Parenté et pouvoir politique chez les Bamoum (Cameroun) - article ; n°1 ; vol.13, pg 37-49
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Description

L'Homme - Année 1973 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 37-49
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claude Tardits
Parenté et pouvoir politique chez les Bamoum (Cameroun)
In: L'Homme, 1973, tome 13 n°1-2. pp. 37-49.
Citer ce document / Cite this document :
Tardits Claude. Parenté et pouvoir politique chez les Bamoum (Cameroun). In: L'Homme, 1973, tome 13 n°1-2. pp. 37-49.
doi : 10.3406/hom.1973.367327
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1973_num_13_1_367327ET POUVOIR POLITIQUE PARENTÉ
CHEZ LES BAMOUM (CAMEROUN)
par
CLAUDE TARDITS
La multiplication des recherches dans tous les domaines de l'anthropologie
a permis depuis longtemps de rejeter les formules héritées du xixe siècle qui
opposaient les communautés fondées sur les liens du sang aux sociétés étatiques.
Dans le domaine des études africaines, un grand pas fut fait lorsque la présence
de relations et de modes d'action politiques fut reconnue dans les sociétés ligna-
gères. L'opposition établie par Fortes et Evans-Pritchard entre les sociétés
étatiques où les lignages auraient été dépouvus de fonctions politiques au profit
d'un appareil administratif et les sociétés segmentaires où le système lignager
assurait des fonctions politiques1, n'a pas résisté aux critiques alimentées par
l'extension et l'approfondissement des études. Peter Lloyd montra dès 1954,
dans l'article qu'il consacra à l'organisation politique des royaumes yoruba,
les insuffisances d'une typologie qui n'avait pas vu la place tenue par les lignages
dans plusieurs royaumes africains2. A notre sens, certaines indications à' African
Political Systems contredisaient déjà les termes de l'introduction : le rôle des
clans dans le système politique des Ankole était indiqué par Oberg3, et Richards
soulignait que les structures de parenté fournissaient le cadre du système politique
bemba4. L'importance des groupes d'unifiliation dans les sociétés africaines
permettait de s'attendre à des objections, qui se sont multipliées depuis.
G. Balandier, examinant récemment les relations entre parenté et pouvoir et
rappelant les rapports qu'ils entretenaient dans les sociétés étatiques, conseillait
la prudence et la soumission aux faits5. Les thèses qui voient dans l'État et la
parenté deux modes antinomiques de développement n'en prévalent pas moins ;
Lombard, dans l'étude qu'il a consacrée à l'évolution des autorités traditionnelles
en Afrique, liait au développement des organisations étatiques la disparition
1. Fortes & Evans-Pritchard 1950 : 6.
2. Lloyd 1954 : 366.
3. In Fortes & 1950 : 138.
4. Ibid. : 83.
5. Balandier 196g : 61. 38 CLAUDE TARDITS
des fonctions politiques des clans et des lignages1. L'histoire ne leur donne en
général pas tort. Lorsqu'une organisation politique se développe, le pouvoir
central tend à éliminer les groupes de parenté ou à réduire le champ de leurs
fonctions. Il est souvent rappelé que les loyautés exigées par le pouvoir central
deviendraient incompatibles avec les solidarités parentales. L'expression éthique
de tels conflits recouvre des contradictions bien plus fondamentales : ainsi les
divergences d'intérêts qu'on peut imaginer entre de puissants groupes lignagers
à gros effectif, titulaires de droits fonciers et matrimoniaux, gardiens de traditions
religieuses, et un pouvoir monarchique qui tend à exercer son contrôle sur les
personnes, les biens et les techniques. Ces thèses nous paraissent toutefois s'être
développées avant que ne soit achevée une exploration même sommaire des
États traditionnels africains.
L'étude de la société bamoum du Cameroun nous a permis de mettre au jour
des modes d'organisation où l'État se développe précisément au moyen des groupes
patrilinéaires, s'appuie sur leur hiérarchie et résout à travers eux les problèmes
que lui pose son histoire : absorption des populations conquises, réduction de
la violence. La présence de patrilignages au sein des royaumes africains a été
certes observée à l'ouest comme à l'est : la société mossi est composée de patri
lignages et elle paraît même prendre la figure, sans doute quelque peu fictive,
d'un lignage de grande extension embrassant toute la descendance agnatique
de Wedraogo, l'ancêtre commun des différentes dynasties2 ; la société aboméenne
était, elle aussi, constituée de patrilignages dont on retrouvait les enracinements
au niveau des villages3 ; au Buganda, l'importance des clans et des lignages fut
telle qu'une partie de son histoire est celle d'une monarchie attachée à réduire
la puissance de ses chefs au profit des gouverneurs royaux4.
Dans le cas bamoum, le pouvoir central n'a tenté ni de réduire, ni d'éliminer
les lignages, ni d'élaborer une stratégie administrative et politique pour contrôler
les éléments traditionnels ; nous sommes au contraire devant une situation où
il y a, du roi au chef de famille, un continuum institutionnel qui s'est perpétué
dans le temps.
Nous aborderons la description de l'État bamoum en traitant d'abord de la
composition de la société au début du xxe siècle, ce qui permettra de montrer
la place qu'y tenaient les patrilignages ; nous passerons ensuite à l'examen de
l'appareil politique et administratif. Un dernier point nous retiendra enfin :
le comportement des institutions devant l'histoire.
Le royaume bamoum a été fondé vraisemblablement au xvne siècle par une
poignée d' emigrants venus d'un royaume tikar de la vallée supérieure du Mbam.
1. Lombard 1967 : 48.
2. Izard 1972.
3. Argyle 1966 : 135-136.
4. Richards 1959 : 45-46. PARENTE ET POUVOIR 39
Parvenu sur le plateau qui surplombe la vallée du Mbam, ce groupe tikar dont
quelques membres étaient apparentés à la dynastie régnant à Mbankim, lieu de
départ de la migration, conquit ou rallia les populations trouvées en place. Un
petit État fut fondé qui eut pour capitale l'actuelle ville de Foumban, à l'époque
simple résidence du premier souverain, Nsara. Le royaume s'étendait tout autour
du chef-lieu dans un rayon variant de 20 à 30 km et occupait une surface approxi
mative de 400 km2. Cet État, pour minuscule qu'il fût, avait les traits des plus
grands : un territoire délimité, un pouvoir politique central et un appareil admin
istratif. Il n'était, selon toute probabilité, pas différent de ses voisins et les
études comparatives auxquelles permettent de procéder les recherches récentes
conduisent à penser que la plupart des royaumes montagnards partageaient un
fonds de tradition politique qui leur a permis de prendre figure d'États1.
Pendant environ deux cents ans, neuf souverains se succèdent à la tête du
pays dont la situation territoriale ne change pas. Dans la première moitié du
xixe siècle, les Bamoum, sous le règne de Mbombuo, repoussent les Peuls venus
de l'Adamawa et portent leurs frontières au Noun et au Mbam, absorbant un
effectif de populations peut-être plus élevé que le leur. Le royaume s'étendit alors
sur près de 8 000 km2, atteignant la taille qu'il conservera dans toute la suite de
l'histoire. Autour du palais royal se développa, à la suite des conquêtes, une véri
table agglomération urbaine et, lorsque les premiers Allemands parvinrent à Foum
ban en 1902, ils découvrirent une cité fortifiée habitée par 15 000 à 20 000 habi
tants. Les missionnaires allemands installés dans la capitale rendirent rapidement
célèbre le roi régnant, Njoya, qui, entre autres performances, avait inventé une
écriture. Après les grandes années du règne qui correspondent en gros à la période
coloniale allemande vinrent les heures sombres où l'État traditionnel fut brisé,
en 1924 et 1925, par l'administration française.
Pour décrire les éléments constitutifs de la société bamoum, nous partirons
de leur implantation. Cet ordre, qui fut en partie celui de l'enquête, s'est révélé
fécond puisqu'il a permis une reconstitution historique plus sûre que celle offerte
par la seule tradition orale. Au début du siècle, le pays était divisé en deux aires
bien distinctes : le « noyau » au centre et la zone des domaines qui s'étendait

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