Rôle des filiales américaines dans les échanges des États-Unis - article ; n°113 ; vol.29, pg 165-181

Jean Lempérière

Description

Tiers-Monde - Année 1988 - Volume 29 - Numéro 113 - Pages 165-181
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 27
• Langue: Français

Extrait

Jean Lemperière
Rôle des filiales américaines dans les échanges des États-Unis
In: Tiers-Monde. 1988, tome 29 n°113. pp. 165-181.
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Lemperière Jean. Rôle des filiales américaines dans les échanges des États-Unis. In: Tiers-Monde. 1988, tome 29 n°113. pp.
165-181.
doi : 10.3406/tiers.1988.3625
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1988_num_29_113_3625RÔLE DES FILIALES AMÉRICAINES
DANS LES ÉCHANGES DES ÉTATS-UNIS
(pour une révision de la notion classique
de « délocalisation de la production »)
par Jean Lemperière*
Le déficit commercial des Etats-Unis devient une donnée permanente de l'éc
onomie mondiale, inquiétante pour tous. Leur part dans les importations mondiales
de produits manufacturés qui atteint 21 % a doublé en cinq ans seulement.
Mais le premier pays industriel ne parvient pas à couvrir 60 % de ses achats-
Cette situation paradoxale oblige à s'interroger sur le fonctionnement de rouages
caractéristiques de l'économie américaine, en particulier sur le rôle exceptionnel
des multinationales au pays du libéralisme économique.
Dans quelle mesure V afflux des produits étrangers aux Etats- Unis vient-il des
filiales américaines? Celles-ci ont-elles favorisé l'exportation des produits amér
icains? Dans la dégradation des échanges, comment apprécier le rôle complexe
des multinationales et qu'en attendre pour l'avenir? Ces questions se posent
immédiatement pour qui cherche à comprendre les raisons et la signification
d'un déficit sans rapport avec les possibilités de ce pays.
Le solde des entrées et sorties sur le sol américain ne compte guère dans la
perspective globale de sociétés qui débordent des frontières. Mais leurs échanges
internes, échappant aux règles normales du marché, peuvent vider en partie de
son sens une balance commerciale si étroitement liée aux stratégies planétaires
des multinationales.
Plus de 1 1 000 filiales industrielles réparties dans le monde entier, sans compter
le réseau commercial, les services et les banques filiales, constituent pour les
Etats-Unis un pouvoir supplémentaire énorme à ne pas oublier. Mais l'intérêt
des multinationales américaines ne se confond certes pas avec celui des Etats-Unis :
or dans ce régime d'extrême liberté économique, elles constituent des centres de
décision sans contrepartie.
Qu'il s'agisse du déficit, du tissu industriel, de la répartition des investissements
* Conseiller commercial, Direction des Relations économiques extérieures, associé au cnrs.
Revue Tiers Monde, t. XXIX, n° 113, Janvier-Mars 1988 JEAN LEMPERIÈRE 166
ou d'une désindustrialisation plus poussée qu'ailleurs, la stratégie des multinat
ionales apparaît comme un point incontournable dans toute analyse de l'économie
américaine. Un protectionnisme systématique pourrait-il d'ailleurs s'instaurer
sans leur accord? Avec le contrôle du quart de la production des Etats-Unis, leur
influence est décisive sur les structures industrielles. Leur poids est beaucoup plus
considérable encore dans le commerce extérieur puisqu'elles assurent les trois
quarts des exportations et près de moitié des importations.
Comment évaluer la part des filiales et plus précisément l'importance des
échanges intrafirmes? Beaucoup considèrent comme impénétrable ce domaine
où l'on se contente trop souvent de généralités et d'appréciations subjectives.
Des données précieuses et abondantes sont pourtant fournies par exemple par
les enquêtes régulières du Trade Department, menées parallèlement près de
dizaines de milliers de sociétés américaines et près de leurs filiales à l'étranger,
ainsi que par les commentaires du Survey of Current Business1.
Assurément certains domaines et non des moindres (sous-traitance, ententes de
fait entre les groupes) échappent au cadre formel d'une enquête officielle et
celle-ci ne peut pas mettre en lumière ce que les grandes sociétés tiendraient le
plus à garder secret. Mais il serait absurde de négliger cette masse de données.
Mieux vaut les utiliser pour dépasser les généralités, chercher à y voir plus clair,
vérifier le bien-fondé d'idées communément admises. Ceux qui sont mieux
informés rectifieront et compléteront.
Extrême diversité du rôle des filiales
Les filiales ne sont pas les principaux partenaires des multinationales améri
caines qui traitent beaucoup plus avec des sociétés étrangères à leur propre
groupe, surtout à l'importation. Leurs opérations avec leurs filiales (échanges
intrafirmes) couvrent en 1984 et 1985 entre 25 et 30% des exportations des
Etats-Unis et moins de 16 % des importations.
Hors pétrole, en 1985, les filiales américaines à l'étranger2 ont livré aux pour près de 55 milliards de dollars (y compris les livraisons hors
groupe), soit 18 % des importations des Etats-Unis comme l'année précédente
(cf. tableau 1), mais seulement 10 à 12 % si l'on défalque les réimportations.
L'afflux de produits étrangers vient d'ailleurs. Les importations effectuées par les
filiales des multinationales étrangères implantées aux Etats-Unis sont deux fois
plus importantes.
1. us Investment Abroad (58 tableaux annuels sur l'activité des multinationales et de
leurs filiales : plus de 300 tableaux dans l'enquête quinquennale). Survey of Current Business,
décembre 1985, janvier, avril, mai, septembre, octobre 1986, juin 1987.
— Les tableaux ne concernent pas les banques. En 1982, à côté des 17 213 filiales couvertes
par l'enquête dépendant de 2 110 sociétés américaines, il faut signaler l'activité de 882 banques
filiales dépendant de 151 banques ou sociétés américaines et 244 filiales autres dépendant de
28 banques américaines.
2. Sont considérées comme filiales les sociétés situées à l'étranger où une entreprise amér
icaine dispose, directement ou indirectement de 10 % du capital. Mais près de 90 % des échanges
des multinationales américaines avec leurs filiales s'effectuent avec les filiales majoritaires. RÔLE DES FILIALES AMÉRICAINES DANS LES ÉCHANGES DES ÉTATS-UNIS 167
Tableau 1
Les multinationales et leurs filiales dans les importations des Etats- Unis
(en milliards de dollars)
Importations Echanges Importations Importations Totales des E.U. ntrafirmes des multinationales Totales de mt en provenance des multinationales en provenance 1 nportations d'autres partenaires des filiales des t nultinationales
en provenance
de leurs filiales
TOTAL
1966 6,7 5,5 5,4 10,9
(26.3 X) (21,5 X) (21 X) (43 X)
1977 41,6 32.5 45,2 78
(27,5 %) (21,6 X) (30 X) (52 X)
1982 51.5 41,6 69,4 111
(21 X) (28,5 X) (45,5 X) (ПХ)
43,6 115 1983 53,2 71,5 (20.3 X) (27,3 X) (16,6 X) (43,9 X)
53 83 136 1984 63
(18.6 X) (15,6 X) (24,5 X) (40.2 X) Illustration non autorisée à la diffusion
1985 70 54.3 85 139,3
(19.5 X) (15,2 X) (23,7 X) (38,8 X)
MARCHANDISES HORS PETROLE
1977 23,7 19 25 44
(23,3 X) (18,4 X) (24,3 X) (42,5 X)
1982 36,8 30,1 27,5 57,5
(19,8 X) (16,2 X) (14.8 X) (31 X)
1983 41,4 33.5 35.2 68.7
(20 X) (16 X> (17 X) (33 X)
1984 50 41,5 42,8 84.3
(18 X) (15 X) (15,5 X) (30,7 X)
1985 54,8
(18 X)
Pourcentages calculés par rapport aux valeurs des importations des Etats-Unis indiquées
par l'OCDE.
Source : Articles du Survey of Current Business, mai et septembre 1986,
juin 1987 ; us Direct Investment Abroad, du bea du Département du Commerce
(58 tableaux annuels), cf. aussi, pour 1966 et 1977, Transnational Corporations
and International Trade publié en 1985 par le CTC de I'onu (Centre on Trans
national Corporations).
Le rôle affecté aux filiales par les multinationales et plus précisément la part
des échanges intrafirmes sont si différents selon les secteurs et les pays par
tenaires que les moyennes générales donnent une image illusoire de la réalité.
A côté de secteurs bien connus dominés par les échanges intrafirmes, d'autres
semblent leur échapper complètement, dont la situation retient souvent moins 168 JEAN LEMPERIÈRE
l'attention. Ces différences de situation doivent être soulignées et mises en
lumière.
Les filial