Sublime, sublimation et narcissisme chez Diderot - article ; n°1 ; vol.13, pg 31-46
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Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1992 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 31-46
Dominique Reyrache-Leborgne: Sublime, Sublimation and Narcissism in Diderot.
Diderot's taste for the sublime, strongly affirmed in the Salons and in his correspondence, is both logical and paradoxical. It is logical as it is part of an apology for strong passions that derives from Burke and is part of the taste of his age. But it is also a paradox as it contradicts his search for philosophical wisdom. Greatness in crime, the terror inspired by religious and sacrifical scenes and, unexpectedly, the energy of erotic scenes, are fascinating elements in artistic representation and history but they are incompatible with reason or morality. The fact that Diderot is unable to theorize this paradox leads us to conclude that his emphasis on the sublime has partly unconscious motives, whose trail leads us to Diderot's dual poetics of sublime egoism and Eros.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 67
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Dominique Peyrache-
Leborgne
Sublime, sublimation et narcissisme chez Diderot
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 13, 1992. pp. 31-46.
Abstract
Dominique Reyrache-Leborgne: Sublime, Sublimation and Narcissism in Diderot.
Diderot's taste for the sublime, strongly affirmed in the Salons and in his correspondence, is both logical and paradoxical. It is
logical as it is part of an apology for strong passions that derives from Burke and is part of the taste of his age. But it is also a
paradox as it contradicts his search for philosophical wisdom. Greatness in crime, the terror inspired by religious and sacrifical
scenes and, unexpectedly, the energy of erotic scenes, are fascinating elements in artistic representation and history but they are
incompatible with reason or morality. The fact that Diderot is unable to theorize this paradox leads us to conclude that his
emphasis on the sublime has partly unconscious motives, whose trail leads us to Diderot's dual poetics of sublime egoism and
Eros.
Citer ce document / Cite this document :
Peyrache-Leborgne Dominique. Sublime, sublimation et narcissisme chez Diderot. In: Recherches sur Diderot et sur
l'Encyclopédie, numéro 13, 1992. pp. 31-46.
doi : 10.3406/rde.1992.1184
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1992_num_13_1_1184PEYRACHE-LEBORGNE Dominique
Sublime, sublimation et narcissisme
chez Diderot
évolution. intègre C'est pleinement dans Sa réflexion le Salon l'esthétique de sur 1767, le sublime sous du sublime l'influence est en à fait la de logique Burke1, esquissée de que de sa Diderot propre longue
date: dès les premiers Salons, l'adjectif substantivé «sublime» est un
des termes privilégiés pour qualifier la plus haute perfection artistique,
alliée à la puissance de l'imagination, de la verve et de l'idéal. Il
distingue ainsi un «sublime du technique»2, celui de Chardin par
exemple, et un « sublime de l'idée »3, estimant les deux nécessaires pour
parvenir à la perfection géniale. La notion informe en outre des
réflexions intimes, philosophiques et morales. Les Essais sur la peinture
soulignent que «le vrai, le bon et le beau se tiennent de bien près»
(DPV, XIV, 76) : esthétique et morale sont constamment mises en
regard. Aussi la notion de sublime intéresse-t-elle tout autant les
réflexions dispersées dans sa correspondance ou les œuvres de fiction
comme Le Neveu de Rameau que les textes proprement esthétiques.
Nous voudrions montrer que la notion de sublime, concept
dynamique au xvme siècle4, est reprise par Diderot, de façon personnelle,
1 . A Philosophical Enquiry into the Origin of our Ideas of the Sublime and Beautiful
(1757) ; Recherches Philosophiques sur l'origine de nos idées du Beau et le Sublime,
nouv. trad. commentée par Baldine Saint Girons, Vrin, 1990.
2. Salon de 1765, DPV, XIV, 111 : « Si le sublime du technique n'y était pas, l'idéal
de Chardin serait misérable».
3. Salon de 1765, DPV, XIV, 80: «C'est bien fait d'être simple, mais on s'impose
alors la nécessité d'être sublime, sublime dans l'idée, sublime dans l'exécution». Le
sublime de l'idée correspond pour Diderot aux sujets nobles ou héroïques.
4. Les principaux théoriciens du sublime à partir de 1750, sont, outre Burke, dont le
traité du sublime connut un réel succès dès sa parution, Richard Payne Knight: An
Analytical Inquiry into the Principles ofTaste, London, 1805 ; 4e édit. 1808 ; en Allemagne,
Kant théorisera les principes subjectifs du sublime dans la Critique de la faculté de juger
en 1790, et inspirera les réflexions esthétiques de Schiller, notamment le traité du
Sublime (Vom Erhabenen), paru en 1793 dans Die Neue Thalia.
Recherches sur Diderot et sur Y Encyclopédie, 13, octobre 1992 :
32 DOMINIQUE PEYRACHE-LEBORGNE
dans le cadre d'une quête égotiste. Au-delà des modes et des débats
esthétiques, elle est amenée à soutenir un projet général de valorisation
du moi — plus ou moins conscient — , qui est aussi une leçon d'humanisme.
I. — LE SALON DE 1767 UNE ESTHÉTIQUE DU SUJET
Gita May a montré comment Diderot, dans Le Salon de 1767, est
conduit à théoriser la notion de sublime5. Burke lui fournit un nouveau
langage qui lui permet de conceptualiser des intuitions encore informulées.
Le goût affirmé pour les situations violentes et les tempêtes lucrétiennes
est alors directement rattaché au concept de sublime :
Tout ce qui étonne l'âme, tout ce qui imprime un sentiment de terreur
conduit au sublime. Une vaste plaine n'étonne pas comme l'océan, ni
l'océan tranquille comme l'océan agité (DPV, XVI, 233-234).
Le trente-neuvième article, consacré à Vernet, qui s'attache à définir
un sublime des spectacles de la nature, est tout entier construit sur un
artifice littéraire : il s'agit de substituer un décor naturel à l'exposition
de peinture, et simuler une promenade, effectuée par l'auteur en la
compagnie d'un abbé, disciple socratique privilégié ; une confusion
entre la nature et l'art s'opère ainsi, nécessaire à la maïeutique didero-
tesque. L'émerveillement devant les sites naturels, à la fois montagneux
et proches de la mer, sert de prétexte à l'éloge des tableaux de l'artiste,
et soulève une interrogation sur les rapports entre l'art et l'imitation de
la nature, entre le génie de l'artiste et la puissance divine.
Les caractéristiques des sept tableaux étudiés reposent sur des
critères inverses de ceux de l'esthétique classique : l'étendue, l'immensité
(hauteur et profondeur), l'irrégularité, la violence, l'absence de limites.
Le sublime arrache alors l'homme à son état ordinaire, et conduit le
philosophe à abdiquer le gouvernement de sa raison. Dans le sentiment
du sacré, son imagination s'ouvre à la démesure de désirs habituellement
contenus par les impératifs de la civilisation :
Prêtres, placez vos autels, élevez vos édifices au fond des forêts. Que les
plaintes de vos victimes percent les ténèbres. Que vos scènes mystérieuses,
théurgiques, sanglantes, ne soient éclairées que de la lueur funeste des
torches [...]. Il y a, dans toutes ces choses, je ne sais quoi de terrible, de
grand et d'obscur (DPV, XVI, 234-235).
Dans cette apologie de la terreur, les critères objectifs apparaissent
insuffisants pour définir le sublime. L'analyse de Diderot est avant tout
fondée sur l'effet produit sur le spectateur : « Je promenai mes regards
autour de moi, et j'éprouvai un plaisir accompagné de frémissement»
5. «Diderot and Burke. A Study in Aesthetic Affinity», P.M.L.A., 1960, march,
vol. LXXV n° 1, pp. 527-539. SUBLIMATION ET NARCISSISME CHEZ DIDEROT 33 SUBLIME,
(p. 182). Le ton même adopté dans les Salons, celui du reportage
spontané ou de la causerie amicale avec Grimm autorise un constant
passage entre l'analyse technique et l'expression jubilatoire, presque
narcissique des états d'âme de celui qui contemple. Diderot ménage
ainsi, au cours de la «promenade Vernet», une gradation dans l'intensité
émotive du spectateur, dont la passivité initiale se change en réceptivité
intense. Du premier au dernier site, le visiteur passe par tous les stades
de l'admiration, du plaisir et de la crainte : «Je ne pouvais m'arracher
à ce spectacle mêlé de plaisir et d'effroi» (ibid). Il s'agit bien ici du
« delight » burkien fondé sur l'oxymore de l'horreur délicieuse. Parvenu
au stade esthétique où les sensations les plus contradictoires se mêlent,
le spectateur, sous l'impulsion de sa violente émotion, investit le tableau
de toutes ses facultés personnelles. Le sublime a sa contagion : il
incite à l'enthousiasme, échauffe l'imagination et pousse à la création.
Le spectacle sublime préside ainsi à un renversement de la position du
contemplateur: de réceptif, celui-ci devient actif et se substitue au
peintre. Le tableau de Vernet est une invitation au rêve et à l'action.
Diderot refait la scène, peuple le paysage naturel de personnages
émouvants ou terribles : « Mon imagination échauffée place à l'entrée
de cette caverne une jeune fille... » (p. 183).
L'esthétique burkienne de la terreur, largement dominante dans les
Salons, est pourtant à c

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