Santé mentale, coopération et développement - article ; n°187 ; vol.47, pg 509-525
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Tiers-Monde - Année 2006 - Volume 47 - Numéro 187 - Pages 509-525
Luciano Carrino - Mental health, international aid and development.
The approaches currently adopted by mental health professionals show conceptual insufficiencies when applied in situations of extreme poverty and insecurity. International partnership for development helps a process of rethinking with regard to the relationship between the needs of individuals, the function of the Ego in the quest for well-being and the responsibility of society when it imposes routes towards satisfaction that produce exclusion and feed destructive conflicts.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Luciano Carrino
Santé mentale, coopération et développement
In: Tiers-Monde. 2006, tome 47 n°187. pp. 509-525.
Abstract
Luciano Carrino - Mental health, international aid and development.
The approaches currently adopted by mental health professionals show conceptual insufficiencies when applied in situations of
extreme poverty and insecurity. International partnership for development helps a process of rethinking with regard to the
relationship between the needs of individuals, the function of the Ego in the quest for well-being and the responsibility of society
when it imposes routes towards satisfaction that produce exclusion and feed destructive conflicts.
Citer ce document / Cite this document :
Carrino Luciano. Santé mentale, coopération et développement. In: Tiers-Monde. 2006, tome 47 n°187. pp. 509-525.
doi : 10.3406/tiers.2006.5667
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2006_num_47_187_5667SANTE MENTALE, COOPERATION
ET DÉVELOPPEMENT
AU-DELÀ DES TECHNIQUES D'IMPORTATION
DANS L'AIDE HUMANITAIRE :
L'EXPÉRIENCE DU PRODERE
Luciano Carrino *
Les approches couramment adoptées par les professionnels
de la santé mentale montrent des insuffisances conceptuelles
lorsqu'elles sont appliquées aux situations d'extrême pauv
reté et d'insécurité. La coopération au développement aide
à repenser le rapport entre les besoins des individus, la fonc
tion du Moi dans la recherche de bien-être et la responsabilité
de la société lorsqu 'elle impose des parcours de satisfaction
qui produisent l'exclusion et alimentent des conflits
destructeurs.
I - UNE VIEILLE QUESTION QUI REVIENT
Les réflexions proposées dans cet article sont nées de mon expérience de
coopération dans les zones pauvres de l'Afrique, de l'Amérique Latine et de l'Europe
de l'Est. Elles concernent la relation entre le travail en santé mentale, la coopération
au développement et d'autres thèmes qui touchent à la question du mandat pro
fessionnel et social du psychiatre. C'est une vieille qui n'a jamais été
vraiment approfondie, probablement à cause des préjugés des défenseurs
* L'auteur, après avoir été un des promoteurs et animateurs de la réforme psychiatrique en Italie, a
travaillé depuis 1985 dans la coopération au développement en coordonnant différents programmes
réalisés par le pnud, I'oms, I'unesco, Toit, le HCR, I'unifem, I'unops et d'autres organisations des Nations
Unies en Amérique Latine, en Afrique et en Europe de l'Est. Depuis 2004, il est Représentant Exécutif
du Comité Scientifique pour la coopération au humain coordonné par I'unesco dans le
cadre de l'Initiative art (Appui aux réseaux territoriaux et thématiques de coopération au développe
ment humain) des Nations Unies. Il est auteur du Manuel de I'oms « Le personnel de santé et la
communauté face aux catastrophes naturelles » (Genève, 1989) et, plus récemment, du livre « Perle e
piráti. Critica délia cooperazione allô sviluppo e nuovo multilateralismo » (Ed. Erickson, Trento, 2005,
en cours de traduction en espagnol et anglais).
№ 187 -JUILLET-SEPTEMBRE 2006 - p. 509-525 - REVUE TIERS MONDE 509 Luciano Carritio
de thèses opposés : d'un côté, ceux qui défendent la « neutralité » de la profession
psychiatrique, en soutenant que son but est exclusivement d'aider les individus à
mieux faire fonctionner leur Moi 1 ; de l'autre côté, ceux qui mettent en évidence
l'utilisation conservatrice et répressive du travail psychiatrique, lorsqu'il sert à
«couvrir», par exemple, l'enfermement dans des institutions totales, lorsqu'il
adopte des techniques psychothérapiques visant à adapter des Moi en crise à une
normalité qui est fortement déséquilibrée en faveur des plus forts et, pour cela,
éthiquement et politiquement inacceptable, ou lorsqu'il est utilisé (comme on verra
par la suite) pour des finalités militaires.
Cette opposition de principe entre la vision «scientifique» et la critique
« politique » de la profession n'a pas fait avancer beaucoup la réflexion. Pourtant la
question est essentielle non seulement pour la psychiatrie, mais aussi pour toutes
les professions qui ont le but déclaré d'aider les personnes à vivre mieux.
II - TENDANCES COURANTES CHEZ LES PROFESSIONNELS
DE LA SANTÉ MENTALE
Ma réflexion part de l'observation de ce qui arrive couramment lorsqu'un
professionnel de la santé mentale, formé dans les pays riches du Nord, se trouve
amené à travailler en Afrique ou en Amérique Latine, dans des zones de pauvreté
extrême ou avec des populations victimes de guerres, violences et privations de
tout genre. J'ai vu deux tendances principales.
La première est d'appliquer le savoir et les techniques du Nord, sans se poser
trop de questions. J'ai vu, par exemple, de jeunes psychologues californiens
appliquer aux réfugiés salvadoriens les techniques de la relaxation et de l'expres
sion corporelle pour combattre le « stress » qui les affligeait. J'ai vu un peu partout
des travailleurs sociaux européens faire dessiner des enfants victimes de violences,
en les stimulant à révéler ce que leurs dessins « voulaient dire ». J'ai suivi l'histoire
d'un groupe de femmes psychanalystes européennes qui ont rencontré pendant
des années des bosniaques traumatisées par la guerre ; le rapport s'est
terminé dans la frustration générale lorsque les femmes bosniaques, étant donné
les rapports de confiance qui avaient été établis, ont demandé de l'aide concrète,
au-delà des colloques qui les aidées à « exprimer leur vécu ».
J'ai été parfois surpris par la patience des personnes sur lesquelles les pro
fessionnels du Nord essayent de plaquer leurs « techniques d'importation 2 ». Mais
en observant les réfugiés qui s'efforçaient de « sentir la pesanteur du corps et la
1 - En psychiatrie, le Moi est une fonction essentielle de l'appareil psychique qui assure l'identité de
la personne, avec sa dimension individuelle et sa dimension sociale, et sert à promouvoir la recherche
de la satisfaction des besoins avec le maximum de sécurité possible, en cherchant aussi à économiser
les énergies. Souvent, dans ce texte, le mot Moi peut être substitué par identité ou individu, mais pas
partout.
2 - L'expression est d'Albert et Françoise Brauner qui, dans leur livre J'ai dessiné la guerre (Expan
sion Scientifique Française, 1991, Paris,), offrent un panorama bien vaste des ingénuités de ceux qui
veulent à tout prix « faire exprimer » les vécus traumatiques, en provoquant des dommages sans s'en
rendre compte.
510 REVUE TIERS MONDE - № 187 -JUILLET-SEPTEMBRE 2006 Santé mentale, coopération et développement
circulation du sang », et qui semblaient s'amuser, on pouvait percevoir le courant
affectif positif des professionnels californiens, animés par une grande motivation
de solidarité. La force de cette attitude était certainement constituée par le courant
affectif solidaire et l'envie de faire à tout prix quelque chose de bon. La faiblesse
était le recours superficiel à des techniques qui ont des bases culturelles très
éloignées par rapport à la réalité et à la situation à laquelle elles sont appliquées.
La deuxième tendance, beaucoup plus rare, est d'adopter une attitude « eth-
nopsychiatrique », de se rendre compte de la distance culturelle et pratique qui
existe, et de se mettre à chercher, en toute modestie, les points de contact pour
établir un dialogue fondé sur le respect réciproque. Malheureusement, cette
deuxième tendance finit souvent par aboutir à une sorte de timidité excessive dans
l'action. La force de cette attitude est constituée par son approche méthodologiq
ue, évidemment plus correcte que la précédente. Sa faiblesse est l'inhibition
qu'elle provoque chez les professionnels, qui ne sont pas encouragés à utiliser leur
pouvoir d'experts (ou la possibilité de faire des pressions sur les institutions qui les
emploient) pour améliorer la situation concrète des personnes dont ils s'occu
pent. Parfois, cette faiblesse de l'action s'accompagne d'une vaste production de
livres et d'articles sur la culture locale ou la médecine traditionnelle.
III - MA PREMIERE EXPER

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