Titien-la-couleur et la couleur fard. Code et fîguralité dans La Comédie humaine - article ; n°79 ; vol.23, pg 15-27
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Titien-la-couleur et la couleur fard. Code et fîguralité dans La Comédie humaine - article ; n°79 ; vol.23, pg 15-27

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Description

Romantisme - Année 1993 - Volume 23 - Numéro 79 - Pages 15-27
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bernard Vouilloux
Titien-la-couleur et la couleur fard. Code et fîguralité dans La
Comédie humaine
In: Romantisme, 1993, n°79. pp. 15-27.
Citer ce document / Cite this document :
Vouilloux Bernard. Titien-la-couleur et la couleur fard. Code et fîguralité dans La Comédie humaine. In: Romantisme, 1993,
n°79. pp. 15-27.
doi : 10.3406/roman.1993.6185
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1993_num_23_79_6185BernardVOUILLOUX
Titien-la-couleur et la couleur-fard
Code et figuralité dans La Comédie humaine
Le lecteur du Chef-d'œuvre inconnu n'a sans doute pas oublié l'apparition
fantastique de Frenhofer à la seconde page du récit ni la phrase qui, en conclusion
d'un "portrait" en bonne et due forme, insinue quelque étrangeté dans la familiarité
dont joue la réminiscence culturelle : "Vous eussiez dit une toile de Rembrandt
marchant silencieusement et sans cadre dans la noire atmosphère que s'est
appropriée ce grand peintre" x. Si Г "image" demande que l'on s'y arrête, ce n'est
pas pour la lumière rembranesque qu'elle est censée nous donner à voir, mais pour
la singulière métonymie dont elle se soutient : ce qui stupéfie la lecture, ce n'est
pas la référence à l'image de peinture, mais la distorsion qui travaille Г" image"
verbale, qui en fausse ou déporte la portée. L'étrangeté tient en effet à cela que le
comparant n'y est pas, comme on s'y attendrait, un personnage peint par
Rembrandt - l'analogon pictural de Frenhofer -, mais une toile : non la figure,
mais le subjectile; non la représentation, mais ce qui la présente. La substitution
par glissement d'un plan sous l'autre (du support sous la profondeur feinte) n'est
pas de peu de sens ; elle pointe ce qui est sans doute, comme l'a montré Hubert
Damisch, l'un des principaux enjeux du Chef-d'œuvre inconnu : l'émergence des
"dessous" 2. Il n'est pas indifférent, à cet égard, que cet "indice" se propose à la
lecture - mais de façon si ténue que quasiment illisible - sur la lisière du récit (au
moment où "entre en scène" le personnage principal), et donc avant même les
démonstrations théoriques explicites de Frenhofer ou la monstration non moins
explicite de son chef-d'œuvre à Porbus et Poussin : tout entier plié ou crypté dans
l'agencement microstructural d'une comparaison, dans le discret ébranlement
figurai qu1 il imprime au cadre des attentes légitimes, aux schemes du connu et du
reconnaissable. Avant même d'être nommé "Frenhofer", classé comme peintre et
actualisé en tant qu'auteur du portrait de Catherine Lescault, le vieillard est
figuralement dé-figuré : présenté comme semblable à son tableau, c'est-à-dire à la
toile décadrée qui pousse au devant des yeux une impossible figure ; semblable à
la dissemblance, noirceur en marche dont on se demande bien alors quel peintre,
aussi "grand" l'"approprier" - quel nom propre de peintre soit-il, pourrait se
pourrait en arraisonner l'effet. La "leçon", la lecture que fraye cette comparaison
devra être retenue : elle donne la mesure de ce qui, au titre de la peinture, est
incommensurable au nom, et donc, d'une certaine manière, non moins infigurable
qu'illisible.
ROMANTISME n°79 (1993 - 1) 16 Bernard Vouilloux
Le code des noms et le savoir pictural
Leçon, ai-je dit. Qu'il y ait plusieurs manières de lire La Comédie humaine,
d'y entrer et d'y frayer des parcours de sens, c'est là une évidence (et même un
truisme) qu'attestent aussi bien l'histoire de sa réception critique que la
concurrence entre les modèles de lecture qui aujourd'hui s'en partagent
l'interprétation (on le vérifiera précisément sur Le Chef-d'œuvre inconnu). En cela
l'œuvre de Balzac n'échappe pas au sort commun des textes. Toutefois, on peut se
demander si discours et modèles, aussi différents qu'ils puissent être, n'ont pas eu
tous à compter avec une particularité de ce monument romanesque, et qui participe
à sa monumentalitě, je veux dire les noms. La Comédie humaine est aussi
(d'abord) un roman des noms. Non, certes, à la façon de Proust. S'il y a bien chez
Balzac quelque chose comme une rêverie onomastique (Z. Marcas), elle reste
secondaire, inféodée qu'elle est à la caractérisation psychosociale des personnages
(et à la "vie" illusoire dont nous les créditons), quand chez Proust elle commande
l'accès "mystagogique" au réel 3 : "Gobsek", "Vautrin", "Rastignac" signent dans
leurs propriétés morphologiques et phonétiques l'essence d'un caractère (l'avidité
accaparatrice, la complaisance dans l'ignominie, le mordant de l'arriviste), là où
"Parme" et "Guermantes" enveloppent les projections et les associations
imaginaires d'un sujet. La Comédie humaine est un roman des noms dans la
mesure où la croyance en la vie des personnages y est constitutive de sa forme
cyclique. On sait que c'est dans le retour des personnages d'une fiction à l'autre que
Balzac a trouvé, pas tout à fait après coup (en 1834), le principe unificateur de son
œuvre 4 . L'harmonisation des noms fut précisément le signe (l'opérateur et
l'index sémiotiques) de cette "conversion" décisive. A la fusion en un univers
homogène continu (le "monde" de la Comédie humaine) d'univers singuliers et
hétérogènes jusque-là juxtaposés, elle apportait la consécration et la visibilité d'un
baptême : c'est parce qu'avec la nomination la démiurgie romanesque se dotait de
l'élément qui en manifestait le plus explicitement la portée totalisante que la
récurrence des noms, en tant que marques identitaires, devenait par là même la
marque formelle et substantielle du cycle. Toutes choses égales, le retour des
personnages fut un peu à la perception de La Comédie humaine comme un tout
romanesque organique ce que le répertoire des leitmotive sera à l'écoute guidée de
la Tétralogie : l'application que le siècle du Capital, de la Science et du Progrès
faisait des protocoles de totalisation (panoramas, passages, expositions, grands
magasins, dictionnaires...) aux produits de l'art et de la littérature 5. Le principe
réificateur de la récurrence rendit en effet possible ce dont seuls les discours
savants et didactiques (notamment de type encyclopédique) détenaient jusqu'alors le
privilège exclusif : l'établissement d'un index nominorum fictionnel, d'un
dictionnaire des personnages - d'une "table de matières biographiques", pour
reprendre l'expression de Balzac, qui en avait lui-même envisagé l'éventualité dès
1839, il est vrai sur le mode de la "plaisanterie" 6, sans se douter que l'entreprise
serait effectivement, et fort sérieusement, réalisée un demi-siècle plus tard 7. De
ce détournement d'un modèle gnoséologique à des fins purement imaginaires, les et figur alité dans La Comédie humaine... 17 Code
modifications survenues depuis dans nos pratiques de lecture tendent à nous
masquer l'importance. La subsomption du monde fictionnel balzacien par les
méthodes taxinomiques et les modèles biographiques qui organisent les discours
sur le monde historique entérinait l'assomption romanesque de l'Etat civil.
Romanesque et vraie : Engels fut, semble-t-il, le premier à s'en aviser.
Encyclopédique, La Comédie humaine ne l'est pas seulement par la diversité
des milieux sociaux et des horizons de pratiques que les personnages traversent et
qu'ils révèlent à la façon d'indices de réfraction, comme, réciproquement, ils en
reçoivent leurs déterminations. Car cette première strate, que l'on dira fictionnelle,
se double d'une strate seconde : les noms n'y nomment plus des personnages,
héros ou comparses intervenant dans l'histoire racontée, mais des personnes
historiques. Ce qu'ils déroulent, ce n'est plus la fresque des destins, mais le
substrat des savoirs. Le Politique, l'Ecrivain, le Philosophe, l'Artiste, le Savant,
etc., se voient délégués dans l'univers fictionnel sous les traits reconnaissables de
figures ayant réellement existé et qu

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