Problèmes agraires de l Amérique latine. Survivances coloniales et précoloniales - article ; n°4 ; vol.21, pg 779-814
37 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Problèmes agraires de l'Amérique latine. Survivances coloniales et précoloniales - article ; n°4 ; vol.21, pg 779-814

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
37 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 4 - Pages 779-814
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alexandre Lipschutz
Problèmes agraires de l'Amérique latine. Survivances coloniales
et précoloniales
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. pp. 779-814.
Citer ce document / Cite this document :
Lipschutz Alexandre. Problèmes agraires de l'Amérique latine. Survivances coloniales et précoloniales. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. pp. 779-814.
doi : 10.3406/ahess.1966.421423
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_4_421423PROBLÈMES ÉCONOMIQ UES ET SOCI A UX
DE V AMÉRIQUE LATINE
Problèmes agraires :
SURVIVANCES COLONIALES ET PRÉCOLONIALES'
Introduction.
Est-il possible, de parler de l'évolution de l'Amérique Latine comme
d'un tout ?
L'Amérique Latine est un continent qui offre une variété extraordi
naire de conditions géographiques physiques et aussi de groupes ethniques.
L'histoire culturale de ces multiples groupes a été très diverse dans les
temps précolombiens ; il suffit de comparer les cultures des peuples du haut
plateau du Mexique avec celles des îles du Caribe ; ou la culture incaïque
du Pérou avec celle des Araucaniens du Chili ou des habitants de la Terre
de Feu. Et, à première vue, quelle diversité aussi dans l'évolution de la
conquête et de la colonisation, au long de près de trois siècles et demi,
sur le sol de l'Amérique Latine, au sein de ces innombrables peuplades !
Et pourtant on peut invoquer un fait d'importance décisive, qui
permet de traiter l'histoire de l'Amérique Hispanique comme un tout.
Ce fait se résume sous les termes de : Destruction de las Indias — selon le
titre que Bartolomé de Las Casas a donné au célèbre écrit qu'il publia
en 1552. Il s'agit de la « destruction » des formes de la vie socio-écon
omique de certains groupes humains par un autre groupe d'hommes, dans
le but précis de s'approprier les biens des groupes conquis et de se servir
de ceux-ci comme main-d'œuvre gratuite, même si des méthodes bru
tales de conquête et d'exploitation des indigènes impliquent que ceux-ci
1. Le thème de cette étude m'a été suggéré par la Rédaction des Annales. Dans
le cas où la bibliographie des sources documentaires n'est pas indiquée, on pourra se
reporter à mon livre : El Problema Racial en la Conquista de America y el Mestizaje,
Santiago de Chile, 1963. Une traduction française de ce livre sera publiée par les
Éditions Mouton et Cie, Paris, dans la collection « Civilisations et Sociétés », sous la
direction de M. Ruggiero Romano, de l'École Pratique des Hautes1 Études. Mon tra
vail a été grandement facilité par M. David Baytelman, Professeur à la Faculté d'Agri
culture de l'Université du Chili, Conseiller Agricole de la Corporacion de Fomento de
779 ANNALES
périssent en masse. Par son but et par sa violence, ainsi que par le niveau
moral des exécuteurs des propos du groupe conquérant, cette sorte de
destruction d'une structure socio-économique existante mérite bien le
nom de pogrom que j'ai proposé d'appliquer à cette sorte de conquête 1.
Le « » hispano-américain a établi de nouvelles conditions
socio-économiques très semblables dans tout le continent, du Mexique
jusqu'à la Terre de Feu. Partout, en effet, le conquérant hispanique avait
imposé Yencomienda, la mine, Yobraje ou manufacture primitive. La consé
quence en fut une énorme diminution de la population indigène.
La baisse a été massive au Mexique et au Pérou, pays de structure
féodale-autochtone. Au Mexique, 75 pour cent de la population qui était,
avant la conquête, de vingt-cinq millions, disparaît dans les premières
trente années qui suivent (d'après les études, de grande valeur, de Cook,
Simpson et Borah, à Berkeley, 1948-1963). Mais une pareille baisse de
la population a eu lieu aussi dans la tribu des Quimbaya en Colombie,
tribu agricole régie par des chefs ou caciques héréditaires mais non
assujettie à des maîtres féodaux. Au moment de la conquête, cette petite
tribu ne compte que quinze mille tributaires. Dans les premières trente
années postérieures, le nombre de tributaires tombera de 81 pour cent
(Friede, 1963; pp. 14, 23, 253). Quant aux circonstances de la diminution
de la population, elles sont différentes dans la tribu des Quimbaya et au
Mexique. Mais le résultat est le même : quatre-vingt-dix ans après la
conquête, le Mexique, jadis pays féodal autochtone, a perdu 96 pour cent
de sa population ; la tribu des Quimbaya, en Colombie, jadis paysanne
avec régime de caciques, a perdu 99,5 pour cent de sa population, pour
ensuite disparaître complètement.
La baisse massive de la population indienne au Mexique tient essen
tiellement à la désorganisation de l'ordre socio-économique établi, entraî
nant, pour les masses populaires, un haut degré de morbidité et de mort
alité. La mortalité était énorme chez les Indiens appelés au travail
obligatoire, la mita, dans les mines : « Le sixième fléau, ce furent les mines
d'or ; car, outre les tributs et services que devaient acquitter les pueblos
la Produccion : M. Baytelman a mis à ma disposition des publications récentes de la
Bibliothèque de la Corporacion, et m'a aussi conseillé certaines insertions. M. Juan
Comas, Professeur à l'Université du Mexique, a bien voulu m'autoriser à faire un
ample usage, dans mon chapitre IV, 3, de son dernier livre (1964). M. Crisologo Gatica
a bien voulu m'aider en me procurant livres et journaux. L'information que m'ont
fournie la Direction de Asuntos Indigenas (voir Ministerio de Tierras, 1964), et la
Corporacion de Reforma Agraria,m'a été très utile pour mes chapitres II, 4 et III, 3.
1. Ce terme désignait en Russie, le massacre des Juifs, organisé dans des buts poli
tiques par les autorités, et réalisé par la populace. Le mot pogrom figure dans ce même
sens dans The Shorter Oxford English Dictionary (1959). J'ai fait usage du terme de
pogrom pour la première fois dans mon livre (1963, pp. 22, 219, 222), pour désigner
la « destruction » dans le sens de Las Casas. Dans la présente étude, je tente de ci
rconscrire le sens du terme pogrom d'une manière plus stricte et précise.
780 AGRAIRES D'AMERIQUE LATINE PROBLÈMES
encomendados aux Espagnols, voici que l'on commença à rechercher
les mines ; et le nombre d'esclaves indiens qui jusqu'à présent ont péri
dans ces mines est incommensurable ». C'est le franciscain Motolinia
qui écrit cela en 1541, après un séjour de dix-sept ans au Mexique (voir
Lipschutz, 1963, p. 214 г).
Vingt ans après, l'oidor (ou juge), Docteur Alonso de Zurita écrira
(Lipschutz, p. 215) : « Une infinité d'Indiens ont ainsi péri, et quantité
de pueblos situés près des mines ou sur leur chemin se sont dépeuplés :
les habitants s'enfuirent vers les déserts, abandonnant leurs maisons,
laissant familles et enfants. Néanmoins on les oblige à se rendre aux
mines (...). C'est de force qu'on les y fait aller, car on les y contraint par
voie de repartimiento en recourant à une provision de l'Audiencia, et
cela nonobstant les dispositions prises par V. M. ».
En 1585, les franciscains mexicains écrivent au Concile Provincial
Mexicain qu' « envoyer les Indiens aux mines, c'est les envoyer à la mort,
car ce sont des gens de complexion très délicate » (Llaguno, 1963, p. 243).
Et il en va de même pour les mines du Pérou, du Chili, etc..
Les Quimbaya, tribu qui possédait des mines d'or, étaient réputés
comme orfèvres. Mais, en permier lieu, c'étaieut des agriculteurs. Sur
viennent les Espagnols qui, en qualité d'encomenderos, reçoivent chacun
comme tributaires tant et tant de paysans indiens. Peu après, en 1542,
première rebellion de ces paysans anciennement libres, maintenant
vassalisés. Deuxième soulèvement, en 1557. Nombre d'Indiens périssent
dans ces deux rebellions, et après la seconde, beaucoup devinrent des
fugitifs. Entre temps, en 1546, se produit une épidémie de peste.
Certes, comme nous l'avons remarqué, les circonstances de l'énorme
diminution de la population après la conquête sont très différentes si
l'on envisage

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents