Whistler et ses critiques - article ; n°71 ; vol.21, pg 57-67
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Whistler et ses critiques - article ; n°71 ; vol.21, pg 57-67

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 1991 - Volume 21 - Numéro 71 - Pages 57-67
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Joy Newton
Whistler et ses critiques
In: Romantisme, 1991, n°71. pp. 57-67.
Citer ce document / Cite this document :
Newton Joy. Whistler et ses critiques. In: Romantisme, 1991, n°71. pp. 57-67.
doi : 10.3406/roman.1991.5734
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1991_num_21_71_5734NEWTON Joy
Whistler et ses critiques
En 1859 le peintre américain James McNeill Whistler (1834-1903) vint
s'installer en Europe x ; au cours de sa carrière il exposa principalement à Londres
et à Paris, mais c'est en France surtout que son talent fut reconnu et récompensé -
et c'est au sommet de sa carrière qu'il s'y établit en 1892. Si l'on compare la ré
ception critique en France et en Angleterre l'on comprendra pourquoi Whistler
choisit la France. Dans les pages qui suivent nous présentons en même temps -
avec Whistler comme pierre de touche - une perspective sur la critique d'art des
deux pays au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Whistler avait passé une partie de sa scolarité en Angleterre et y avait de forts
liens familiaux ; sa demi-sœur Deborah s'y était mariée en 1847 ; sa mère s'y
établit en 1863 et son frère, médecin dans l'armée des Confédérés, la suivit à
Londres en 1865 et ne rentra jamais en Amérique. En 1859 Whistler vint à de Paris - le même mois que son premier envoi Au piano (1858-9, Taft
Museum, Cincinnati, Ohio) fut refusé par le Salon 2. Mais la Royal Academy ac
cepta la toile en 1860. « C'est l'Angleterre, mon cher, qui s'avance avec ses deux
mains tendues aux jeunes artistes », écrivait-il à Fantin-Latour (cité par Léonce
Bénédite, GBA, 33, 1905, p. 506). Ironiquement, après quelques années de succès
en début de carrière, Whistler rencontra de grandes difficultés à maintenir sa répu
tation en Grande Bretagne. D'abord, ses envois à la Royal Academy furent reçus
entre 1860 et 1865, puis en 1867 et 1870. Pourtant son œuvre la plus célèbre,
Portrait de la mère de l'artiste (1871, Musée d'Orsay), rencontra en 1872 bien des
oppositions et ne fut acceptée de mauvaise grâce, que lorsque Sir William Boxall
menaça de donner sa démission si on la refusait. Le destin de cette toile est un in
dice de la réussite de Whistler en France, par rapport à son succès en Grande-
Bretagne.
Whistler était évidemment déçu par l'attitude de "l'establishment" - et c'était
réciproque ; pourtant il croyait, comme Manet, que la reconnaissance passait par
le Salon et que le vrai succès viendrait à force d'exposer à la Royal Academy dans
Piccadilly. Théodore Duřet 3 définit cette institution comme « la corporation offi
cielle des peintres en renom, sorte d'Institut gardien des traditions et de la respect
abilité de l'art » {GBA, 23, mai 1881 p. 550). La Royal Academy, présidée par
Sir Frederick Leigh ton et soutenue par Edward Poynter 4 maintenait la tradition
classique. Ces hommes tenaient à Londres des positions analogues à celles de
MM. Cabanel et Bouguereau dans le monde de l'art parisien en tant que représent
ants du conventionnel et du pompiérisme. Les œuvres de Whistler ne furent pas
acceptées : il n'était ni spécialiste de Vénus ni raconteur d'anecdotes larmoyantes
chères aux Victoriens, parce qu'il explorait d'autres problèmes dans son art ; il dut
ROMANTISME n°71 (1991-1) 55 Joy Newton
donc abandonner son rêve de réussite à l'intérieur du « système ». Au cours des
années soixante-dix Whistler travailla surtout à des commissions de portraits, à
des Nocturnes, et à plusieurs projets de décoration, dont La Salle des paons (1876-
77, Freer Gallery, Washington). Il exposa ses œuvres dans quelques galeries indé
pendantes, par exemple à la Grosvenor Gallery de Sir Coutts Lindsey, ouverte en
1877 ; ce fut là que La Fusée qui retombe (1874, Detroit Institute of Art) provo
qua l'attaque de Ruskin contre Whistler qu'il accusa d'« avoir eu l'impertinence de
demander 200 guinées pour avoir jeté un pot de couleur à la figure du public »
(Fors Clavigera, lettre 79, juillet 1877).
Whistler fut toujours très sensible à la façon dont ses œuvres étaient reçues et
à ce qu'on disait de lui dans la presse ; il était abonné à l'argus de Paris et de
Londres et gardait soigneusement les coupures le concernant 5 ; il entra parfois en
une correspondance injurieuse avec ses critiques - et il en publia joyeusement des
extraits (annotés et commentés) dans The Gentle Art of Making Enemies
(Heinemann, Londres, 1890) 6, s'attribuant ainsi toujours le dernier mot. Mais
son procès en diffamation contre Ruskin se termina en une humiliante défaite en
1878. L'attaque de ce puissant écrivain survint au pire moment pour Whistler -
qui, dans son extravagance, avait tablé sur son renom grandissant demander à
son ami, l'architecte Godwin, de construire la Maison blanche. Whistler gagna
bien son procès mais Ruskin ne fut condamné qu'à un Hard symbolique de dom
mages et intérêts. Le peintre fut acculé à la faillite et sa réputation souffrit de la
méfiance générale témoignée à ses œuvres. Les huissiers s'installèrent à la
Maison blanche et ses biens furent vendus aux enchères à Sotheby's en février
1880 ; ses toiles rapportèrent très peu. Duřet décrit ainsi sa position : « Pour
trouver quelque chose d'analogue à l'opposition qu'a rencontrée M. Whistler, il
faut se transporter en France et se représenter l'hostilité qu'a soulevée dans le
temps Delacroix et que soulèvent encore M. Manet et les impressionnistes »
(GBA 23, juin 1881, p. 554). Jusqu'à un certain point, il faut admettre que c'est
la personnalité tranchante et flamboyante de Whistler, son esprit prompt aux re
parties cinglantes, ses sarcasmes légendaires, son amour-propre ombrageux et sa
façon de manier la publicité à des fins personnelles - jamais plus évidents qu'au
procès - qui lui valurent la désapprobation générale dans l'Angleterre victorienne
tout au long de sa carrière : selon le Graphie « the artist's eccentricity is too
premeditated and self-conscious « 2/11/1872) ; tandis que The Sketch affirme :
« Whistler himself would be a nobody without the society journals »
(25/01/1879) ; pour le Daily Telgraph « Whistler is an amiable eccentric who is
tacitly allowed to anticipate even the first of April » (21/02/1885) ; tandis que
The Artist le décrit comme « little appreciated and much laughed at » (juin
1884) ; le critique du Liverpool Mercury résume ainsi sa position :
In Paris Whistler is the name of a distinguished artist, but in the eyes of the
vast majority of English people Whistler is still regarded as a genial wit who
amuses himself by painting odd and often incomprehensible pictures
(29/08/1891).
Duret suggère dans sa biographie Histoire de J. McN. Whistler et de son
œuvre (Paris, 1904, Londres et Philadelphie, 1917) que ce trait de caractère fut
inspiré par Courbet, avec qui il avait passé deux étés de travail en 1865 et 1866 : Whistler et ses critiques 59
Courbet... avait la manie des artistes français de son temps, de railler, de ba
fouer les bourgeois et de prendre des poses avec eux. Whistler s'était, sur ce
point, comme modelé sur lui. Cette façon de poser dans le monde et de s'y
abonner au sarcasme et au persiflage, qui Га fait si mal juger par tant d'Anglais
et d'Américains, lui venait en grande partie de Courbet (p. 209).
Whistler avait, bien sûr, toujours eu quelques admirateurs : par exemple le
critique du Daily Telegraph signale « the harmony and subdued sweetness of [his]
colour » et le déclare « single and unrivalled » (16/05/1865) ; le critique de The
Examiner insiste sur le fait que dans sa Salle de paons « there is vitality in every
line, a freshness in every touch » (24/02/1877) ; selon The Times il était
« genuine and original » (25/12/1880) et Walter Dowdeswell reconnaît dans son
œuvre « the solution of great problems of colour and line » et loue son
« exquisite sensibility » (Art Journal, avril 1887, p. 97) ; pour George Moore,
grâce aux Nocturnes, « Whistler stands alone, without a rival » (Modern Paiting,
Londres 1893, p. 7), et pour D.S. MacColl il était tout simplement « a master »
(Art Journal, mars 1893, p. 88).
Mais d'une façon générale ses

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents