Rituel et symbolisme politiques des sociétés occidentales - article ; n°121 ; vol.32, pg 79-89
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Rituel et symbolisme politiques des sociétés occidentales - article ; n°121 ; vol.32, pg 79-89

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1992 - Volume 32 - Numéro 121 - Pages 79-89
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

David I. Kertzer
Rituel et symbolisme politiques des sociétés occidentales
In: L'Homme, 1992, tome 32 n°121. Anthropologie du proche. pp. 79-89.
Citer ce document / Cite this document :
Kertzer David I. Rituel et symbolisme politiques des sociétés occidentales. In: L'Homme, 1992, tome 32 n°121. Anthropologie
du proche. pp. 79-89.
doi : 10.3406/hom.1992.369472
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_121_369472David I. Kertzer
Rituel et symbolisme politiques
des sociétés occidentales
David I. Kertzer, Rituel et symbolisme politiques des sociétés occidentales. —
L'anthropologie politique des sociétés occidentales connaît aujourd'hui un important
développement. Les recherches sur la politique conjuguent plusieurs approches : elles
ont recours à l'histoire sociale, à l'étude des mythes et du symbolisme. A partir d'exemples
empruntés aux rituels contemporains, cet article met en évidence la contribution spécifique
que peuvent apporter les anthropologues à l'étude du politique.
L'histoire de l'anthropologie socioculturelle en Occident est inséparable du
phénomène colonial, chaque école nationale se spécialisant dans les ex-colonies
de son propre pays et des sociétés occidentales elles-mêmes demeur
ant sous-développée. Les premiers qui tentèrent de remédier à ce déséquilibre
voulurent se justifier aux yeux de leurs collègues qui travaillent dans des socié
tés exotiques en essayant de retrouver des conditions de terrain comparables.
Ils recherchèrent les hameaux et les villages les plus marginaux et se concent
rèrent sur des sujets comme l'organisation économique rurale, la parenté, l'idéo
logie de l'honneur... Quant à politique, ils se limitèrent à en étu
dier les formes locales et les réseaux de clientélisme. De façon générale, même
dans ce contexte restreint, les thèmes liés au politique n'étaient guère abordés1.
Aussi n'est-il pas surprenant que ces tentatives notables pour étendre la
recherche à la politique nationale et internationale s'inscrivent dans le contexte
de l'étude anthropologique traditionnelle de la périphérie européenne : ainsi
J. Boissevain (1965) étudiant un village maltais où événements nationaux et
internationaux sont reliés à la politique locale, met notamment l'accent sur l'usage
politique des /estas locales ; Jane et Peter Schneider (1976) relient leur propre
ethnographie d'une communauté rurale sicilienne à l'économie européenne ;
de même Hansen (1977) analyse la relation entre le développement d'une région
espagnole (la Catalogne rurale) et le programme de modernisation franquiste.
L'analyse anthropologique du pouvoir politique dans un contexte métropolitain
ou directement au niveau national est plus récente. Les études d'anthropologie
urbaine étaient pratiquement inexistantes avant 1980 parmi les anthropologues
L'Homme 121, janvier-mars 1992, XXXII (1), pp. 79-90. 80 DAVID I. KERTZER
anglo-américains (Kertzer 1980 ; Kenny & Kertzer 1983). C'est seulement dans
la dernière décennie — ou presque — que ceux-ci se sont penchés sur les forces
politiques à l'œuvre au niveau national. Dans bien des cas, leur démarche s'ins
crit dans une perspective historique, faisant ressortir l'émergence d'une identité
nationale. Ainsi, Herzfeld (1982, 1987) examine le rôle des élites culturelles dans
l'expression de l'identité nationale grecque, et Heiberg (1989) celle d'une nation
basque ; Kapferer (1988) étudie l'évolution des mythes de l'État en Australie,
et Handler (1988) nationalisme et culture au Québec.
Les récents événements en Europe de l'Est ont donné un nouvel élan à ce
type d'enquête. On notera l'intérêt particulier porté à la conception de l'État
à partir d'une culture et d'une histoire singulières (Lithuanie), ainsi qu'à la redé
finition du symbolisme lié à la nation (Pologne ou Hongrie). Plusieurs secteurs
de l'historiographie ont été marqués par ce type de recherche. Le travail d'histo
riens sur 1' « invention de la tradition » (Hobsbawm & Ranger 1983) en est
l'illustration.
L'anthropologie politique s'est engagée d'abord dans l'étude de l'organisa
tion sociale et de la vie politique. Ces dernières années l'attention s'est portée
davantage sur certains aspects culturels : création et usage de symboles politiques,
engendrement et manipulation de mythes politiques, usages politiques du rituel2.
Les outils théoriques — définis à propos des sociétés exotiques — pour analyser
ces symboles, mythes et rituels permettent à l'anthropologue de se libérer de pré
jugés ethnocentriques et de souligner l'unité des processus politiques.
Le rituel politique
L'influence de Durkheim n'est nulle part plus évidente que lorsqu'il s'agit
d'enquêter sur les effets politiques du rituel. Selon Durkheim (1912), c'est à tra
vers le rituel que les gens projettent l'ordre socio-politique séculier sur un plan
cosmologique et qu'ils symbolisent le système de relations socialement sanctionnées
entre groupes et individus. Il voyait dans le rituel un mécanisme qui, permettant
de préserver le consensus, maintient l'ordre social.
Toutefois, l'étude des relations sociales en termes de conflit plutôt que de
consensus a conduit à rejeter l'équivalence entre rituel et stabilité. De fait, le
rituel devrait être considéré comme une part nécessaire de tout mouvement poli
tique, qu'il s'agisse de perpétuer le statu quo ou de le renverser. Dans les deux
cas son usage est crucial quel que soit le cadre politique. Il permet de créer des
solidarités sans qu'il existe nécessairement un consensus ; il canalise la percep
tion populaire des événements ; il favorise la formation d'organisations politiques ;
il fonde des légitimités.
Quelques récents usages politiques de rituels et de symboles aux États-Unis
et en Italie illustrent ces points. Je mettrai notamment en lumière leur contesta
tion, afin de montrer que le rituel revêt une égale importance pour les groupes
qui contestent le pouvoir et pour ceux qui le détiennent. Rituel et symbolisme 81
L'affaire de Bitburg
En 1985, la mise en scène par deux chefs nationaux — le président des États-
Unis Ronald Reagan et le chancelier allemand Helmut Kohi — de leur visite
au cimetière de Bitburg déchaîna des critiques cinglantes aux États-Unis, ce
qui indique qu'il est faux d'imaginer que les rituels politiques n'ont d'impact
que pour ceux qui y croient et qui ne pénètrent pas le « sens véritable » d'évé
nements aussi manifestement arrangés, mais n'affectent pas les individus pol
itiquement conscients. C'est au contraire chez ces derniers que la visite de Ronald
Reagan à ce cimetière allemand suscita la plus grande émotion.
Ce rite était le troisième d'une série visant à marquer la solidarité entre
hommes politiques occidentaux. En 1984, au premier d'entre eux — la célébra
tion par les représentants des puissances alliées de l'anniversaire du débarque
ment en Normandie — , l'Allemagne n'avait pas été conviée et le chancelier
Kohi exprima son profond déplaisir devant cette rebuffade symbolique. Le pré
sident français, désireux de la compenser, organisa alors une cérémonie commem
orative à Verdun au cours de laquelle Mitterrand et Kohi s 'etreignirent parmi
les tombes des victimes de la Première Guerre mondiale. Mais cela ne faisait
pas vraiment l'affaire du chancelier, car c'est la Seconde Guerre mondiale, non
la première, qui appelait l'absolution rituelle.
C'est dans ce contexte que Reagan accepta de participer avec Kohi à cette
cérémonie au cimetière de Bitburg où sont enterrés des soldats allemands de
la dernière guerre mondiale. Reagan prit ce risque pour remercier Kohi d'avoir
soutenu sa politique militaire européenne. Cet acte devait dissiper la persis
tance regrettable de l'héritage symbolique nazi dans la perception qu'ont d'eux-
mêmes les Allemands, et des Allemands les Américains. Il visait également à
appuyer la propre position politique de Kohi.
La mission de Reagan était de transmuer le s

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents