du vécu esclavagiste, la
question de l'esclavage cesse d'être un objet du discours politique. Son
intervention dans la campagne électorale avait été conjoncturelle et n'impli
quait absolument pas son exploitation dans le cadre de la mise en place de la
nouvelle société guyanaise qui s'esquissait (du fait de l'instauration du
suffrage universel en 1848, la majorité des votants se compose désormais de
métis et de noirs). Bien au contraire, les premières générations d'hommes
politiques guyanais suivent la ligne politique commandée par l'idéologie de
la réparation (Mam Lam Fouck 1998 : 24-25) que le gouvernement provi
soire de la République de 1848 s'est plu à répandre dans les colonies
françaises où l'esclavage a été aboli. Ils y entraîneront l'ensemble de la
nouvelle société qui entend rompre avec l'ancien régime social, notamment
en s'engageant dans le processus de l'assimilation culturelle et polit

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