Prenez et lisez ! Lamartine et le livre populaire - article ; n°47 ; vol.15, pg 17-30
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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 47 - Pages 17-30
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 136
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Michel
Prenez et lisez ! Lamartine et le livre populaire
In: Romantisme, 1985, n°47. pp. 17-30.
Citer ce document / Cite this document :
Michel Pierre. Prenez et lisez ! Lamartine et le livre populaire. In: Romantisme, 1985, n°47. pp. 17-30.
doi : 10.3406/roman.1985.4709
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_47_4709Pierre MICHEL
Prenez et lisez ! Lamartine et le livre populaire.
« Pour remuer ces gens-là il faut une
main de fer.- M. de Lamartine s'y briserait
comme un verre ».
Flora Tristan, Le Tour de France.
(13 mars 1843)
« Affreux », les ouvriers parisiens. Nuls et sans énergie les «jeunes
bourgeois gentilhommes dits démocrates » qui secondent Lamartine
dans le Bien public. Bas, vains, ridicules et méchants, les Reboul, Jas
min1 et autres « artisans dépaysés dans les lettres » (C.F.L., VII, 304)
que l'auteur du Cours familier renverra à leur « patois » (Ç.F.L., XIV,
41 )2. Flora Tristan n'est pas dupe d'une comédie qu'elle connaît bien.
Pas dupe, non plus, Lamartine* , mais toujours enthousiaste, jusque
dans sa « traversée du désert »4 , de ce « nouveau monde à découvrir »,
conquérir et peupler d'idées qu'est « la sensibilité et la raison des classes
laborieuses » (G/Pr., 195). « On n'a rien à Ure », lui a confié Reine Gar
de (G/Pr., 165). Et Lamartine d'enchérir : « Rien, ou presque rien ! »
(G/Pr., 171), sinon ces quelques titres qu'il souffle à son interlocutrice:
Robinson, la Vie des Saints, Télémaque, Paul et Virginie, chargés avec
quelques autres, la Bible, les Évangiles, l'Imitation, et, dans le Cours fa
milier, Mireille, placée quelque part entre Gœthe et Schiller, de compos
er « une collection de volumes qui puissent alimenter la vie intérieure»
du peuple (G/Pr., 168) ; plus, de constituer des modèles pour « ce
qu'on appelle les bons Uvres dans les mansardes et dans les chaumières
(1) Fl. Tristan, Le Tour de France, « La Découverte », Maspéro, t. I, p. 37, 83,
106, И5, t. II, p. 200.
(2) Le Conseiller du peuple dénonce en septembre 1849 le « patois ordurier de
l'homme de club » (СР., I, 283). Voir P. Michel, « Parole et pouvoir chez Lamart
ine », communication au colloque Stendhal : l'écrivain, le pouvoir, la société',
Grenoble, janvier 1983, à paraître.
(3) On connaît sa réaction à l'hommage des ouvriers poètes marseillais, en 1847 :
« Voilà pourtant à quel prix s'achète la popularité ! » (P. de Luppé, dans Les
Travaux et les jours d'Alphonse de Lamartine, p. 341-342).
(4) J. Gaulmier, « La traversée du désert d'A. de Lamartine. A propos du Cours
familier de littérature », dans Lamartine. Le livre du centenaire, Flammarion,
1971. Pierre Michel 18
(C.F.L., VII, 308) où régnent aujourd'hui « un catéchisme ou des chan
sons [...]. Et pour les plus éclairés, quelques journaux exclusivement po
litiques » (P. pop., 10). Mais « avant dix ans », prophétise en 1847 La
martine,
« vous aurez une librairie du peuple, une science du peuple, une philosophie,
une poésie, une histoire, des romans du peuple, une bibliothèque appropriée
aux esprits, aux cœurs, aux loisirs, aux fortunes du peuple à tous ses degrés »
(G/Pr., 175).
Le livre populaire, ce « pain moral et quotidien » à opposer au ca
baret et à l'ivresse politique — et il faut pour cela qu'il ne coûte « pas
plus cher qu'une bouteille de vin » (G/Pr., 184), c'est chez Lamartine
une histoire de plus de dix ans, depuis les premiers « hymnes de parol
es » (H.R. 48, I, 365) du « mandataire du peuple » jusqu'au dernier
souffle de « la voix de l'écrivain » {Pol rat., 388). Une histoire de gou
vernement, une « révolution morale » (P. pop., 11) à accomplir pour
prévenir la révolution. « Si nous étions gouvernement »..., il nous fau
drait, rêve en 1835 le député de Bergues, d'immenses fonds secrets »
pour donner direction, emploi, rémunération « {F.P., 1, 157) aux « pro
létaires de l'intelligence », consacrés à l'éducation des « prolétaires de la
main » (C. P., V, 290) en vue de leur accès commun à la citoyenneté;—
« nous répandrions gratuitement » les « chefs d'oeuvre de la chaumière»,
rêve encore le vieux forçat de la plume, « pour édifier en les charmant
les veillées des ateliers ou des étables » (C.F.L., VII, 218). Tristes desti
nées d'une poésie, philosophique et populaire, « à créer » en 1834, et
qui devait « suivre la pente » du siècle (D.P., 59), « descendre [...] des
nuages » jusqu'au « foyer domestique » (C.F.L., VII, 184), et jusqu'aux
domestiques, brisant le « cercle enchanté »— le mot est de Michelets ,
qui doute d'y avoir réussi — d'une littérature de classe, l'œuvre d'écri
vains sortis d'une « condition obscure et laborieuse » pour s'élever à
« la société [...] des puissants, des riches et des heureux, des classes de
loisir et de luxe » (G/Pr., 165), et qui s'abaissant « pour tendre la main
au peuple » n'ont « guère popularisé que des passions, des haines ou des
envies » (D. P., 59). Suivre la pente de la presse, mais en remontant le
« tourbillon » ; dans « cette hideuse mêlée d'encre » (C.F.L., 1, 145) de
Juillet, où s'est perdue la « vaste et immense poésie d'opinion » (H.
Rest., I, 190) qu'auraient dû développer les feuilles publiques, « le livre
arriverait trop tard » (Pol. rat., 357). Reste le journal —quand-même.
« Créer un journal des masses quotidien, à grand format, à un prix
d'abonnement qui ne dépasse pas cinq journées de travail », c'est re
layer le livre, mort une fois lu, « par le seul livre qui ne finit jamais »
(5) Michelet, Une année du Collège de France, Oeuvres complètes, « édition défi
nitive », t. 36, p. 460. La Préface de Geneviève ne rendrait-elle pas compte moins
de l'entrevue avec Reine Garde que des premières leçons du cours de Michelet :
même messianisme, même analyse de l'état de la littérature et de la Presse, même
souci d'associer à l'action du livre celle de la parole ? Lamartine et le livre populaire 1 9
(P. pop., 10), le vrai livre à venir, « le plus beau livre du siècle » (C.F.L,
II, 33) en son cours général devenu familier, non plus les hurlements du
cabaret ou des clubs, mais la conversation bas de tous avec tous et avec
chacun6 .
« Attacher à la rédaction de cette œuvre, sans acception d'opinion ou de parti
[...] tous les hommes qui [...] marchent à la tête de la pensée, de la philosophie,
de la science, de la littérature, des arts et même des métiers » (P. pop, 10).
L'aspiration au « gouvernement de la pensée publique » (P. pop.,
11) par une Iliade moderne, elle aussi « encyclopédie chantée par un
poète universel aux hommes de son temps » (C.F.L. , V, 156) ne saurait
se satisfaire de fonds secrets ; il y faut une souscription publique,
d'« un million de citoyens bien intentionnés [...] pour un franc par an
seulement » (P. pop., 11). Mais c'est là demander en vain, avec Reine
Garde, « la charité d'un livre » à une société « égoïste », « paresseuse »
(G/Pr., 165-168) et bientôt apeurée pour sa pièce de cent sous. Il n'y a
encore rien à lire ; après 48, il n'y aura peut-être plus personne pour
écrire. « Victor Hugo pourrait » (C.F.L., VII, 218), mais il est en exil,
et ces Misérables !... Le Conseiller du peuple s'est réfugié dans les rhap
sodies du Cours familier, l'encyclopédie populaire a sombré dans le
journal intime7 . Qui donc sera l'« Homère ouvrier », le « Fénelon de la
chaumière » (G/Pr., 168) ? Laprade, Legouvé, Autran (C.F.L., VII,218)
que Lamartine appelle à cet honneur ? Pauvre bibliothèque, que cette
« bibliothèque des pauvres gens » (G/Pr., 165). Et ambition lamarti-
nienne mort-née, à l'égal presque des « avortements » de la « poésie
des ateliers » (C.F.L., VII, 305) ; ou

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