Machinisme et peinture - article ; n°1 ; vol.22, pg 1-22
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 1-22
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marc Bot
Machinisme et peinture
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 1, 1967. pp. 1-22.
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Bot Marc. Machinisme et peinture. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 1, 1967. pp. 1-22.
doi : 10.3406/ahess.1967.421500
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_1_421500ÉTUDES
MACHINISME ET PEINTURE
Sir Herbert Read a publié naguère une Histoire de la peinture
moderne S dont il remarque lui-même qu'il l'écrivit après « avoir con
sacré une longue et attentive réflexion aux faits qui constituent l'his
toire du mouvement moderne dans la peinture et dans la sculpture... ».
Mais c'est pour demander qu'on ne prenne pas le titre de son ouvrage
au pied de la lettre. Faisant siennes les thèses de Collingwood, il sou
ligne que, d'une manière générale et en regard d'autres secteurs appa
remment analogues de la création intellectuelle, l'histoire de l'art a
quelque chose de pénible et de troublant. On n'observe pas de progrès
en ce domaine, au sens où les œuvres d'art, dans leur succession tempor
elle, feraient gravir les degrés d'une certaine vérité et, comme les
recherches d'ordre scientifique ou philosophique par exemple, attein
draient en tous les cas à quelques résultats positifs pourvu qu'elles
soient le produit d'un « travail moyen ». Les discontinuités que révèle
la suite de ces œuvres ne sont pas les solutions épisodiques d'une conti
nuité historique qui finit toujours, dans les autres domaines de l'acti
vité de l'esprit, par se renouer au delà de certains blocages temporaires.
Elles ne sont pas des temps faibles ni même ce qu'on pourrait nommer
des contretemps : elles sont des temps de mort dans l'histoire. Quelque
chose parfois jaillit, — un être de la vie esthétique, — puis s'épa
nouit et décline. Après sa disparition, il faut attendre une autre
naissance.
La tâche de l'historien d'art consisterait donc en une sorte de bio
logie teintée d'évolutionnisme. Car certaines opérations de « synthèse »
ou de classement sont possibles malgré tout. Entre les faits singuliers
on distingue des parentés stylistiques, qui sont des similitudes de nature.
Lorsque sir Herbert Read utilise à son tour, pour rythmer l'histoire
de l'art, les concepts d'école, de période, de style, de tendance, c'est
pour identifier certaines familles de formes, qui sont comme des êtres
de raison, aussi bien dans la continuité du temps que dans l'actualité
d'une conjoncture. Le véritable problème historique soulevé par l'étude
des productions artistiques est donc un problème de générations, c'est-
1. Édition française : Paris, 1960.
Annales (22* année, janvier-février 1967, ne 1) ANNALES
à-dire de périodisation empiriste. Par voie de conséquence c'est un
problème aussi de généalogies, c'est-à-dire d'origines et d'influences,
de survivances et d'anticipations. Mais dans tous les cas, qu'il s'agisse
d'êtres singuliers ou de quelque façon collectifs, les rapports tempor
els des formes entre elles seraient régis par ce que Collingwood nomme
« la loi de la réaction », qui détermine aussi bien le déclin des existences
individuelles que la dégénérescence ou la corruption des styles.
La prédominance absolue de cette loi n'est pas réellement mise en
cause par les rapports qu'une forme d'art entretient avec les circons
tances historiques de son apparition. Dans deux ouvrages antérieurs x,
sir Herbert Read avait étudié sous quelles conditions matérielles et
sociales l'art poursuit son destin au sein de la civilisation industrielle.
Les réalités de la production économique et la qualité des rapports
sociaux, dans une société dite technicienne, creusent un écart très pro
fond entre la sensibilité humaine, considérée par lui comme une don
née stable, et les nécessités actuelles de l'action ; mais il n'apparaît
pas que cette situation de l'homme moderne modifie la nature immuable
de la fonction artistique, créatrice d'un univers de valeurs spécifiques.
De cet état de choses, sir Herbert Read tire rigoureusement les consé
quences. Il constate que tant d'années d'études consacrées à l'art
moderne ne lui ont pas permis de « découvrir la moindre loi » propre
ment historique qui rende compte de son développement. S'il a entre
pris malgré tout d'en donner une vue d'ensemble, ce n'est qu'un « récit »,
un « », un « tableau synoptique des connaissances actuelles » ;
on ne peut en fonder la cohérence que sur des «préférences personnelles»
et en dernier ressort sur une « philosophie de l'art ».
Cette impossible Histoire de la peinture moderne, la voici écrite
pourtant, témoignant au moins, sous cette forme d'ébauche, des diff
icultés réelles d'un traitement qui soit scientifique de part en part. Ces
difficultés tiennent effectivement à ceci que le destin historique de l'art
apparaît soumis à plusieurs catégories de déterminations dont l'art
iculation dans les faits reste problématique. Son développement semble
ne renvoyer souvent qu'à une logique qui lui est propre ; il est cepen
dant soumis aux contraintes des projets créateurs individuels aussi
bien qu'aux conditions d'existence imposées à l'art par la société où il
se développe. Dans plusieurs de ses aspects, l'art moderne a plus par
ticulièrement mis en cause la possibilité d'une histoire des formes
conçue sans référence aux données générales de la vie sociale : de l'i
mpressionnisme à ses formes actuelles, la nouvelle peinture a provoqué
des débats qui ne demeurèrent jamais sur le terrain des pures valeurs
esthétiques. En fait, c'est dès le milieu du xixe siècle que fut posée
explicitement la question de la situation et de la fonction de l'art dans
1. Art and industry, Londres, 1934 ; Art and society, Londres, 1937. MACHINISME ET PEINTURE
les sociétés industrielles et techniciennes г. Aussi n'est-il personne
aujourd'hui qui ne s'interroge sur cette « rencontre de l'art et de la
machine » 2 dans le monde moderne et qui ne la tienne pour un fait
capital, même lorsqu'on pense avec sir Herbert Read que l'art constitue
un ordre de réalités essentiellement autonome. Mais il ne peut suffire
à l'historien de faire le simple constat de l'autonomie de l'art en tant
que système de valeurs culturelles, quitte à la relativiser au moins pour
certains aspects de la production artistique. D'autre part, aucune
« philosophie » ne peut fonder cette relative autonomie parce qu'elle
n'appartient pas à l'ordre des certitudes historiques sur lesquelles elle
vient comme se greffer. Ce qui fait défaut ici, évidemment, c'est une
théorie scientifique du lien nécessaire de dépendance et d'indépendance
des formations culturelles spécifiques à l'égard des autres aspects de la
vie sociale, telle qu'elle rende compte des particularités de leurs déve
loppements temporels propres.
Mais pour reprendre le mot de Collingwood, si l'histoire de l'art
offre à certains yeux « un spectacle pénible et troublant », le trouble
de ce regard naît peut-être de ce que les rapports qu'il établit entre les
choses appartiennent aux fausses évidences. L'historien découvre
d'abord et nécessairement les faits artistiques sous une forme tout éla
borée à travers la conscience qu'en ont prise ceux qui les ont agis. Pour
ses acteurs, cette histoire est le développement continu de leur temps
de vie : elle est rythmée par le cours et la succession des existences indi
viduelles ; par la suite chronologique des œuvres, des expositions, des
salons ; par les débats idéologiques actuels. Or, on observe que les décou
pages temporels produits par l'élaboration de cette histoire immé
diatement donnée, lorsqu'on entreprend de regrouper et de sérier les
faits, ne coïncident jamais dans tous leurs aspects avec ceux que sug
gère l'étude des/ autres secteurs de l'histoire sociale et culturelle. S'ils
manifestent dans le temps l'autonomie relat

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