Sources énonciatives et techniques argumentatives dans le roman de Trifonov la Maison sur le quai - article ; n°2 ; vol.66, pg 333-346
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Sources énonciatives et techniques argumentatives dans le roman de Trifonov la Maison sur le quai - article ; n°2 ; vol.66, pg 333-346

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Description

Revue des études slaves - Année 1994 - Volume 66 - Numéro 2 - Pages 333-346
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Robert Roudet
Sources énonciatives et techniques argumentatives dans le
roman de Trifonov la Maison sur le quai
In: Revue des études slaves, Tome 66, fascicule 2, 1994. pp. 333-346.
Citer ce document / Cite this document :
Roudet Robert. Sources énonciatives et techniques argumentatives dans le roman de Trifonov la Maison sur le quai. In: Revue
des études slaves, Tome 66, fascicule 2, 1994. pp. 333-346.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1994_num_66_2_6186SOURCES ENONCIATIVES ET TECHNIQUES ARGUMENTATIVES
DANS LE ROMAN DE TRIFONOV LA MAISON SUR LE QUAI
PAR
ROBERT ROUDET
L'un des traits qui retiennent tout de suite l'attention à la lecture de la
Maison sur le quai1 est une certaine complexité du récit qui provient essentiell
ement de deux types de facteurs : d'une part, les sources narratives sont multiples
et, d'autre part, le caractère du héros, dont la présentation est au centre de
l'œuvre, est fluctuant, difficilement cernable.
Précisons ce que représente exactement la multiplicité des sources narra
tives : ce roman est composé de deux récits distincts, bien qu'imbriqués l'un
dans l'autre, menés par des narrateurs différents (que nous nommerons arbitra
irement N1 et N2). N2 est un héros non identifiable, mais présent dans la trame du
roman — son récit est conduit à la première personne ; les quelques pages qui
lui sont dues sont agencées selon l'ordre chronologique et le style de celles-ci
est très stable, car N2 est réellement la source narrative unique de cette partie du
roman.
Le récit de N1 est bien plus complexe. N1 est un narrateur extrêmement
discret, qui laisse ses héros — essentiellement Glebov — s'exprimer sans inte
rmédiaire ; l'utilisation du discours indirect libre est ici systématique, comme
c'est souvent le cas dans l'œuvre de Trifonov. (Th. Lahusen fait remarquer en
citant une critique russe que « la constatation du caractère bivocal de la prose de
Trifonov où souvent se mêlent de façon inextricable les voix de l'auteur et des
héros est devenue un lieu commun de la critique nationale et internationale2 ».)
Contrairement au récit de N2, celui de N1 est chaotique, de style très variable,
car il est un genre de patchwork de souvenirs, auquel on peut appliquer à la
1. L'édition utilisée est la suivante : Ju. Trifonov, Собрание сочинений, L 2, M.,
Xudožestvennaja literatura, 1986. Les indications de page renvoient toujours à cette édition
(les quelques coupures auxquelles nous avons procédé sont indiquées par le signe [...]) ; nous
qualifierons cette œuvre de roman, dénomination la plus conforme aux notions françaises,
malgré l'appellation russe depovesť.
2. Th. Lahusen, « Du "dialogisme" et de la "polyphonie" dans deux ouvrages des
années soixante : Une semaine comme les autres de N. Baranskaja et Bilan préalable de
Ju. Trifonov », Revue des études slaves, LVIII, 1986, 4, p. 563-584.
Rev. Étud. slaves, Paris, LXVI/2, 1994, p. 333-346. 334 R. ROUDET
lettre l'affirmation de N. A. Koževnikova caractérisant ce va-et-vient continuel
entre le présent et un passé toujours réactualisé : «Прошлое не столько
вспоминается сколько переживается заново...3».
Nous désirons analyser le discours de Glebov qui nous semble le pivot
autour duquel s'organise l'ensemble du roman — mais nous pensons qu'il
convient pour cela de prendre en considération l'ensemble du récit de N1, car il
est difficile, à priori, de décider quels propos sont à attribuer au narrateur en tant
que tel et lesquels reviennent directement à son personnage. Nous essaierons de
mettre en évidence quelques caractéristiques de la technique argumentative de
Glebov en utilisant les notions de locuteur et d'énonciateur telles qu'elles ont été
définies par O. Ducrot4 : un locuteur peut mettre en scène plusieurs énoncia-
teurs, le locuteur effectif n'étant responsable que d'une partie de son propos.
O. Ducrot illustre ceci de l'exemple suivant — il s'agit de deux vers tirés de
Britannicus où Agrippine ironise sur les propos de sa confidente :
Et ce même Néron, que la vertu conduit
Fait enlever Junie au milieu de la nuit !
L'énonciateur responsable du contenu de la relative est bien évidemment la
confidente et non Agrippine elle-même.
Dans l'étude que nous nous proposons de mener, nous nous attacherons
tout d'abord à l'examen de l'attitude de Glebov face à un certain nombre d'ac
cusations — souvent, en fait, non formulées — auxquelles il répond dans un
dialogue intérieur ; nous passerons ensuite à l'analyse des dialogues réels avec
son entourage. Enfin, dans une dernière partie, nous examinerons ce que repré
sente l'attitude de Glebov face à lui-même et essaierons de montrer que la psy
chologie du héros se dessine au moyen d'un certain jeu linguistique que traduit
son discours.
LES DIALOGUES INTÉRIEURS
Le plus long de ceux-ci se trouve vers la fin de l'œuvre (p. 474-476) ; il est
composé de multiples interrogations sur la conduite à tenir vis-à-vis de l'intrigue
se nouant contre Gančuk. Le caractère extrêmement hésitant du héros apparaît
de façon parfaitement claire. Un bon nombre de questions reste sans réponse (et,
en premier lieu, bien sûr, la question : que faire ?). À l'intérieur de ce long pas
sage, Glebov discute tout à coup avec les détracteurs de Gančuk, auxquels il
s'oppose en pensée — mais il n'y a pas vraiment de conclusion. Que représente
finalement Gančuk ? Faut-il le considérer réellement comme une victime, ou la
situation actuelle est-elle plutôt un juste retour des choses ? Après quelques
débuts de réponses contradictoires, entre lesquelles Glebov n'arrive pas à
choisir, ces questions-là aussi restent en suspens. Le trouble de ce dernier se
traduit par le nombre d'exclamations, d'interrogations, de même que par un
certain rythme — phrases souvent très courtes, passages très rapides d'un sujet à
un autre font que la langue se rapproche parfois effectivement beaucoup de celle
3. N. A. Koževnikova, « О соотношении речи автора и персонажа », in Язы
ковые процессы современной русской художественной литературы : проза, М.,
Nauka, 1977.
4. О. Ducrot, « Esquisse d'une théorie polyphonique de renonciation », in le Dire et
le Dit, Paris, Éd. de Minuit, 1984. ÉNONCIATIVES ET TECHNIQUES ARGUMENTATIVES 335 SOURCES
dans laquelle pourraient être formulées les pensées du héros au moment où elles
se sont présentées à son esprit.
Avant de nous attacher plus longuement à deux autres extraits qui requiè
rent une analyse plus détaillée pour mettre en lumière leur côté fortement dialo-
gique, nous citerons une phrase tirée du début de l'œuvre (374), car celle-ci
nous donnera une idée d'un principe général auquel se tient Glebov dans ses
propos. Il est question du souvenir d'un petit règlement de comptes entre Lev
Sulepnikov et ses camarades de classe, qui, après avoir tourné à l'avantage de
Lev, aura en fait des conséquences assez graves :
Глебов горячо подговаривал расправиться с Шулепой, который ему не нра
вился — ему вообще не очень нравились те, кто жил в большом доме, — но в
последний миг решил не участвовать. Может, ему стало немного стыдно.
Ce qui nous intéresse ici est la dernière affirmation selon laquelle il avait eu
peut-être un peu honte. Tout lecteur ne peut que mettre en doute ce motif de
l'abstention de Glebov, car il est clair qu'il s'agit bien plutôt d'un réflexe de
prudence innée. Aussi constatons-nous que cette affirmation est nuancée par un
« peut-être » révélateur : certaines paroles de ce héros sont fort loin de traduire
la vérité, mais la présentation de celles-ci est suffisamment nuancée pour que
l'on ne puisse pas taxer ce dernier de menteur pur et simple. Il ne s'engage, en
fait, que le moins possible, même vis-à-vis de ses propres paroles.
Passons maintenant à d'autres extraits, où cette façon de se justifier tant
bien que mal, tout en affirmant le moins de choses possible, apparaît avec une
netteté particulière. Nous pensons à deux passages où Glebov se remémore deux
trahisons et leurs conséquences. Voici le premier de ces souvenirs — Glebov est
interrogé par le père de iŠulepnikov, qui veut à tout prix savoir qui s'est permis,
quelque temp

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