Poésie satirique et débat idéologique à l aube du XIXe siècle - article ; n°39 ; vol.13, pg 7-24
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Description

Romantisme - Année 1983 - Volume 13 - Numéro 39 - Pages 7-24
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Delon
Poésie satirique et débat idéologique à l'aube du XIXe siècle
In: Romantisme, 1983, n°39. pp. 7-24.
Citer ce document / Cite this document :
Delon Michel. Poésie satirique et débat idéologique à l'aube du XIXe siècle. In: Romantisme, 1983, n°39. pp. 7-24.
doi : 10.3406/roman.1983.4661
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1983_num_13_39_4661Michel DELON
Poésie satirique et débat idéologique a l'aube du XIXéme siècle
Les dernières années du XVIIIème siècle, et les premières du
XIXème sont marquées par d'intenses débats politiques et idéologiques.
Politiquement, il s'agit de définir les bases institutionnelles d'un régime
stable, c'est-à-dire, pour la bourgeoisie française, de trier dans l'apport
révolutionnaire, ce qui doit être fixé comme acquis définitif, et ce
qui est à rejeter parmi les improvisations désordonnées et néfastes
de temps troublés. Le coup d'état du 18 brumaire ne fait pas encore
taire les polémiques qui polarisent l'ensemble de la vie culturelle.
L'enjeu idéologique en est le contrôle des appareils nouvellement mis
en place : l'Institut ou les Ecoles normales. Contrôle signifie organi
sation selon un projet et occupation des places. De ce vaste échange
d'arguments ou d'injures, l'histoire littéraire a retenu les oeuvres les
plus marquantes, comme De la Littérature et, deux ans plus tard,
Le Génie du Christianisme. Entre les synthèses ambitieuses et le har
cèlement quotidien de la presse, une place doit être faite aux satires.
L'an VII voit en effet pulluler des satires qui prennent prétexte du
changement de siècle, selon l'ancien calendrier, pour faire le point
sur les événements écoulés, et stigmatiser les tares de l'âge présent (1).
Une telle polémique qui mobilise de nombreux versificateurs
est symptomatique de la violence des débats, mais elle engage également
dans ses mutations le statut de la poésie. Les dizaines de satires qui
sont publiées autour de l'année 1800, permettent d'apprécier les
décalages existant entre le combat politique proprement dit et le
débat culturel, et de suivre l'émergence d'une idée neuve de la poésie.
/ - Les satires de l'an VIII et "l'opération Gilbert".
Bien que la France vécût officiellement selon le calendrier ré
publicain, le passage d'un siècle à l'autre, selon l'ancien
religieux, était une trop bonne occasion pour ne pas frapper les esprits
et mobiliser les polémistes. A un âge des Lumières qui, le premier,
(1) Toutes les satires citées sans notes de références sont publiées à Paris, en
l'an VIII- 1800. Pour alléger l'annotation, nous ne signalons ni les pages des satires
courtes, ni les variantes des textes qui, comme ceux de Gilbert, ont connu plusieurs
versions. Michel Delon 8
a pris conscience de lui-même et s'est revendiqué comme tel, ses adver
saires retournent l'appellation et stigmatisent un siècle qui, dans la
logique de sa perversion, débouche sur la Révolution. Le mouvement
contrerévolutionnaire exploite un poète, mort neuf ans avant 1789,
qui s'était rendu célèbre par ses satires antiphilosophiques, Gilbert,
l'auteur du Dix-huitième siècle dédié à Fréron en 1775. La multiplica
tion des imitations et des références à son nom, autorisent à parler
d'une véritable "opération Gilbert" en l'an VIII.
Les oeuvres de Gilbert avaient été rééditées en 1788, mais elles
ne paraissaient pas devoir conserver, à travers la Révolution, leur force
corrosive. Elles semblaient destinées à s'éloigner de leur origine polé
mique et à gagner une honorabilité littéraire. Gilbert constitue avec
Boileau, le modèle affiché par le poète révolutionnaire Victor Campagne
quand, après avoir chanté la liberté, la reprise de Toulon ou la chute
des tyrans, il entreprend de dénoncer la corruption de la France thermi
dorienne et directoriale. A l'inspiration proprement révolutionnaire,
succède chez lui une veine moraliste qui prend ses distances par rapport
à l'actualité politique. Il publie trois satires, en l'an V et en l'an VI,
Paris moderne, L'Intrigue et Les Mœurs dont les épigraphes sont
empruntées respectivement à Gilbert, à Juvénal, et de nouveau à Gilbert.
La première citation de Dix-huitième siècle :
"La faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré;
S'il n'eut été qu'un sot, il aurait prospéré."
introduit la peinture d'une capitale livrée à l'agiotage. La seconde :
"Mais la corruption, à son comble portée,
Dans le cercle des grands ne s'est point arrêtée;
Elle infecte l'empire, et les mêmes travers
Régnent également dans tous les rangs divers".
préside à la vision apocalyptique d'un luxe qui amènera la ruine et
la disparition de Paris. Gilbert vaut ici comme référence pour une
poésie agressive et aigrie, mais non adversaire de la philosophie et de
la Révolution (2).
Boileau et Gilbert servent également de modèles à Joseph Despaze
qui rime en l'an VIII Les quatre satires ou la fin du XVIHème siècle.
Boileau désormais représente un XVIIème siècle synonyme d'ordre
établi. L'attaque vise la fin de l'âge des Lumières coupable d'avoir
abandonné les valeurs classiques et précipité la France dans la déca
dence artistique (satire 1), l'athéisme (satire 2), l'immoralisme (satire 3)
et la Révolution 4). Les grands philosophes ne sont pas encore
convoqués au banc des accusés. Seules sont dénoncées les dernières
décennies du siècle, au nom d'un conservatisme esthétique et politique.
Une des rimes qui reparaissent au début et à la fin de ce poème est
significative : novateur / imposteur. La condamnation morale qui
visait chez Campagne la réaction thermidorienne et directoriale touche
(2) On note toutefois que la défense pour des raisons esthétiques de Gilbert et
de Clément, le conduit à critiquer le poète Voltaire qui aurait "dépoétisé son siècle"
(L 'Intrigue, an V, p. 27). Poésie satirique et débat idéologique 9
désormais la dynamique révolutionnaire et La Harpe, dont la récente
conversion n'efface pas aux yeux de Despaze l'engagement révolu
tionnaire, est présenté comme* un mauvais auteur "dont la bile s'allume
au seul nom de Gilbert"(3).
Avec les monarchistes Fonvielle et Colnet du Ravel, la référence
à Gilbert prend toute sa valeur anti-révolutionnaire. Fontvielle, acti
viste royaliste dans le midi de la France, puis dans l'émigration, publie
en l'an VIII des Essais de poésie au nombre desquels se trouve une
satire, Les Moeurs d'hier. Il s'y attaque, à son tour, à l'affairisme génér
alisé et appelle de ses voeux un pouvoir fort. Dans son entreprise,
il se réclame de Gilbert :
"Et dussent, sans obstacle, unis pour me détruire,
Les pervers déprimer le beau feu qui m'inspire,
Gilbert, j'aurai ton sort sans être abattu.
Prête-moi ton talent, j'ai déjà ta vertu." (4)
Colnet du Ravel emprunte, pour sa part, un alexandrin à la satire de
1775, "Fouettons d'un vers sanglant les grands hommes du jour",
qu'il place en épigraphe de sa propre satire, La Fin du XVIIIème siècle.
Il n'hésite pas à démarquer son prédécesseur. Gilbert écrivait :
"Eh! quel temps fut jamais en vices plus fertile;
Quel siècle d'ignorance, en beaux faits plus stérile,
Que cet âge nommé siècle de la raison ?"
Colnet répète 25 ans plus tard :
"Eh! quel siècle jamais fut plus fécond en crimes ?
Quand vit-on triompher plus d'affreuses maximes ? "
Le propos moralisateur pourrait sembler général, la visée idéolo
gique est en fait précise. Le poème de Gilbert s'inscrivait dans un
mouvement de dénonciation du monopole académique conquis par
le parti encyclopédique, surtout depuis la désignation de d'Alembert
au poste de secrétaire perpétuel (5). Parallèlement, Colnet s'en prend
à l'un des organes du nouve

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