Sur Marx et la recomposition du monde  - article ; n°1 ; vol.68, pg 46-58
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Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2000 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 46-58
Si l'on considère que persiste la logique de domination inhérente à la logique marchande, que s'est renforcée l'aliénation du travailleur dans son incapacité à maîtriser sa production, que le social semble de plus en plus subordonné à l'économique, pourquoi une critique formulée à partir des catégories marxistes ne trouverait-elle pas aujourd'hui sa pertinence ? Alain Touraine en explique à la fois l'opportunité et l' obsolescence.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alain Touraine
Maria Lafitte
Sur Marx et la recomposition du monde
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°68, 2000. pp. 46-58.
Résumé
Si l'on considère que persiste la logique de domination inhérente à la logique marchande, que s'est renforcée l'aliénation du
travailleur dans son incapacité à maîtriser sa production, que le social semble de plus en plus subordonné à l'économique,
pourquoi une critique formulée à partir des catégories marxistes ne trouverait-elle pas aujourd'hui sa pertinence ? Alain Touraine
en explique à la fois l'opportunité et l' obsolescence.
Citer ce document / Cite this document :
Touraine Alain, Lafitte Maria. Sur Marx et la recomposition du monde . In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique.
N°68, 2000. pp. 46-58.
doi : 10.3406/chris.2000.2234
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2000_num_68_1_2234Marx et la « recomposition du monde » Sur
Alain Touraine interrogé par Maria Lafitte
Résumé : Si l'on considère que persiste la logique de domination inhé
rente à la logique marchande, que s'est renforcée l'aliénation du travailleur
dans son incapacité à maîtriser sa production, que le social semble de plus
en plus subordonné à l'économique, pourquoi une critique formulée à partir
des catégories marxistes ne trouverait-elle pas aujourd'hui sa pertinence ?
Alain Touraine en explique à la fois l'opportunité et V obsolescence.
Maria Lafitte : Avant d'en venir à l'alternative que vous proposez au
libéralisme ', je voudrais, très naïvement, m 'étonner de ce paradoxe :
l'accroissement de l'exclusion et l'amenuisement de l'audience et de
l'efficacité d'une critique d'inspiration marxiste. Les causes de cette
dereliction sont certes à rechercher dans le passage de la société indust
rielle à la société «post-industrielle » («programmée » ou « de l'info
rmation »), où le travail n'est plus le seul centre des mobilisations
sociales, où l'expansion du capitalisme à pu conduire à un repli de cha
cun sur son confort et ses intérêts, où les philosophies de V histoires se
sont discréditées dans leur incapacité à s'incarner dans des projets
autres que totalitaires. Pourtant, vous établissez un parallèle entre le
contexte actuel, où se posent plus que jamais les questions de la production
et de la répartition, et celui qui prévalait il y a un siècle, jusqu 'à affirmer,
par exemple, qu'« il faut donc, comme au temps de Marx, révéler les rap
ports sociaux de domination derrière la domination de la marchandise » 2.
Dans quelle mesure une critique d'inspiration marxiste mérite-t-elle
aujourd'hui d'être réhabilitée dans le cadre d'une analyse de la modernité
post-industrielle ou de sa contestation ? Et comment vous situez-vous par
rapport à cette pensée socialiste originelle, en tant que philosophie puisque
l'on ne peut que rejeter avec vous ses dérives idéologiques ?
* Alain Touraine, sociologue, est directeur d'études à l'École des hautes études en
sciences sociales et chercheur au Centre d'analyse et d'intervention sociologique. Il est
notamment l'auteur de : Le grand refus. Réflexions sur la grève de décembre 1995 (avec
F. Dubet, F. Khosrokhavar, D. Lapeyronnie, M. Wieviorka, Fayard, 1996) ; Qu'est-ce que
la démocratie ? (Fayard, 1994) ; Critique de la modernité (Fayard, 1992) ; Le retour
de l'acteur (Fayard, 1984) ; Le communisme utopique (1968) (Seuil, 1973) ; La société
post-industrielle (Denoël, 1969) ; La conscience ouvrière (Seuil, 1966)...
Maria Lafitte est étudiante à l'EHESS - CADIS.
46 Marx et la « recomposition du monde » Sur
Alain Touraine : Je précise d'abord que la France est un pays où
la connaissance et l'enseignement de Marx se sont considérablement amen
uisés, à la différence de l'Angleterre et surtout des États-Unis, où c'est
l'auteur le plus enseigné en sociologie. Cela étant, est-ce une œuvre qui a
de l'intérêt ou qui n'en a pas ? Il est absurde de dire qu'elle n'en a pas.
Alors, d'où vient à la fois l'utilité, la nécessité, et la difficulté, pour ne pas
dire l'impossibilité de s'y référer ? Les analyses de Marx portent sur ce
qu'il appelle le capitalisme mais qui est en même temps la société indust
rielle. C'est-à-dire que les forces productives^ les rapports sociaux de pro
duction, la gestion financière ou politique du changement social, forment
un ensemble, ce qui me semble définir le marxisme : il y a une identifica
tion des problèmes structurels de la société industrielle - ce que l'on
pourrait appeler « domination de classe » - et du fonctionnement du capi
talisme comme mode d'industrialisation, de modernisation. Or, pour ma
part, je crois à la séparation fondamentale de ces deux ordres d'analyse. Il
faut distinguer le fonctionnement d'un type de société - par exemple, « la
société industrielle », c'est-à-dire les techniques, l'organisation et les rap
ports de classes, d'autant que ceux-ci y sont très directement inscrits dans
l'organisation du travail - et la gestion de l'industrialisation, c'est-à-dire
du changement. Selon moi, il est absolument essentiel de distinguer la
« modernité » et la « modernisation ». Je reconnais que, en général et pen
dant très longtemps, on a identifié les deux phénomènes. Il est relativ
ement récent que l'on ait parlé de « société industrielle » - c'est Raymond
Aron qui l'a fait en France. Dans le monde où nous vivons, cent cinquante
ans après, je veux absolument les séparer, et là je pense tout à fait dans des
termes marxistes : je crois à l'existence d'ensembles sociétaux qui sont
définis par la production et j'approuve avec force le travail de Manuel
Castells, qui a été très marxiste et qui, à mon avis, l'est encore, qui nous
parle de la « société de l'information », des réseaux, des systèmes, des
formes d'autorité. C'est l'équivalent de la société industrielle, peu importe
les termes qu'il emploie. Je fais l'hypothèse qu'autre chose est : comment
gère-t-on des transformations qui mènent vers une forme ou une autre de
cette société de l'information ? Après la guerre, partout dans le monde,
nous avons eu des programmes nationaux de reconstruction et de dévelop
pement économique sous la direction de l'État, qui ont plus ou moins
fonctionné pendant une trentaine d'années - « les trente Glorieuses » où
l'État dominait l'économie, ce que l'on oublie en général ! Mais, progres
sivement, ce système s'est perverti, usé, cassé, parce qu'il ne s'adaptait
pas, ne se diversifiait pas : la croissance de l'Union soviétique se termine
au début des années soixante-dix.
47 Alain Touraine
M. L. : Là, on ne peut effectivement accuser le capitalisme mondial !
A. T. : Évidemment. En France, nous avons commencé - déjà à
l'époque Rocard - à nous préoccuper de la manière de parvenir à une
autonomie de l'économie par rapport à l'État. À partir des années
soixante-dix, où s'organise une économie mondiale à du pétrole,
puis plus récemment, disons à partir de la chute du système soviétique,
on s'est mis soudain à avoir une représentation différente. D'où le sent
iment de catastrophe qui a prévalu de 1 99 1 à 1 997, que tout va de mal en
pis et qu'on ne peut rien y faire car règne la pensée unique. Étant donné
que l'économie est globalisée, et comme il n'y a pas de pouvoir politique
ou culturel mondial, c'est l'économie qui commande. Donc « globalisa
tion » n'est qu'une gentille manière géographique de dire : triomphe du
capitalisme.
M. L. : Une « idéologie », selon vous, au service de la domination de
l 'économie sur le politique et le social — et surtout celle du capital - ou
de ceux qui veulent justifier leur immobilisme. Mais un « mythe » aux
effets concrets en termes de précarit&

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