Salammbô de Reyer : du roman à l opéra - article ; n°38 ; vol.12, pg 93-103
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Description

Romantisme - Année 1982 - Volume 12 - Numéro 38 - Pages 93-103
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 12
Langue Français

Extrait

Joseph-Marc Bailbé
Salammbô de Reyer : du roman à l'opéra
In: Romantisme, 1982, n°38. pp. 93-103.
Citer ce document / Cite this document :
Bailbé Joseph-Marc. Salammbô de Reyer : du roman à l'opéra. In: Romantisme, 1982, n°38. pp. 93-103.
doi : 10.3406/roman.1982.4579
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1982_num_12_38_4579BAILBÊ Joseph-Marc
Salammbô de Reyer : du roman à l'Opéra
Le roman de Flaubert, dès sa parution en 1862 s'est imposé
comme un défi au genre romanesque traditionnel par son caractère
épique, la richesse de son écriture et un appel constant à l'imagination
du lecteur. C'est un opéra en prose ; il porte en lui-même sa mise en
scène et sa musique. Dans ces conditions il serait présomptueux de pré
tendre que l'art lyrique puisse donner au public l'équivalent des sensa
tions ressenties à la lecture du livre (1 ).
Salammbô de Reyer fut représentée à Bruxelles, le 10 février 1890,
au Théâtre des Arts de Rouen, le 23 novembre 1890, et à Paris, le 16
mai 1 892. Sans nous attarder sur la longue aventure du livret d'opéra,
fort bien exposée par René Dumesnil (2), je pense qu'il convient d'ana
lyser le travail du librettiste Camille du Locle, en se demandant s'il a
bien servi, à sa manière, le roman de Flaubert, et s'il a répondu à ce que
le compositeur attendait de lui. Il est sûr que Salammbô intéresse Reyer
dès sa parution puisque Flaubert écrit à Duplan le 12 juin 1862 : "J'ai
aussi une espèce d'engagement avec Reyer pour un opéra. Il serait
même possible que Salammbô mise en musique inaugurât la nouvelle
salle (3), car le libretto que l'on a donné au dit Reyer lui plaît médio
crement, et il est affriandé de l'idée de Carthage." En avril 1866,
Gautier reçoit de Flaubert un "embryon de scénario", puis c'est le
tour de Catulle Mendès, puis de Jules Barbier. Le 9 septembre 1879,
Flaubert écrit à sa nièce : "L'affaire de Salammbô avec Reyer est très
sérieuse. D'ici à peu de temps j'aurai le scénario de Du Locle." De son
côté Reyer déclare, dans son feuilleton du 30 mars 1890 au Journal
des Débats que Flaubert indiqua lui-même à Du Locle, dans une sorte
de canevas, les scènes à retenir (4). Après la mort de Flaubert, le scéna
rio fut remanié, en tenant compte des deux versions proposées par le
romancier.
(1) Voir notre étude, "Salammbô, opéra en prose", Etudes normandes n<> 3, 1981.
Jules Troubat, le secrétaire de Sainte-Beuve écrit : "II cherchait toujours le vrai et
le réel, même dans une oeuvre d'imagination. La psychologie qu'il aimait tant dans
Racine faisait défaut à ce vaste livret d'opéra."
(2) René Dumesnil, Présentation de l'édition de Salammbô, Paris, Les Belles Lettres,
1944, tome I, p. CXXXVI.
(3) II s'agit de l'Opéra de Garnier, dont la construction avait été déclarée d'utilité
publique, dès le 29 septembre I860, et qui ne fut inauguré que plus tard en 1875.
(4) Le canevas de Flaubert, associé au livret autographe de Du Locle se trouve à la
Réserve de la Bibliothèque de l'Opéra de Paris. Il a été publié par J.G. Proďhomme
au Mercure de France, le 1er août 1931. 94 Joseph-Marc Bailbé
Gautier écrit que Flaubert nous transporte "dans un monde étran
ge, inconnu, surchauffé de soleil, bariolé de couleurs éclatantes, étin-
celant de pierreries, au milieu d'une atmosphère vertigineuse, où se
mêlent aux émanations des parfums les vapeurs du sang." (5) Sans
aucun doute Flaubert, sensible dès sa jeunesse à l'art lyrique, avait
compris que Salammbô qu'il qualifiait de "truculente facétie" (6)
constituait un merveilleux sujet d'opéra, à condition qu'elle fut adaptée
à l'art lyrique par un librettiste-poète et un musicien sensible à la créa
tion littéraire. En fait, il n'avait pas trop d'illusions en ce domaine, et
l'empressement qu'il met à rédiger des scénarios, les libertés qu'il prend
avec le texte, et qu'il n'aurait pas tolérées d'un autre que lui-même,
révèlent qu'il s'agissait dans son esprit d'une question capitale : quels
sont les rapports de la poésie et de la musique ? Jusqu'où peut-on aller
dans ce sens pour que chaque art conserve sa spécificité ? Grande quer
elle qui divise depuis longtemps écrivains et musiciens, et qui est loin
d'être résolue (7).
La conception d'ensemble du librettiste
Le texte touffu de Flaubert est, on le sait, une entreprise monu
mentale de résurrection d'un peuple, d'une civilisation, dans un tour
billon de Tour de Babel qui évoque le peintre John Martin. Dans ce rêve
gigantesque il n'y a pas d'action rigoureuse; les personnages perdent
leur relief au profit de la conception d'ensemble. La fille d'Hamilcar
elle-même ne constitue qu'un élément d'un système complexe comme
l'histoire majestueuse de l'Humanité. Sainte-Beuve ne peut s'empêcher
d'écrire : * 'Did on, Médée, créations enchanteresses et immortelles !
Salammbô en comparaison n'est que bizarre, et si masquée, si affublée,
si fardée, qu'on ne se la figure pas bien, même au physique ; et au moral,
si peu entraînée ou entraînante que, malgré la complicité naturelle au
lecteur en pareil cas, on ne prend nul plaisir à lui voir faire ce qu'elle
fait. (8)" Le livret, tel que l'opéra le réclamait, en fonction des tradi
tions du genre, risquait d'apparaître un peu puéril dans l'esprit des
spectateurs, leur laissant un sentiment d'impuissance descriptive, que
la musique seule ne pouvait songer à combler, sans l'art du décorateur
qui a ses limites.
La tâche de Du Locle (9) n'était pas simple. En effet, il devait
coordonner les péripéties poétiques et dramatiques du roman de Flau
bert, en tenant compte des situations musicales, et des dispositions
scéniques déjà sous-jacentes dans le roman. Il a élagué les incidents
militaires et politiques de l'action pour ne retenir que l'élément humain
(5) T. Gautier, sur Salammbô, Le Moniteur, 22 décembre 1862.
(6) Flaubert, Lettre à Jules Duplan, 1 1 mai 1 857.
(7) Voir Paul Dukas, Ecrits sur la musique, Paris, SEFI, 1948, p. 37-39.
(8) Article de Sainte-Beuve sur Salammbô, le lundi 22 décembre 1 862.
(9) Camille Du Commun du Locle (1832-1903), séjourna à la Villa Médicis de 1851
à 1853 ; fut en 1871 directeur de l'Opéra comique avec M. de Leuven, et fit repré
senter Carmen en 1875. Sa gestion causa bien des problèmes. En 1877, il obtint un
Prix de l'Académie française avec une pièce de vers sur Chénier. Sous le pseudonyme
de Camillo il rédigea des chroniques pour le XIXème siècle, revue dirigée par Ed
mond About. Il collabora aux opéras suivants : Don Carlos, de Méry et Du Locle, " de Reyer : du roman à l'opéra g 5 "Salammbô
du drame, mais aussi en faisant un sort tout différent à des épisodes
secondaires qui devaient produire de l'effet. Il a retenu les huits ta
bleaux suivants :
1) Le Festin des Mercenaires dans les jardins d'Hamilcar (acte 1)
Introduction musicale et 7 scènes.
2) L'enceinte sacrée du Temple de Tanit (acte 2)
5 scènes.
3) Le Conseil des Anciens dans le sanctuaire du Temple de Moloch
(acte3, 1er tableau)
Introduction musicale et 2 scènes.
4) La Terrasse de Salammbô (acte 3, 2ème tableau)
4 scènes.
5) Le Camp des Mercenaires (acte 4, 1er tableau)
Ballet et 2 scènes.
6) La Tente de Mathô (acte 4, 2ème tableau)
2 scènes et Symphonie de combat.
7) Le Champ de bataille (acte 4, 3ème tableau)
4 scènes.
8) Les Noces de Salammbô (acte 5)
3 scènes.
On retrouve dans ce schéma tous les éléments d'un spectacle superbe,
original, dans le style de Meyerbeer, en plein Romantisme : festin
des Mercenaires, entrée de Giscon à cheval avec sa suite, dans une
marche aux sonorités bizarres, qui traduit la recherche expressive au
niveau des timbres et du rythme, défilé des prêtres, tableau du champ
de bataille, marche triomphale du mariage. La danse n

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