Questions d éthique en anthropologie - article ; n°1 ; vol.7, pg 73-85
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Questions d'éthique en anthropologie - article ; n°1 ; vol.7, pg 73-85

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Sociétés contemporaines - Année 1991 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 73-85
Résumé : Partageant avec les autres sciences sociales des questions d'ordre éthique sur la légitimité et la finalité de sa démarche, l'anthropologie leur confère un statut relativement particulier qui relève des conditions mêmes de constitution de la discipline. La première est le caractère exclusif de l'expérience de terrain. La seconde tient à la définition de l'objet scientifique : qu il soit intitulé ethnie, tribu, culture, société, il implique quelque degré de clôture. La troisième correspond à la reconnaissance du relativisme culturel : est-il possible de réduire l'identité de l'autre sous une rationalité qui transcende les différences ou faut- il admettre une relative incommunicabilité des faits de culture ? Inscrites au coeur des conditions épistémologiques de la pratique anthropologique, les questions d'éthique se résoudront plus en débats a écoles ou sur la base ď engagements personnels qu'elles ne se poseront sur un plan professionnel stricto sensu.
PIERRE BONTE As with other social sciences, anthropology gives rise to ethical questions concerning its legitimacy and finality. However, in this particular case, these questions are relatively original insofar as they are related to the historical conditions involved in the formation of the discipline. The first point to be taken into account is the exclusive character of field research. The second concerns the definition of the scientific object : the study of an ethnie, tribe, culture, or society, inevitably involves a certain degree of closure. The third is related to recognition of cultural relativism : can other cultures be reduced so that they become the object of a rational approach that transcends differences, or must we accept their relative irreducibility ? Inasmuch as the ethical questions are raised at the epistemological centre of anthropology , they are settled either in the course of theoretical discussions or by individual decisions ; they do not become strictly professional questions.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Bonte
Questions d'éthique en anthropologie
In: Sociétés contemporaines N°7, Septembre 1991. pp. 73-85.
Résumé : Partageant avec les autres sciences sociales des questions d'ordre éthique sur la légitimité et la finalité de sa
démarche, l'anthropologie leur confère un statut relativement particulier qui relève des conditions mêmes de constitution de la
discipline. La première est le caractère exclusif de l'expérience de "terrain". La seconde tient à la définition de l'objet scientifique :
qu il soit intitulé ethnie, tribu, culture, société, il implique quelque degré de clôture. La troisième correspond à la reconnaissance
du "relativisme culturel" : est-il possible de réduire l'identité de l'autre sous une rationalité qui transcende les différences ou faut- il
admettre une relative incommunicabilité des faits de culture ? Inscrites au coeur des conditions épistémologiques de la pratique
anthropologique, les questions d'éthique se résoudront plus en débats a écoles ou sur la base ď engagements personnels
qu'elles ne se poseront sur un plan professionnel stricto sensu.
Abstract
PIERRE BONTE As with other social sciences, anthropology gives rise to ethical questions concerning its legitimacy and finality.
However, in this particular case, these questions are relatively original insofar as they are related to the historical conditions
involved in the formation of the discipline. The first point to be taken into account is the exclusive character of field research. The
second concerns the definition of the scientific object : the study of an ethnie, tribe, culture, or society, inevitably involves a
certain degree of closure. The third is related to recognition of "cultural relativism" : can other cultures be reduced so that they
become the object of a rational approach that transcends differences, or must we accept their relative irreducibility ? Inasmuch as
the ethical questions are raised at the epistemological centre of anthropology , they are settled either in the course of theoretical
discussions or by individual decisions ; they do not become strictly professional questions.
Citer ce document / Cite this document :
Bonte Pierre. Questions d'éthique en anthropologie. In: Sociétés contemporaines N°7, Septembre 1991. pp. 73-85.
doi : 10.3406/socco.1991.1010
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/socco_1150-1944_1991_num_7_1_1010♦ ♦♦♦♦♦♦ PIERRE BONTI ♦ ♦♦♦♦♦♦
QUESTIONS D'ÉTHIQUE EN ANTHROPOLOGIE
particulier professionnel RÉSUMÉ légitimité clôture. en caractère épistémologiques scientifique admettre de débats réduire La une t a et exclusif Partageant qui Г troisième écoles : identité la relative stricto qu relève finalité il de ou de soit correspond sensu. de la sur incommunicabilité des l'expérience avec pratique de intitulé l'autre la conditions sa base les démarche, autres sous ethnie, ď anthropologique, à engagements la de mêmes une reconnaissance sciences "terrain". tribu, des V rationalité anthropologie faits de culture, constitution sociales personnels de La les culture qui seconde du questions société, "relativisme des transcende leur de qu'elles ? questions Inscrites la tient confère il discipline. d'éthique implique à ne les culturel" la au se d'ordre un différences poseront définition coeur statut se La quelque résoudront première : des éthique est-il relativement sur conditions de ou degré possible un faut- l'objet sur est plan plus de la le il
La question d'une éthique "professionnelle" des anthropologues 1 peut être
entendue en un sens large : l'ensemble des problèmes d'ordre éthique propres à la
constitution d'un champ particulier du savoir, ou en un sens restreint : la dimension
éthique d'une pratique scientifique telle qu'elle est perçue dans la communauté
professionnelle que constituent ceux qui l'exercent. Il existe naturellement une
certaine solution de continuité entre ces deux acceptions et l'un des objectifs de cet
article 2 consistera à en fournir une rapide esquisse.
Dans la mesure où l'anthropologie, même quand elle s'applique à notre propre
société, est fondée sur une reconnaissance des différences, qui justifie sa démarche
(l'observation participante) et son projet (comparatiste sous un postulat d'unité de
l'humanité), la question éthique lui est centrale. Elle l'est d'autant plus que, de fait,
l'anthropologie de terrain s'est essentiellement appliquée à l'étude d'autres cultures,
En France le terme anthropologie a longtemps concerné la seule anthropologie physique et biologique
et l'on désignait sous celui d'ethnologie la discipline correspondant à l'anthropologie sociale et
culturelle anglo-saxonne. Sur l'évolution du contenu de ces termes cf. P. Bonté et M. Izard (sous la
direction de). Dictionnaire de l'ethnologie et de l' anthropologie. Paris, PUF, 1991.
Cet article s'inspire de la communication présentée le 16 Mai 1990 au Séminaire du Centre de
Sociologie de l'Ethique (EHESS), la séance étant consacrée au thème : "Une éthique professionnelle
pour les Sciences sociales ?". PIERRE BONTE ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
"éloignées" d'autres sociétés, avec un intérêt marqué pour les plus 3, pour ne pas
employer les termes douteux de "primitives" ou "archaïques".
Ces précautions de langage soulignent un problème central : cette approche de
l'autre, qui se veut scientifique, s'est initialement inscrite dans un contexte de
hiérarchie des sociétés et des cultures. Science "occidentale" quand elle s'applique
aux Indiens d'Amérique, science "coloniale" 4 quand elle est pratiquée par les
Anglais, Allemands, Belges, Français ou Néerlandais dans leurs colonies, la
discipline a pris très tôt conscience du problème, avant même que vienne, avec la
décolonisation, sa dénonciation par des peuples (ou leurs Etats ?) qui refusent d'être
des objets de recherche pour pouvoir redevenir des sujets de l'histoire. La première
interrogation, et la plus fondamentale, de l'anthropologie se présente donc avec une
dimension éthique : cette réduction de l'autre à un objet de recherche est-elle
scientifiquement légitimable 5 ?
1 . RELATIVISME CULTUREL ET ETHNOCENTRISME
Ainsi entendue, cette interrogation a une histoire et cette histoire se confond
largement avec celle de l'anthropologie elle-même. De manière récurrente, et le plus
souvent explicite, se situe au coeur de la démarche anthropologique une question
fondatrice : celle du relativisme culturel. Théoriquement, la démarche
anthropologique s'est constamment définie entre deux pôles.
A l'un de ces pôles, on considère que les sociétés-autres peuvent être décrites et
analysées à partir de concepts "scientifiques", issus de notre propre culture certes
mais susceptibles de traduire d'autres réalités parce qu'il existe à quelque degré un
métalangage construit sur des traits universels que l'anthropologie a vocation à
découvrir : cette démarche, que l'on peut qualifier de "positiviste" 6 se retrouve aussi
bien dans l'évolutionnisme du XIXe siècle que dans "classique",
fonctionnaliste ou structuraliste.
A l'autre pôle, poser comme absolues les particularités culturelles et considérer
chaque société comme un tout irréductible, remet en question la possibilité de
traduire d'autres cultures à partir de nos propres configurations culturelles et
linguistiques. S'il subsiste dans les différents courants du culturalisme l'idée d'une
traduction possible de l'autre, elle est fondée sur l'idée de valeurs communes ou de
convergences de sens, bref sur un humanisme différent de celui du positivisme,
d'essence plus phénoménologique, qui pose le problème de la traduction de l'autre
3. Cl. Lévi-Strauss. Le regard éloigné. Paris, Pion, 1983.
4. G. Leclerc. Anthropologie et colonialisme. Paris, Fayard, 1972 ; T. Asad (ed). Anthropology and the
colonial encounter. Londres, Ithaca Press, 1973.
5. L'anthropologie partage cette interrogation avec d'autres sciences sociales, la sociologie en particulier,
issue, il est vrai en France, tout comme l'ethnologie, du tronc commun de l'école durkheimienne. Au
delà même des contextes de hiérarchisation des sociétés et cultures que nous évoquions précédemment, <

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