Sociétés d artistes et institutions officielles dans la seconde moitié du XIXe siècle - article ; n°54 ; vol.16, pg 89-113
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Description

Romantisme - Année 1986 - Volume 16 - Numéro 54 - Pages 89-113
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Paul Bouillon
Sociétés d'artistes et institutions officielles dans la seconde
moitié du XIXe siècle
In: Romantisme, 1986, n°54. pp. 89-113.
Citer ce document / Cite this document :
Bouillon Jean-Paul. Sociétés d'artistes et institutions officielles dans la seconde moitié du XIXe siècle. In: Romantisme, 1986,
n°54. pp. 89-113.
doi : 10.3406/roman.1986.4847
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1986_num_16_54_4847Jean-Paul BOUILLON
Sociétés d'artistes et institutions officielles
dans la seconde moitié du XIXe siècle
La multiplication et le développement des sociétés d'artistes dans la
seconde moitié du XIXe siècle constitue sans doute l'un des traits caractéristi
ques de la vie artistique française pendant cette période. Plus généralement c'est
peut-être l'un des indices significatifs des modifications profondes de la société
française à cette époque. Le phénomène pourtant n'a fait l'objet d'aucune étude
d'ensemble jusqu'à présent, et au niveau même de l'information la majeure part
ies des faits reste à regrouper et à étudier1. Quand la question a été abordée
c'est comme incidemment, et presque exclusivement par le biais d'une histoire
de l'art entendue au sens le plus restrictif du terme : biographie d'artiste ayant
participé à telle ou telle de ces sociétés, chronique de la vie artistique appréhen
dée au niveau de ses manifestations les plus pittoresques ou les plus anecdoti-
ques, ou encore simple rassemblement de documents — et avant tout des œuvres
produites individuellement par les membres du groupe — sans prise en considé
ration de la problématique particulière que pose ce type de « structure de sociabi
lité» et sa fortune exceptionnelle à cette date2. L'exemple le plus
symptomatique à cet égard est sans doute celui du «groupe» des peintres
« impressionnistes », dont on oublie trop souvent qu'il a pour seule base légale
mais peut-être aussi pour seul véritable lien organique la « Société anonyme coo
pérative à personnel et capital variables des artistes peintres, sculpteurs, gra
veurs, etc. », qui est son nom officiel au moment de sa fondation en 18743.
Entre l'époque où régnaient les Académies et la période contemporaine
où jouent d'abord les lois du marché, dans les sociétés occidentales au moins,
le « temps des sociétés » caractérise peut-être cette phase de transition, sinon
d'équilibre, où commence à s'opérer de façon ambiguë, équivoque, peu percepti
ble pour les contemporains, la dissociation entre le débat esthétique et la recher
che d'une solution économique et sociale nouvelle aux problèmes que pose
l'évolution rapide de la société contemporaine (et dont témoigne par exemple
l'augmentation importante du nombre des artistes et des objets d'art mis sur le
marché). C'est sans doute de cette définition très large du « temps des sociétés »
— ou de cette hypothèse de travail — qu'il faut partir pour essayer de comprend
re un phénomène certainement très complexe et difficile à saisir. L'historiogra
phie traditionnelle en effet entretient, ou même redouble l'équivoque quand elle
continue d'associer a priori la notion de « groupes » (plutôt que de « sociétés »)
indépendants des institutions officielles (ou de préférence « en révolte » contre
elles) à celle d'un « progrès » esthétique qui trouverait son origine et son modèle
dans la seconde moitié du XIXe siècle, avant la succession des différentes
« avant-gardes » qui ferait l'essentiel de l'histoire de l'art du XXe siècle4. 90 Jean-Paul Bouillon
Le mouvement impressionniste, longtemps seul à retenir l'attention pour
des raisons qualitatives évidentes mais qui devraient être ici mises à l'écart, a joué
naturellement le rôle d'un « modèle » dans la constitution de ce schéma, proje
tant sur l'ensemble de la période l'image, en grande partie mythique comme on
essaiera de le montrer, du « groupe » type, dont les convictions esthétiques ne
peuvent se manifester et s'affirmer que par le biais d'une association constituée
en marge des organismes d'État et principalement dirigée contre eux. L'impor
tance de ce modèle, à partir duquel il faudra réexaminer le cas des autres « socié
tés» qu'il a fait oublier ou dont il a commandé trop exclusivement
l'interprétation, mérite qu'on s'arrête à en démonter un peu plus précisément
les composantes.
La majeure partie des recherches scientifiques et les publications vulgari
satrices concordent en effet curieusement sur ce point : l'importance du phéno
mène impressionniste (et ce qui contribue à terme à son succès) tient en grande
partie à ce qu'il est le fait d'un petit groupe cohérent d'individus qui a élaboré
une esthétique commune et a réussi à en faire finalement triompher la légitimité,
par la force de ses convictions et celle surtout de son organisation associative.
La création de cette petite « contre-société » aux débuts difficiles et dérisoires,
moquée dans la mesure précisément où elle paraît faire groupe (« impressionn
iste » est d'abord un qualificatif générique de dérision), contiendrait à terme
la ruine de l'institution : elle est indice et promesse de la faillite d'un pouvoir
qui n'a pas su faire évoluer à temps ses conceptions en matière d'art.
Dans la même ligne la manifestation du groupe en tant que tel doit donc
être valorisée : le « groupe » impressionniste se condense à son tour en une
exposition-manifeste fondatrice qui est chargée d'en souligner la cohérence
esthétique correspondant à la cohésion de l'association. C'est le rôle de la
fameuse exposition de 1874, célébrée en 1974 avec l'éclat et le succès que l'on
sait comme le « Centenaire de l'Impressionnisme » — la fonction d'opposition
esthétique et sociale du « groupe » étant renforcée par la présentation simultanée
de l'art dit « officiel » à la même époque, celui du Musée du Luxembourg, inégal,
divers, éclectique et qui lui précisément ne fait pas « groupe », donc ne saurait
faire rupture5.
L'idée que le groupe est ainsi lié étroitement à la défense et l'illustration
d'une esthétique précise joue donc un rôle cardinal dans la constitution du
mythe. Et le mythe devient modèle quand le même schéma sert à la reconstitution
autour de l'épisode impressionniste de l'histoire de la peinture de la seconde moit
ié du siècle. L'exposition de 1874 devient le moment clef d'une évolution linéaire
où la succession des avant-gardes accompagne le desserrement progressif de la
tutelle étatique sous les coups de boutoir d'autant de « contre-sociétés » et de
« contre-expositions ». Le « Salon des refusés » de 1863 ouvre la période en affi
rmant l'existence du courant réaliste rejeté du Salon officiel, celui des Indépend
ants, la clôt en 1884 par la proclamation d'une liberté totale (« ni jury, ni
récompense ») et le lancement simultané de la dernière avant-garde, celle des
néo-impressionnistes, qui conduit au seuil du XXe siècle6. 1863 devient ainsi la
date de « naissance de la peinture moderne » dont la première manifestation du
« groupe impressionniste », en 1874, marque l'avènement7.
C'est ce schéma, et ce modèle, que l'on voudrait remettre en cause ici. Au
récit de la constitution d'un « groupe » type « d'amis » réunis au « hasard » des
rencontres par la convergence des recherches plastiques et l'hostilité systémati
que des pouvoirs publics, on propose de substituer l'histoire des multiples socié
tés suscitées par les conditions économiques nouvelles, confrontées ensuite au
problème des esthétiques de groupe, et jouant ou amenées à jouer avec le pouvoir Sociétés d'artistes 91
un rôle

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