Y a-t-il « trop de démocratie » en URSS ? - article ; n°4 ; vol.40, pg 811-827
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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1985 - Volume 40 - Numéro 4 - Pages 811-827
Is there too much democracy in the USSR ?
Beginning with an observation of K. Tchernenko who asks if the excess of democracy doesn't jeopardize discipline Marc Ferro examines the meaning such an appraisal might have. In juxtaposing the origins of the operation of the Soviet regime to the contemporary institutional system, he observes that in certain centers of power the border between the leaders and the lead can be porous : moreover, during the Brejnevian period one moves more and more, with the increase of the level of knowledge, from a polymorphous power to an institutional polymorphism while at the different echelons of power the democratic idea becomes disassociated from the notion of pluralism or of the freedom of expression. But is it irreversible?
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marc Ferro
Y a-t-il « trop de démocratie » en URSS ?
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 40e année, N. 4, 1985. pp. 811-827.
Abstract
Is there too much democracy in the USSR ?
Beginning with an observation of K. Tchernenko who asks if "the excess of democracy doesn't jeopardize discipline" Marc Ferro
examines the meaning such an appraisal might have. In juxtaposing the origins of the operation of the Soviet regime to the
contemporary institutional system, he observes that in certain centers of power the border between the leaders and the lead can
be porous : moreover, during the Brejnevian period one moves more and more, with the increase of the level of knowledge, from
a polymorphous power to an institutional polymorphism while at the different echelons of power the democratic idea becomes
disassociated from the notion of pluralism or of the freedom of expression. But is it irreversible?
Citer ce document / Cite this document :
Ferro Marc. Y a-t-il « trop de démocratie » en URSS ?. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 40e année, N. 4, 1985.
pp. 811-827.
doi : 10.3406/ahess.1985.283205
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1985_num_40_4_283205MARC FERRO
A-T-IL TROP DE MOCRATIE EN URSS
Ne sommes-nous pas trop démocrates et cela ne conduit-il pas un affai
blissement de la discipline Cette interrogation de Tchernenko en 1982
de quoi paraître insolite elle prend contre-pied ceux qui croient la vérité du
témoignage des dissidents et jugent le régime soviétique partir de la représen
tation ils en donnent Sans doute la démocratie laquelle se réfère
Tchernenko a-t-elle ni le même statut ni le même fonctionnement que la
démocratie de type occidental Si on tire les le ons de expérience rap
portée tour tour par les émigrés les opposants les dissidents depuis près de
trois quarts de siècle on jugerait plutôt que la démocratie des soviets fait
naufrage et que pendant ces quinze dernières années au moins il est vrai que
les mesures de contrôle et de surveillance de la société ne sont plus sanglantes
comme époque de Staline les mailles du filet qui enserrent cette société sont
plus fines encore auparavant Les possibilités de téléphoner étranger de
recevoir des publications venues de Ouest ont encore été réduites sous
Andropov les jugements portés officiellement Moscou sur les dissidents les
refuzniks comme sur la situation en Pologne sont autant de signes qui vus de
Occident témoignent de ce resserrement
Que Tchernenko pose cette question soulève néanmoins plusieurs pro
blèmes Depuis la révolution Octobre appel la discipline bien constitué
un leitmotiv du régime mais celui-ci ne avait jamais invoqué en relation avec
un excès de démocratie Certes en 1917 Boukharine avait déclaré que le parti
bolchevik était trop démocrate pas assez socialiste mais dans un contexte
totalement différent il agissait alors avant Octobre de se saisir du
Annales ESC juillet-août 1985 no pp 811-827
811 HISTOIRE DE URSS
pouvoir sans attendre avoir acquis la majorité dans les soviets Ainsi le statut
et le fonctionnement que Boukharine assignait la démocratie étaient bien ceux
qui la définissent ordinaire comme pluraliste et représentative Dans usage
en fait Tchernenko au contraire il introduit une rupture de sens Indiquer
il existerait trop de démocratie en URSS un propos que corroborent
au reste autres analyses des dirigeants apparaît ainsi abscons et para
doxal1
Pour comprendre la vie politique en URSS on voudrait tenter ici de rendre
ce jugement intelligible
Pendant longtemps analyse du système soviétique procédé de deux
modes approche Le premier partir une étude de pouvoir étudié et
confronté les différentes stratégies il proposait ou énon ait et observé leur
relation avec les réactions de la société Cette manière de faire qui se fondait
sur une analyse globale du sens de histoire émanait de militants opposants
de penseurs bref intellectuels qui au nom de leur savoir ou de leur expé
rience prétendaient être les analystes brevetés de histoire ils aient en effet
disposé ou non un instrument de pouvoir Parti fraction syndicat ou une
autre organisation ne change en rien la nature des jugements ils ont portés
sur évolution du régime2 La deuxième approche dénuée de tout projet poli
tique au moins en apparence confronte le régime soviétique autres
modèles tels que la démocratie occidentale le totalitarisme nazi ou les dicta
tures militaires Elle permet de constater par exemple que la dynamique des
conflits engendrés par la révolution abouti la répression de toute dérive vers
le pluralisme des pouvoirs Il est clair que ce type analyse qui situe le système
soviétique aux côtés du nazisme comme le régime totalitaire par excellence
peut difficilement permettre de comprendre observation de Tchernenko qui
nous sert ici de point de départ3
Au cours des vingt dernières années les analystes du premier type ont
rejoint les seconds la science politique donnant leurs conclusions plus de
respectabilité Comme était auparavant le cas pour le concept de lutte des
classes celui de totalitarisme entend son tour tout expliquer ce qui change en
URSS comme ce qui ne change pas. Par un mouvement de ressac le concept
été son tour mis en cause aux tats-Unis surtout sous le prétexte il était
un instrument de guerre froide Puis par un effet de ce mouvement certains
sont allés déceler dans la société soviétique une sorte de pluralisme
Mais dans le même temps au début des années 1970 le concept de totalitarisme
refaisait surface dans les Démocraties Populaires réanimé une vigueur nou
velle en particulier par les événements de Prague en 19684
Or ce qui caractérise ces analyses au moins Ouest est partir de
quelques paramètres elles prétendent une analyse globale elles procèdent
ainsi la manière de la science économique qui durant les années 1950 avait
déjà formulé un diagnostic sur le développement de URSS partir un
nombre limité de paramètres Gerschenkron par exemple démontrait que
compte tenu du rythme de sa croissance industrielle entre 1885 et 1913 URSS
eût atteint en 1960 un niveau de développement économique plus élevé que
celui auquel elle était parvenue si elle avait fait économie de la révolution
Octobre et des plans quinquennaux En tant économiste il ne prenait pas
en compte dans son modèle les grèves dont cette croissance était porteuse. et
812 FERRO TROP DE MOCRATIE EN URSS
qui ont eu pour conséquence entre autres de conduire la révolution Ceux
qui utilisent le concept de totalitarisme procèdent un peu de la même manière
ils font de ce le pivot de leur mode explication de la société sovié
tique omettant de prendre en compte autres données comme par exemple les
disparités régionales le consensus qui règne dans le pays etc Ils ne nient certes
pas ces réalités mais ils les jugent secondaires Ou encore agissant du consen
sus ils le mettraient volontiers au compte ou plutôt au débit du peuple russe et
de sa tradition de docilité comme si en URSS il avait que des Russes
Paradoxalement on retrouve là une forme de raisonnement typiquement léni
niste mais inversée et rebouillie elle signifie il convient injecter
une claire conscience de son malheur une société définie comme incapable de
le ressentir ou de analyser La société soviétique serait celle dont le régime
organise le consensus comme si elle était la seule dans ce cas5
En vérité ces manières analyser le système soviétique qui prennent pour
réfèrent tantôt un idéal tantôt un modèle constitué ne sauraient le juger démo
cratique fortiori trop démocratique hui ces modes de pensée
sont dominants il est significatif que les derniers ouvrages publiés sur le
régime soviétique se définissent par opposition ils énoncent eux-mêmes
entre les dominants et les dominés Ch Bettelheim) entre ceux qui diri
gent et ceux qui sont dirigés Hoffmann et Laird) entre les gouvernants et
les gouvernés Carrère Encausse) chacun se proposant analyser les
uns et les autres...6
Quand on essaie de rendre intelligible la société soviétique partir obser
vatoires particuliers pour 1917-1918 un comité usine un régiment ou un
comité de quartier pour époque actuelle une municipalité un comité de
contrôle de

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