Qu est-ce que le travail ? - article ; n°4 ; vol.15, pg 684-701
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1960 - Volume 15 - Numéro 4 - Pages 684-701
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 90
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges Friedmann
Qu'est-ce que le travail ?
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 4, 1960. pp. 684-701.
Citer ce document / Cite this document :
Friedmann Georges. Qu'est-ce que le travail ?. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 4, 1960. pp. 684-
701.
doi : 10.3406/ahess.1960.421644
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1960_num_15_4_421644CHRONIQUE DES SCIENCES SOCIALES
QU'EST-CE QUE LE TRAVAIL?
humaine. Si c'est tout qu'il L'homme ce qui mérite touche est d'être un au animal considéré tbavail social, comme appelle zoon un politiko?i, une trait étude spécifique qui, aussi aujourd'hui de attentive, l'espèce
encore, à travers la variété des complexes écologiques, à travers les diver
sités de rythme dans la marche du progrès technique, d'évolution dans
la structure et le niveau économique des sociétés, est essentiellement
occupé de travail. Le travail est un commun dénominateur et une condi
tion de toute vie humaine en société. Les exemples classiques de travail
animal, souvent cités, ceux de certains insectes (fourmis, termites,
abeilles) ou mammifères (castors) ont été rapportés par la psychologie
zoologique à des comportements instinctifs, dans un environnement de
stimulations déterminées. Dès qu'il y a adaptation à une situation impré
vue et, par exemple, fabrication d'outils, on se rapproche, comme l'ont
montré les célèbres expériences de Kôhler (1928) sur des singes supé
rieurs à Ténériffe, des conditions et exigences intellectuelles du travail
humain.
Ces comportements essentiellement humains, quelle en est la carac
téristique ? On peut d'abord la chercher dans l'utilité. C'est la perspec
tive qu'ont adoptée la plupart des économistes libéraux, par exemple
Colson 2 lorsqu'il déclare : « le travail est l'emploi que l'homme fait de
ses forces physiques et morales pour la production de richesses et de ser
vices ». Pour l'économiste ainsi orienté, l'activité de travail se distingue
essentiellement par ses buts, son utilité, par la valeur des produits qu'elle
crée. Notons, au passage, qu'Henri Bergson, de son côté, s'est trouvé
conduit par ses méditations sur Faction humaine à écrire dans L'Evolu-
1. Les thèmes de cet article seront repris dans l'Introduction au Traité de Sociolo
gie du Travail qui, sous la direction de Georges Friedmann et Pierre Naville, paraî
tra aux Editions Armand Colin à la fin de cette année. Il importe de souligner qu'au
cours de ces pages les activités de travail seront considérées dans le cadre des socié
tés que les ethnologues appellent « modernes » (industrialisées ou en voie d'indus
trialisation) en les distinguant des sociétés « traditionnelles » ou coutumières qu'ils
étudient presque exclusivement : le travail y est le plus souvent pénétré par la cérémon
ie, le rite et, outre sa fonction économique, détient le rôle de préserver la force
du groupe et d'y maintenir l'ordre.
2. С Colson, Cours d'Economie politique, Félix Alcan, Paris, 1924.
684 LE TRAVAIL,
tion créatrice 1 que « le travail humain consiste à créer de l'utilité ». Mais
les comportements animaux instinctifs assimilés à des phénomènes de
travail ne créent-ils pas, eux aussi, à l'intérieur des collectivités où ils
s'intègrent, de « l'utilité » ? Et ne faut-il pas chercher ailleurs les carac
tères originaux du travail humain ?
Celui-ci, font observer d'autres économistes, consiste avant tout à
fabriquer, mais aussi à organiser dans un cadre social la lutte contre la
nature 2. C'est dans le rapport dynamique de l'homme et de la nature
que les penseurs, depuis longtemps, ont cherché la définition du travail.
Déjà Francis Bacon 3 définissait l'Art (au sens des « Arts et Métiers »)
comme « l'homme s'ajoutant à la nature », Ars homo additus naturae,
formule dont on retrouve les prolongements chez Descartes (Discours
de la Méthode, VIe Partie ; préface des Principes de la philosophie) et
jusque chez les Encyclopédistes du xvine siècle 4. Mais nul plus vigou
reusement que Marx n'a analysé le rapport de l'homme avec la nature
dans l'activité de travail. Le travail est essentiellement, à travers la
technique, la transformation par l'homme de la nature qui, à son tour,
réagit sur l'homme en le modifiant. « Le travail, écrit Marx dans Le Capit
al, est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature.
L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance
naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et
mains, il les met en mouvement afin de s'assimiler des matières en leur
donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu'il agit par ce mou
vement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature
et développe les facultés qui y sommeillaient. » 6 On voit ainsi peu à peu
se dessiner une définition partielle du travail, rapportée à Y homo faber,
que nous proposons sous cette forme : « l'ensemble des actions que
l'homme, dans un but pratique, à l'aide de son cerveau, de ses mains,
d'où? ils ou de machines, exerce sur la matière, actions qui, à leur tour,
réagissant sur l'homme, le modifient ».
Observons au passage que dans cette interaction entre l'homme et
son milieu (plus ou moins naturel) à travers la .technique, semble bien
résider, en fin de compte, l'élément moteur qui explique l'évolution ou
la révolution des structures sociales. Elle seule peut apporter une réponse
valable au problème demeuré obscur (même dans des systèmes aussi
fortement pensés que celui de Durkheim) de la dynamique sociale.
Définition « partielle » du travail, disions-nous. En effet, les phéno
mènes de travail dans les sociétés contemporaines, ne sont pas tous,
tant s'en faut, assimilables aux comportements de Y homo faber. Les
1. 77e éd. P.U.F., Paris, 1948, p. 297.
2. H. Bartoli, Science économique et travail, Dalloz, Paris, 1957, p. 46-48.
3. F. Bacon, De Augmentis, II, 2, 497.
4. G. Friedmann, « L'Encyclopédie et le travail humain », in Annales de VUniver-
sité de Paris, n° spécial à l'occasion du 2e centenaire de l'Encyclopédie française, 1952.
5. Le Capital, Paris, Editions Sociales, 1948, t. I, p. 180.
685 ANNALES
activités de l'homme ne sont pas nécessairement rurales ou industrielles.
Elles ne consistent pas exclusivement en activités de « transformation ».
Les activités classiquement dites tertiaires, selon la terminologie de
Colin Clark, repensée par Jean Fourastié, comprennent des services
effectués dans l'administration, renseignement, les professions libérales,
etc.. A ces services correspondent des travaux qui échappent, en tout
cas à première vue, à la définition que nous avons proposée. Au xxe siècle,
l'homme au travail n'est pas toujours et il est même de moins en moins,
au sens classique du terme, un homo faber.
Par ailleurs les définitions baconienne, marxiste et, d'une manière
générale, toutes les du travail qui mettent l'accent sur la
transformation de la nature par l'homme impliquent une finalité essent
ielle. La transformation de la nature est orientée vers un but : sa domi
nation par l'homme, son « maître et possesseur » (Descartes), l'assimila
tion de la matière (transformée en objets, puis en produits) à des besoins
humains. C'est ce que dit Marx à peu près textuellement à propos du
processus de transformation des objets en produits par le travail : « le s'éteint dans le produit, c'est-à-dire dans une valeur d'usage,
une matière naturelle assimilée aux besoins humains par un changement
de forme » 4
Si le travail comporte une finalité, il ne peut néanmoins être considéré
en soi comme une fin, ainsi que l'a fait observer Max Scheler 2 qui
le qualifiait ď « indifférent » et ď ■« aveugle ». Il n'y a pas de finalité
universelle du travail qui puisse être affirmée abstraitement et c'est
perdre son temps que de pr&#

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